Comment renverser le déclin apocalyptique des insectes?

Arrêter de répandre des pesticides, réduire la pollution lumineuse et sonore, privilégier des biens dont la production n’est pas nocive pour l’environnement… Dans un plan d’actions relayé en 2020 par le magazine Nature, une septantaine de scientifiques internationaux ont livré leurs pistes et appelé les autorités à agir, sans délai.

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Les études se multiplient et se répètent. Depuis des années, les scientifiques tirent la sonnette d’alarme: l’activité humaine sur Terre menace les populations d’insectes d’extinction. La pollution, le dérèglement climatique, la réduction, voire la disparition de leur habitat, la surexploitation des terres… Autant de facteurs humains qui réduisent drastiquement la diversité et la quantité d’insectes et d’autres invertébrés sur Terre.

«Il y a aujourd’hui un large consensus scientifique sur le fait que le déclin des insectes, des autres arthropodes et de la biodiversité dans son ensemble, est une menace très réelle et très sérieuse à laquelle la société doit faire face de toute urgence», alertaient des scientifiques internationaux, dans un article publié en 2020 dans la revue Nature.

L’exemple allemand

Plus de 70 scientifiques, venus des cinq continents, s’étaient alors rassemblés pour appeler les autorités à agir immédiatement pour contrer ce déclin. Ils applaudissent l’Allemagne, dont le gouvernement s’est engagé en 2019 pour la protection des insectes, notamment via la restriction des pesticides (dont la sortie du très controversé glyphosate en 2023) et la réduction de la pollution lumineuse. Investissements, soutien aux agriculteurs, recherche… Au total, l’Allemagne consacrera 250 millions € à la protection des insectes. «Ce financement devrait faire office d’appel au clairon aux autres pays du monde, en particulier les plus riches, pour qu’ils emboîtent le pas et répondent de manière proactive à la crise, en s’attaquant aux menaces et en mettant en œuvre des solutions», écrivent les scientifiques.

Et ces solutions, ce collectif de chercheurs les livrent clef en main. En effet, ils ne se contentent pas d’appeler à l’action mais proposent également une feuille de route pratique. «En tant que scientifiques, nous voulons rassembler toutes les connaissances à notre disposition et les mettre en pratique avec les gestionnaires des terres, les décideurs politiques et toutes les autres personnes impliquées», expliquait au Guardian le professeur Jeff Harvey de l’Institut néerlandais d’écologie. «Fondamentalement, nous pensons stratégiquement, et ça, c’est nouveau. Dès à présent, tout doit être pensé pour inverser le déclin des insectes», soulignait l’auteur principal de l’appel, au moment de sa publication.

Agir immédiatement

Ce plan «implique la mise en œuvre immédiate de plusieurs mesures ‘sans regret’», écrivent les auteurs. Ces mesures «sans regret» se réfèrent à des actions à mettre en œuvre dès que possible, qui seront bénéfiques à la biodiversité même si leurs effets directs sur les insectes ne sont pas encore connus. Il s’agit en premier lieu de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre. De mettre en œuvre des stratégies de conservation pour les espèces vulnérables, menacées ou en danger en protégeant leur habitat. Il convient aussi de lutter contre les espèces invasives et stopper l’introduction d’espèces exotiques. Les chercheurs encouragent les états à financer des programmes de sensibilisation et à recourir aux incitants fiscaux pour encourager les technologies et les comportements respectueux de l’environnement (et donc des insectes).

Ces recommandations ne sont pas uniquement adressées aux décideurs politiques. En effet, chacun peut agir à son échelle pour ralentir, voire même inverser le déclin des insectes. Arrêter l’utilisation de pesticides et d’engrais synthétiques, réduire la pollution lumineuse et sonore, favoriser les produits dont la fabrication ne se fait pas au détriment des écosystèmes et des espèces, veiller à la conservation des zones naturelles et des espèces menacées… Autant de solutions auxquelles chacun peut prendre part.

«Surtout, nous ne devons pas attendre d’avoir comblé toutes nos lacunes en matière de connaissance pour agir», plaident les scientifiques. «Nous avons déjà suffisamment d’informations sur certaines causes principales du déclin des insectes pour formuler des solutions.» Des données supplémentaires seront encore compilées et évaluées. En outre, l’impact des nouvelles mesures sera lui aussi évalué afin de les améliorer, dans une approche «d’apprentissage par la pratique», ajoutent les équipes. «Nous devons agir maintenant».