Les visites virtuelles ont sauvé nos détenus de la solitude

74 jours sans la moindre visite ! C'est ce qui est arrivé aux 575 détenus de la prison de Hasselt lorsque les établissements pénitentiaires belges ont fermé leurs portes aux visiteurs à la mi-mars afin de lutter contre le coronavirus. Les prisonniers ont vécu une période difficile, mais la crise du coronavirus a aussi créé de nouvelles possibilités, comme la « visite virtuelle ». Une nouvelle forme de contact social qui, du moins à la prison de Hasselt, subsistera après la fin de la pandémie.  
par
sebastien.paulus
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Matthias, 57 ans, séjourne depuis plus de 9 ans à la prison de Hasselt. Ces derniers temps, ce sont surtout ses enfants, ses petits-enfants et son épouse qui lui ont manqué. « Je n'ai plus vu mon épouse depuis quatre mois. Je l'ai entendue au téléphone. Mais je ne l'ai ni vue ni serrée dans mes bras », déclare Matthias. La direction de la prison avait décidé d'interdire les visites parce qu'elle voulait coûte que coûte éviter que le virus ne touche l'établissement.

« À la mi-mars, nous avons isolé totalement l'établissement du monde extérieur », explique Paul Dauwe, directeur de la prison de Hasselt. « Toutes les formes de visite ont été suspendues. En fait, plus personne n'entrait ici, sauf celles qui étaient cruciales pour le fonctionnement de la prison, comme les fournisseurs et aussi les avocats. Ce qui, bien entendu, n'a pas été sans conséquences », poursuit Paul Dauwe.

« En général, les personnes qui séjournent en prison ne brillent pas par leurs contacts sociaux de qualité. Et ce sont justement elles qui ont été totalement retranchées du monde extérieur. Cela a d'énormes implications négatives, pas seulement pour leur vie ici, mais aussi pour leurs chances de réintégration par la suite. Mais nous n'avions pas d'autre choix ! »

"En trois jours, tout le monde est contaminé"

Nombreux sont aussi les détenus qui reconnaissent la nécessité de ces mesures, et la comprennent, comme Tom. « Ne pas recevoir de visite pendant 74 jours est très frustrant, mais compréhensible », dit-il. « Sinon, le coronavirus aurait touché la prison et nous aurions tous été contaminés. Nous vivons ici en communauté sur quelques mètres carrés. Si une seule personne est contaminée, tout le monde le sera dans les trois jours. Il n'existe en outre aucune prison en Belgique qui dispose des infrastructures pour gérer une telle situation », précise Tom.

D'après le directeur de la prison, la crise du coronavirus prouve une fois encore que le contact social, et par excellence la visite, est terriblement important pour les personnes derrière les barreaux. Et Valérie, une détenue maman de deux enfants, sait de quoi elle parle. « Le pire aspect de l'interdiction des visites est la solitude. Il y a des tas de gens autour de vous, mais à vrai dire vous n'avez pas besoin de ces personnes. Vous avez besoin de votre famille ! », explique-t-elle.

Visites virtuelles

Pendant la crise du coronavirus, de nombreux détenus se sont rués sur les appels téléphoniques et vidéo. Pour combler le vide engendré par l'interdiction des visites, la prison a notamment instauré la visite virtuelle, une primeur. « Depuis toutes ces années que je suis en prison, nous n'avons jamais eu la possibilité de faire un chat vidéo », mentionne Tom. En tant que maman, Valérie estime qu'il est extrêmement important de garder le contact avec sa famille. « Je téléphonais bien 5 à 6 fois par jour pour pouvoir entendre les enfants. Le chat vidéo m'a aussi énormément aidée. J'ai pu ainsi suivre quand même ma famille et voir ce qu'ils faisaient. »

D'après Paul Dauwe, la visite virtuelle n'est pas seulement un bon substitut de la visite normale, mais elle offre aussi des possibilités supplémentaires. « La visite virtuelle est une expérience totalement différente. Les détenus peuvent voir à l'intérieur du domicile de leurs proches. D'autre part, cela ouvre aussi des possibilités aux prisonniers qui ne reçoivent normalement aucune visite, parce que leur famille vit à l'étranger par exemple. Nous projetons dès lors de maintenir la visite virtuelle, même après la crise du coronavirus. »