Comment simplifier les jargons administratifs et juridiques ?

par
Nicolas
Temps de lecture 4 min.

Le citoyen peine souvent à comprendre ce que lui veut une administration. Le langage juridique et institutionnel fait peur et freine le citoyen qui voudrait faire valoir ses droits. Pourquoi ne pas le simplifier alors? C'est la mission de l'ASBL Droits Quotidiens.

Aider les travailleurs

Qui n'a pas sué sur sa déclaration fiscale? Et qui ne s'est pas déjà laissé surprendre par une amende ou un intérêt de retard parce qu'il n'avait pas compris une longue phrase pleine de références juridiques? Des situations comme celles-ci, cela peut arriver à tout le monde, quel que soit son niveau d'éducation. Olivier Beaujean en connaît des centaines. Ce juriste et formateur travaille à l'ASBL Droits Quotidiens. Avec ses collaborateurs, il apporte un soutien. "Notre métier premier est d'aider les travailleurs sociaux à mieux comprendre le droit et les arcanes administratifs. Ils côtoient au quotidien des personnes qui sont dans des situations sociales difficiles. Et neuf fois sur dix, il y a un problème juridique sous-jacent à décoder." L'association reçoit aussi dans ses permanences toute personne qui éprouverait un problème spécifique avec une administration.

"Depuis deux ans, on forme également des juristes, des avocats et des magistrats à déconstruire la manière dont on leur a appris à s'exprimer." Concrètement, Droits Quotidiens enseigne une nouvelle manière d'écrire avec des phrases moins longues, moins de jargon et davantage de formulations qui correspondent à la manière de lire aujourd'hui.

Cela nécessite une prise de conscience. "L'argument qui nous est souvent avancé est souvent le même: ‘Si nous avons fait cinq ans d'études, ce n'est pas pour parler comme tout le monde'." Or, l'objectif est de rendre moins élitaire ce que chacun n'est nul sensé ignorer: la loi. Ce principe démocratique se voit mis à mal par cette langue qui en impose, devant laquelle on se sent tout petit. De la même manière que le marteau du juge frappe la sentence, les mots du juge font peur.

Pas si simple de simplifier

Olivier Beaujean nous apprend toutefois que le déclic vient du monde juridique, qui s'est aperçu au fil des années du fossé qui le séparait du citoyen, alors qu'il est supposé le défendre. Vint alors la question des outils dont disposaient les apprentis juristes pour y remédier. "Cela demande une plus grande maîtrise de la langue française que d'exprimer une situation juridique de manière simple. Ce n'est pas facile de simplifier." Mais il existe des méthodes que les juristes et romanistes de Droits Quotidiens distillent lors de formations.

Mais la forme ne fait-elle pas partie de la loi ? Changer la phrase n'impliquerait-il pas un vice de procédure ? "Plus on creuse, plus on se rend compte qu'il y a beaucoup moins de contraintes légales sur la forme que ce que les juristes s'imposent." Il y a deux ans, Olivier Beaujean s'en est aperçu en aidant des avocats à simplifier les citations en justice, notamment pour des petites créances ( comme une facture d'hôpital impayée). "L'information principale, à savoir le rendez-vous, était indiqué en gras, mais en troisième page. On a perdu le justiciable qui a arrêté sa lecture bien avant ça." Le document a depuis été toiletté et, depuis lors, il fait gagner du temps.

L'enjeu est essentiel pour la démocratie où l'accès à la justice est un droit fondamental. Il revient à diminuer cette impression injuste d'une justice qui frappe sans comprendre. La semaine de la Langue française en fête mettra en lumière ce sujet jusqu'au 20 mars.

Un exemple et quelques trucs

Le texte au-dessus veut exactement dire la même chose que celui en dessous. Pourtant, il semble tout à fait différent. Cet exemple nous a été donnés par Olivier Beaujean de Droits Quotidiens. En plus d'une bonne connaissance du vocabulaire juridique, quelques trucs existent pour aider la simplification. Décomposez les informations en plusieurs phrases plutôt que de multiplier les enchâssées. Utilisez la voix active. Réduisez les termes en -tion fort abstraits. Et pourquoi ne pas changer simplement la présentation du texte en utilisant les énumération en listes ? Ces conseils sont repris dans une brochure gratuite éditée par le service de la langue française de la Fédération Wallonie-Bruxelles. "Écrire pour être lu" s'adresse à tous les rédacteurs de textes administratifs. Mais il peut s'avérer utile pour éclaircir sa correspondance et ses communications diverses.

Et n'oubliez pas que la Langue française en fête, c'est tout une série d'activités culturelles, ludiques et pédagogiques dans toute la Fédération Wallonie-Bruxelles. D'ailleurs avez-vous fait notre test de vocabulaire ?

Nicolas Naizy

Crédit: Belga / E. Lalmand