Découvrez Leeuwarden et la triennale Arcadi, la perle méconnue de nos voisins bataves

Jusqu’il y a peu, Leeuwarden n’était pour nous rien de plus qu’une ville néerlandaise au nom qui sonne bien. Mais, après un bain de culture rafraîchissant de trois jours dans le nord des Pays-Bas, incluant le magnifique festival culturel Arcadia, nous en sommes certains désormais: cette ville est la perle méconnue de nos voisins bataves!

par
Nina van den Broek
Temps de lecture 7 min.

Dans le centre de Leeuwarden, à proximité des canaux où un petit bateau passe de temps en temps, se dresse une œuvre d’art particulière. C’est un panneau indicateur, affichant les phrases «’t Is avond in Siberië» (‘C’est le soir en Sibérie’, ndlr) et «En nergens staat een leeuw» (‘Et nulle part il n’y a un lion’, ndlr). Notre guide nous explique qu’elles sont extraites de la chanson «Dodenrit» (course mortelle, ndlr) de Drs. P, un chanteur de cabaret néerlando-suisse. Cette chanson macabre raconte l’histoire d’une famille qui fuit vers la ville sibérienne de Omsk, mais qui en chemin tombe sur une meute de loups affamés. Elle se conclut sur ces paroles: «Terwijl de wolven mij verslinden denk ik, dat is pech/ Ja, Omsk is een mooie stad, maar net iets te ver weg» (‘Pendant que les loups me dévorent je pense que c’est dommage/ Oui, Omsk est une belle ville, mais juste un peu trop éloignée’, ndlr). «En zo is het ook met Leeuwarden: mooi maar zo ver» (‘Et c’est la même chose avec Leeuwarden: belle mais tellement loin’, ndlr), ajoute notre guide un peu dépité.

Leeuwarden est le chef-lieu de la province de Frise, dans le nord des Pays-Bas. Sur la route, vous ne rencontrerez aujourd’hui tout au plus que quelques conducteurs du dimanche ou des compagnons de route bruyants, mais c’est vrai que les Belges devront avaler pas mal de kilomètres pour se rendre à Leeuwarden. Mais trop loin? Pas pour nous!

Grandeur majestueuse

Pour bien comprendre pourquoi un minitrip à Ljouwert -c’est le nom frison de la ville- vaut le détour aujourd’hui, il nous faut brièvement revenir au 16e siècle. À cette époque, pour le roi des Pays-Bas, la Frise était fort éloignée pour y régner comme il sied, et il a donc fait de Leeuwarden une seconde capitale royale. Cinq siècles plus tard, la ville a perdu ce statut, mais la grandeur et l’influence culturelle de la capitale d’antan sont restées. Grâce à la richesse de la cour, Leeuwarden est passée de petite ville moyenne à l’une des villes les plus importantes des Pays-Bas. On peut encore le voir aujourd’hui à ses magnifiques édifices, mais aussi au caractère culturel de Leeuwarden. Parmi les différents musées de la ville, on trouve le Fries museum (musée de la Frise), qui vous dit tout sur la spécificité de la Frise, ainsi que le Keramiekmuseum (musée de la céramique). Il est installé dans un ancien petit palais de la cour, le Princessehof, qui abrite encore une réplique à l’identique de la salle à manger de style baroque de la princesse Marie-Louise de Hesse-Cassel, y compris le plancher en bois qui craque, le papier peint doré et la porcelaine exotique que seuls les nobles pouvaient se payer.

Festival culturel Arcadia

Cinq siècles après la montée en puissance de Leeuwarden et en partie grâce à cet héritage, la ville est devenue en 2018 le walhalla des amateurs de culture: la Capitale Culturelle officielle de l’Europe. Quatre ans plus tard, Leeuwarden place à nouveau sa valeur culturelle sous les feux de la rampe avec la première édition de la triennale Arcadia -qui signifie «pays utopique». Du 6 mai au 14 août inclus, pendant 100 jours exactement, Leeuwarden sera une plateforme pour les artistes qui s’interrogent sur comment le monde peut devenir un meilleur endroit. Un des projets d’Arcadia est Bosk, une sorte de bois voyageur. Des milliers d’arbres plantés dans des centaines de bacs se déplaceront dans toute la ville de Leeuwarden pendant le festival culturel. Avec des centaines de bénévoles à la manœuvre. Bosk n’aura ainsi pas uniquement une fonction d’apporter de la verdure dans la ville mais aussi de réunir les différentes communautés. De plus, les arbres seront garnis d’un anneau led qui changera de couleur en fonction de l’état de santé de l’arbre: science et spectacle visuel 2-en-1! À l’issue du projet Bosk, tous les tilleuls, les bouleaux et les frênes seront replantés dans la ville de Leeuwarden -car l’utopie peut parfois devenir réalité.

Paradys, une exposition d’art installée au milieu de la forêt du village proche d’Oranjewoud est un autre point fort d’Arcadia. C’est là que flânaient au 17e siècle des membres de l’ancienne famille royale, enjolivant leurs domaines avec d’impressionnantes allées, de magnifiques jardins et des palais baroques. Aujourd’hui, des artistes internationaux majeurs y exposent leurs œuvres, qu’ils ont tout spécialement créées dans le cadre d’Arcadia et d’Oranjewoud. Ce lieu idyllique est l’endroit parfait pour vous demander s’il est encore possible aujourd’hui de créer un paradis et de l’associer au monde agité qui nous entoure. Et quid du privilège des puissants qui peuvent créer ces paradis? Il y a là matière à réflexion dans un cadre magnifique.

Food for foodies

Retour à Leeuwarden, où pendant notre séjour nous avons d’ailleurs agréablement profité du soleil printanier -car même dans le nord il est de la partie, pour ceux et celles qui en douteraient encore! Autre bâtiment majestueux dans le centre de la ville, l’ancienne poste est devenue un hôtel raffiné, le Post Plaza. L’hôtel a la taille d’un établissement de chaîne, mais vous ne le remarquez pas du tout en termes de service, confort et luxe. Le petit-déjeuner, qui est servi dans le magnifique Grand Café, doté d’un plafond en bois authentique, est tellement copieux qu’après deux jours nous découvrons encore de nouvelles sortes de pain, de spécialités frisonnes, de jus de fruits et de plats à base d’œufs. Sans oublier la partie petit-déjeuner à base de fruits et de céréales. Et les sets de table éducatifs vous permettront d’apprendre quelques mots de frison!

Mais, en fait, le seul mot de frison que vous devez retenir est hearlik, qui signifie «délicieux». C’est vrai, nous n’avions pas placé la barre très haut à l’avance en ce qui concerne la cuisine néerlandaise locale, mais nous avons rarement mangé aussi bien et agréablement qu’à Leeuwarden. Les gastronomes apprécieront Eindeloos, le restaurant de Willem Schaafsma qui bénéficie d’une mention honorable dans le guide Michelin et qui sert des petites œuvres d’art à base de produits locaux et bio qui ravissent tous vos sens. ROAST est niché dans le cœur horeca de Leeuwarden et ressemble à première vue à un endroit où des hommes des vrais mordent à pleines dents dans de grands bouts de viande tout en avalant une demi-douzaine de cannettes de bière, mais on y sert aussi des plats très raffinés -avec les vins qui s’y marient, et pas dans des cannettes. Nous avons lunché dans l’établissement trendy Sophia’s à la gare et au Proefverlof, un restaurant qui a pris ses quartiers dans l’ancienne prison de Leeuwarden et où il fait bon s’attabler au bord de l’eau.

La Pise du Nord

Après trois jours riches en culture, un apport frais de vitamine D et le ventre plein, nous sommes repartis chez nous. En route, nous avons écouté le hit frison «Wêr Bisto» pour encore un peu rester dans l’ambiance, car en fait notre visite à Leeuwarden aurait encore pu durer bien plus longtemps. C’est ainsi que la vieille ville regorge de chouettes boutiques de seconde main et d’antiquités et la Miniature People Route vous montre la ville sous un autre angle. Et nous n’avons même pas parlé de ce qui fait la fierté de la ville – sorry, chers habitants de Leeuwarden: l’Oldehove, une tour inclinée qui se visite jusqu’au sommet. Donc, pas besoin d’aller à Pise pour les photos gag. Leeuwarden est de plus située à un jet de pierre des Waddeneilanden (îles frisonnes), une merveille de la nature à couper le souffle. Bref, nous ne comprenons vraiment pas pourquoi Leeuwarden n’accueille pas plus de Belges. Amateurs de culture, foodies ou fans de nature ayant envie de passer un petit week-end en ville, qu’attendez-vous pour y aller?!