La pratique de l’hypnose deviendra-t-elle une future «arnaque à grande échelle»?

L’hypnose pour diminuer son anxiété, amoindrir la douleur ou arrêter de fumer… Ancestrale, cette pratique est plus que jamais au goût du jour, comme en témoigne la floraison d’organismes de formation, pour le moins hétérogènes.

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ETX Daily Up
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Qu’est-ce que l’hypnose?

Technique ancienne, l’hypnose induit un état de conscience particulier caractérisé par une indifférence au monde extérieur et une capacité accrue à recevoir des suggestions.

Cet état, accessible à quasiment tout le monde, est en fait celui que l’on ressent quand on est absorbé par un livre ou, tout simplement, quand les pensées divaguent.

Dans le champ de la santé, ses applications sont essentiellement la médecine de la douleur et la gestion des troubles anxieux. Mais on l’utilise également pour modifier des comportements de dépendance ou pour d’autres applications (dermatologie, gastroentérologie…)

Namir Abdel Messeeh, 47 ans, réalisateur à Pantin (Seine-Saint-Denis), s’est, lui, formé à la pratique pour «aider les acteurs non professionnels à rentrer dans des rôles».

«Grâce à l’hypnose, j’ai compris pourquoi un message n’arrivait pas toujours à passer, pourquoi certaines personnes avaient besoin d’indications verbales, d’autres davantage sensorielles», assure-t-il.

Son expérience l’a tellement convaincu qu’il est lui-même devenu, en parallèle de son activité, praticien et formateur.

Depuis quelques années, la discipline intéresse de plus en plus: «il y a un effet de mode», témoigne Kevin Finel, fondateur de l’Arche, qui se présente comme la plus grande école d’Europe.

De véritables bénéfices?

Un engouement qu’il explique notamment par le large champ de recherche qui s’est ouvert sur l’état de conscience et l’hypnose, dont l’efficacité «ne fait plus question», selon lui.

La réalité scientifique est toutefois plus complexe.

En 2015, un rapport de l’Inserm trouvait «encore difficile de juger clairement de son utilité dans le domaine médical».

Les auteurs s’étaient penchés sur de nombreuses études et avaient conclu à des applications prometteuses notamment pour diminuer la sédation pendant une anesthésie, mais nettement moins concluantes contre les addictions.

Ils admettaient la difficulté d’évaluer scientifiquement les bienfaits d’une telle pratique, par contraste avec les études bien rodées sur les médicaments.

«Les bénéfices de l’hypnose tels que formulés par les patients ont du mal à être traduits» en chiffres, relevait l’Inserm, s’interrogeant aussi sur la nature exacte de ces bénéfices.

Par exemple, dans le traitement de la douleur, c’est l’«impact émotionnel» de la douleur qui serait réduit par l’hypnose plus que son intensité elle-même.

Des formations hétérogènes

Surtout, l’Inserm prévenait que les formations à l’hypnose sont «hétérogènes», un phénomène qui n’a fait que prendre de l’ampleur ces dernières années.

Il existe quelques formations universitaires, à ce jour non reconnues par l’Ordre des médecins.

De durée variable, de nombreuses formations associatives et privées s’adressent par ailleurs à des professionnels de santé, quand d’autres sont ouvertes à un public plus large, sans qualification requise, «ce qui soulève des interrogations d’ordre éthique», prévenait l’Institut de recherche médicale.

Une voie de reconversion

«Réputée sulfureuse il y a une dizaine d’années, l’hypnose est revenue sur le devant de la scène mais il n’existe pas à ce jour de formation qui soit validée à l’échelle nationale», déplore Bruno Falissard, professeur de santé publique à l’université Paris-Saclay, membre de l’Académie de médecine.

«Nombre de personnes se tournent vers l’hypnose en y cherchant une voie de reconversion», constate de son côté Julie Morvan Mayon, directrice pédagogique et scientifique de l’Institut Français d’Hypnose.

Selon elle, cette pratique devrait être réservée aux professionnels déjà formés à un métier «de soin».

De fait, l’hypnose est de plus en plus utilisée par des dentistes, des sages-femmes, des anesthésistes, des infirmiers, des psychiatres ou des psychologues.

Mais l’offre d’hypnose dépasse de loin ce seul cadre: en ville, de nombreux cabinets fleurissent, promettant gestion du stress, perte de poids, regain de confiance en soi…

Or, même si les personnes souhaitant devenir hypnothérapeutes sont «souvent bienveillantes, cela ne signifie pas qu’elles seront compétentes», met en garde le psychiatre Claude Virot, directeur de l’institut Emergences, qui forme des professionnels de santé.

Militant depuis 30 ans pour le développement de la pratique, il promeut l’efficacité de celle-ci mais regrette que son essor se fasse «de manière aussi sauvage», allant jusqu’à évoquer «une arnaque à grande échelle».