Notre personnalité est-elle vraiment définie par 5 souvenirs d’enfance?

C’est un concept que vous avez peut-être aperçu sur TikTok: chacun de nous aurait une «mémoire centrale», constituée de cinq souvenirs d’enfance marquants. Ceux-ci impacteraient nos personnalités et comportements. En bref, définiraient qui nous sommes. Si cette notion est de plus en plus populaire, qu’en dit la science?

par
Oriane Renette
Temps de lecture 3 min.

Si nos souvenirs sont précieux et fortement liés à notre identité, le concept de «mémoire centrale» est en réalité inventé de toutes pièces. Non, cinq souvenirs de notre enfance ne suffisent pas à déterminer notre identité. Mais quels sont les fondements scientifiques qui se cachent derrière ce mythe? Deux universitaires australiennes l’ont décortiqué dans un article pour The Conversation. Et voici leur réponse, en 5 arguments.

1.Des milliers de souvenirs

Tout d’abord, notre mémoire à long terme (dans laquelle s’inscrivent les souvenirs autobiographiques) est illimitée, soulignent Celia Harris, chercheuse en sciences cognitives, et Penny Van Bergen, professeure en psychologies. Autrement dit, elle retient plus de cinq souvenirs marquants.

2.Des impacts… mais pas sur la personnalité

Ces souvenirs remplissent plusieurs fonctions, mais pas celle de définir notre personnalité. Les trois fonctions clés de nos souvenirs autobiographiques sont les suivantes: primo, ils nous permettent de nous connaître nous-même grâce à nos expériences passées (ils «définissent le soi»); secundo, ils nous permettent de socialiser en les racontant; et tertio, ils nous aident à résoudre des problèmes grâce aux leçons apprises par le passé.

3.Pas forcément les plus marquants

Contrairement à une croyance populaire, nos souvenirs d’enfance ne sont pas nécessairement les plus marquants, indiquent les chercheuses. Au contraire, notre mémoire est assez pauvre quant à nos premières années de vie. En revanche, la plupart des souvenirs importants se situent au début de l’âge adulte, entre 15 et 25 ans, car c’est à cette période que l’on vit généralement les expériences les plus formatrices.

4.Notre mémoire évolue…

En outre, il ne faut pas négliger l’une des caractéristiques de notre mémoire: elle évolue. C’est-à-dire que nous ne nous remémorons pas toujours les mêmes souvenirs… et pas toujours de la même façon! Par ailleurs, l’être humain ne choisit pas ce qui s’inscrit dans sa mémoire. Un fait qui nous semblait anodin peut revenir bien plus tard en prenant une toute autre importance, voire une autre signification. Et à l’inverse, un événement que l’on trouvait marquant nous reviendra en mémoire, mais nous en aurons oublié des tas des détails que l’on croyait essentiels.

5.… Et elle nous joue des tours

On dit souvent que la mémoire est trompeuse. Et c’est le cas. «Chaque souvenir que nous avons est sujet au changement, à l’oubli et aux erreurs. Même lorsqu’il se réfère à un événement important», écrivent les chercheuses. Nos souvenirs peuvent être imprécis voire même réinterprété.

Ces erreurs trouvent leur origine dans le processus d’encodage des souvenirs. Lorsque nous nous remémorons un événement, on en oublie forcément des détails. Conséquence, on reconstruit son souvenir en «comblant les trous»: «chaque fois que nous nous souvenons de l’événement, nous avons le potentiel d’en changer des détails, d’introduire de nouvelles émotions et d’en réinterpréter la signification». Et c’est ce «nouveau souvenir» que notre mémoire va ré-encoder. Nos souvenirs d’enfance peuvent donc être mouvants, même si c’est complètement involontairement.