Journée internationale de l’alimentation: «Il faut remplacer la quantité par la qualité»

Ce samedi 16 octobre, c’est la Journée internationale de l’alimentation. L’occasion de nous pencher sur nos systèmes alimentaires globalement désastreux pour la planète et notre santé. Nous avons rencontré Véronique Taburiaux, directrice de l’Ecole d’Alimentation Vivante et Durable (EAVD), pour une interview tournée action et solutions.

par
Lucie Hage
Temps de lecture 4 min.

Vous donnez des cours sur l’histoire de l’alimentation. Comment mangions-nous il y a quelques milliers d’années?

«L’homme à l’état sauvage était d’abord nomade et chasseur-cueilleur. Il se nourrissait exclusivement d’aliments sauvages, crus et ce jusqu’à 500.000 ans av. J. -C. Son alimentation était extrêmement variée: 50% de fruits et baies, 30% de feuilles, légumes, racines, 20% de sa chasse, de sa pêche et un peu de miel. Mais surtout, l’Homme a toujours couvert 100% de ses besoins dans le grand supermarché de la nature.»

Où en sommes-nous aujourd’hui?

«La mondialisation et l’explosion démographique nous ont poussés à développer en masse notre production alimentaire sous prétexte du nombre grandissant de bouches à nourrir sur la planète. Mais à quel prix… L’abandon des plantes sauvages, la disparition de la biodiversité, la surexploitation des ressources, la culture intensive et le labourage profond au détriment de la qualité des sols, la disparition des haies bocagères, la famine dans les pays pauvres et la surconsommation dans les pays riches, les pollutions dues aux engrais chimiques et pesticides, la maltraitance animale, la production de toxiques tels que les additifs alimentaires, les métaux lourds et perturbateurs endocriniens, l’industrialisation, la dénaturation, la profusion, le suremballage…»

Et cela joue sur notre santé…

«Nous avons troqué nos traditions et petits commerces de proximité en faveur des supermarchés remplis à 85% de produits transformés en tous genres (plats préparés, légumes congelés, alcool, chips, sucreries, farines raffinées…). Ils ne proposent en moyenne que 15% d’aliments originels. De telles dérives ont engendré un déséquilibre nutritionnel à la source de la dégradation de notre santé. Les maladies dites de civilisation sont en hausse permanente: maladies cardiovasculaires, hypertension artérielle, diabète, cancers, maladies neurodégénératives, intolérances, allergies, maladies infectieuses.»

Peut-on nourrir tout le monde sainement?

«Globalement, nous devrions être capables de fournir suffisamment de nourriture de qualité pour l’ensemble des êtres humains. Le problème réside dans le déséquilibre de nos systèmes alimentaires. La cuisine est une invention humaine. Pour répondre aux besoins physiologiques, il importe d’associer les aliments avec sagesse. Il faut savoir précisément de quoi l’aliment est constitué et s’assurer ainsi de couvrir l’ensemble de ses besoins nutritionnels. Il faut remplacer la quantité par la qualité.»

Il ne suffit pas de manger plus de fruits et légumes?

«Il faudrait dix tomates actuelles pour concurrencer en apport en cuivre des variétés rustiques de 1930 et il faudrait dix choux verts d’aujourd’hui pour obtenir la même teneur en potassium par rapport à ce même chou cultivé en 1930. Je pense qu’il faut donc urgemment revenir aux semences anciennes qui garantissent la biodiversité tout en augmentant de façon significative les apports en minéraux et en vitamines d’un même aliment. Je propose également de réintégrer progressivement plus d’aliments crus, pour autant que nos systèmes digestifs soient suffisamment toniques, afin de préserver un maximum de nutriments intacts.»

Par où commencer?

«Les transitions sociétales et écologiques nécessaires sont et seront initiées par les citoyens par le biais d’initiatives et de projets locaux. On se tourne donc vers les petits producteurs et les magasins à taille humaine. On s’informe et on partage nos connaissances au plus grand nombre.»

C’est l’ambition de votre école?

«Oui, c’est en effet éduquer le plus grand nombre à adopter des systèmes alimentaires plus justes qui répondent aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins. L’école forme de futurs «Conseillers en Alimentation Santé, Vivante et Durable» en leur enseignant les fondamentaux de Nutrition, les vertus des aliments, les modes de préparation, les savoir-faire ancestraux et de multiples recettes pour en tirer tous les bienfaits. Orientée ‘solutions concrètes’, elle outille de façon pratique afin de leur permettre de se réapproprier leur santé et de transmettre ces nouvelles compétences à leur tour. Telles de petites graines qui germent.»