«C'est un grand honneur que Godzilla détruise votre ville!»

par
Kevin
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La toute dernière édition de la série de films de science-fiction autour du monstre Godzilla vient de sortir en DVD et en Blu-ray. À l'occasion de cette sortie, nous avons interviewé Gareth Edwards, le réalisateur de Godzilla. Avant de tourner celui-ci, le réalisateur peu connu avait sorti Monsters, un film qu'il avait écrit et réalisé lui-même, y compris les effets spéciaux. Malgré son palmarès peu fourni, ce n'était donc pas un néophyte en la matière.

Comment êtes-vous parvenu à trouver un équilibre entre le look classique de Godzilla et un Godzilla qui doit flanquer la frousse aux spectateurs d'aujourd'hui?

«Nous avons demandé aux responsables de sa conception de coller au concept de base de Godzilla tout en le mettant au goût du jour. Ils devaient s'imaginer que Godzilla était un véritable être vivant, qui existait vraiment il y a soixante ans, qu'il a surgi de l'océan et que des gens au Japon l'ont vu mais ne l'ont pas photographié. Ils se sont en fait rués en hurlant vers les Toho Studios, à qui l'on doit les films originaux de Godzilla, et leur ont décrit le monstre. Sur base de cette description, les gens de Toho ont tourné les films que l'on connaît.

Dans notre film, nous voulions que les gens puissent voir cet animal originel et faire alors eux-mêmes la corrélation: "Ah, je pige comment à partir de cette description fictive ils ont finalement glissé un type dans un costume pour les films". Sur cette base, nous disposions d'une grande liberté artistique pour moderniser Godzilla et le rendre un peu plus "réaliste". Je voulais surtout affiner les formes: des traits de visage plus agressifs et une silhouette plus droite pour que Godzilla paraisse plus sauvage.»

Que pouvez-vous nous dire à propos du casting? Quand on voit les noms des acteurs et qu'on ne sait pas qu'un monstre gigantesque est aussi à l'affiche, on pourrait penser qu'il s'agit d'un film arthouse.

«C'était le but. Pour être franc, les acteurs qui ont collaboré à ce film ont un peu hésité parce qu'un film sur Godzilla peut être un énorme flop.

Quand je lis les C.V. de pas mal d'acteurs, j'ai l'impression qu'ils alternent les projets personnels avec les films commerciaux, qui rapportent beaucoup d'argent. J'ai demandé à chaque acteur de traiter Godzilla comme un projet personnel et pas comme un "film popcorn". Nous avions besoin de prestations d'acteur d'un même niveau que pour un drame.

Ils ont particulièrement bien réagi à cette demande. Quand ils ont lu le script et qu'ils ont vu qu'il y avait de l'émotion et que ce n'était pas un bête film de monstres, ils ont tous accepté de collaborer.»

Comment avez-vous déterminé la ville que Godzilla devait détruire?

«Avec Godzilla, nous avons emmené une icône japonaise en Amérique. Quand nous avons réfléchi au voyage que devrait faire Godzilla dans le film, nous avons décidé qu'il était important que tout commence au Japon. Le film commence donc en Asie et finit en Amérique.

Quand vous faites ce voyage, vous traversez l'océan Pacifique et vous arrivez sur la côte ouest des États-Unis. Vous y avez là Los Angeles et d'autres grandes villes comme San Francisco. Je voulais une ville qui ait une relation avec l'océan. Je sentais que la Bay Area de San Francisco était parfaite pour y faire sortir quelque chose de gigantesque de la mer, tout simplement parce qu'il y a tellement de bâtiments et de ponts. Si Godzilla était sorti de l'eau à Los Angeles, il aurait traversé la plage et serait entré directement dans la ville!

San Francisco était donc le terrain de jeu le plus fun pour une destruction, sans offenser ses habitants. Je trouverais même que c'est un grand honneur que Godzilla détruise ma ville!»

Vous avez visionné 28 films Toho avant de commencer Godzilla. Certains vous ont-ils davantage inspiré que d'autres?

«Le Godzilla le plus important à mes yeux est le film original en noir et blanc de 1954. Pour la plupart des gens qui ne connaissent pas Godzilla ou qui ont grandi avec des versions davantage adaptées aux enfants, le film original constitue une grosse surprise parce que c'est une impressionnante métaphore des bombes atomiques tombées sur Hiroshima et Nagasaki. Si les Japonais avaient dû faire un film ordinaire sur les bombes atomiques, ils l'auraient probablement fait mais après la Seconde Guerre mondiale le monde occidental leur avait imposé une censure. Le Japon ne pouvait pas tourner de films sur la Seconde Guerre mondiale ou sur ce qu'il avait vécu pendant la guerre, ils ont donc sorti un film de monstres à message.»

Comment avez-vous porté Godzilla à l'écran? Était-il complètement animé ou avez-vous aussi recouru à la capture de mouvement (cette technique consiste à appliquer sur le corps d'un acteur des marqueurs que des capteurs transforment ensuite en animation)?

«Il s'agissait principalement d'animation mais à la fin des prises nous avons collaboré avec Andy Serkis (connu pour son rôle de Gollum dans Le Seigneur des Anneaux) et son équipe. C'est ainsi que nous avons utilisé la technique de la capture de mouvement parce qu'elle donnait les résultats les plus rapides mais la plus grande partie consiste en une animation keyframe.

Au début, nous avons regardé pas mal de documentaires animaliers et je voulais que les monstres aient des comportements animaux. Le problème avec ces documentaires est que, souvent, vous ne savez pas quelles émotions animent les animaux, raison pour laquelle il y a toujours un narrateur. Comme nous ne pouvions pas travailler avec un narrateur, nous avons fait appel à Andy pour la touche humaine. Avec la capture de mouvement, le travail d'animation va nettement plus vite. Ce qui était bien nécessaire car nous étions en retard sur notre planning!»