Sonian Wood Coop, une coopérative bruxelloise qui valorise le bois d’arbres récupéré dans la capitale

Lancée il y a deux ans, la coopérative bruxelloise qui valorise le bois d’arbres récupéré dans la capitale et ses abords, notamment en forêt de Soignes, se porte comme un charme. Plus de 700 m³ de bois ont été revalorisés par Sonian Wood Coop l’année passée.

par
Lucie Hage
Temps de lecture 5 min.

On connaissait le «bean to bar» pour le chocolat. Voici le «bille to bar» pour le bois grâce à Sonian Wood Coop. Installée près des Abattoirs d’Anderlecht, cette coopérative revalorise des billes de bois, troncs coupés et nettoyés de leurs branches, pour en faire des plans de travail, des tables, des lattes de parquets, des bardages… Du sur-mesure pour les particuliers, les boutiques ou encore l’horeca bruxellois. Nous avons rendu visite à l’équipe dans le hangar où elle travaille et stocke le bois.

«On est là pour boucler la boucle»

Un ordi dans les mains et un bonnet sur la tête, Stephan Kampelmann nous accueille au milieu des piles de planches en bois et des cris stridents des machines. Le fondateur de Sonian Wood Coop commence par un peu d’histoire: «Les hêtres ont été plantés il y a deux siècles dans l’objectif de reboiser la forêt de Soignes qui était alors en piteux état. Cette essence a été choisie car elle est idéale pour créer des éléments d’intérieurs tels que des meubles ou des parquets. On retrouve encore aujourd’hui d’anciens parquets en hêtre de Soignes dans des gymnases de la capitale». Si cet arbre est parfait pour ce genre de fonctions, c’est qu’il est extrêmement lisse et dense, diminuant le risque d’échardes. Il est d’ailleurs tellement dense qu’il est considéré par l’AFSCA comme le seul bois autorisé pour un contact avec les activités alimentaires, précise l’entrepreneur. Ce dernier se réjouit qu’une partie de ce bois reste ici et ne soit pas exportée en Asie, comme il l’est habituellement: «Il faut deux siècles pour que les hêtres arrivent à maturité, ce serait dommage que l’énergie dépensée depuis si longtemps par des générations de gardes forestiers, n’aboutit pas au plan initial, c’est-à-dire une production à Bruxelles pour Bruxelles. On est là pour boucler la boucle. Nous récupérons les lots modestes. Nous nous déplaçons même pour un arbre, c’est ce qui fait notre force», claironne-t-il fièrement avant de tempérer: «Malheureusement, la majorité des grands lots de bois part quand même toujours en Asie. Pour le moment…»

Des planches qui s’arrachent

Sonian Wood Coop travaille toutes les étapes du bois. Débitage, sciage, lissage, profilage… Des ferronniers travaillent avec eux dans le hangar, pour créer notamment les pieds des tables. Leur carnet de projets est bien rempli et s’ils n’ont pas le temps d’en prendre de nouveaux, ils s’arrangent pour mettre le client en contact avec d’autres menuisiers partenaires. Menuisiers, particuliers, artistes… peuvent se rendre directement sur place pour se procurer des planches pour leurs projets. Leur modèle économique est bien ficelé. Il faut dire que Stephan a également un diplôme en économie. Il dispense d’ailleurs des cours aux étudiants de la Cambre, la faculté d’architecture de l’ULB, pour analyser la rentabilité des projets. C’est d’ailleurs grâce à ses cours qu’il s’est penché sur la question du bois: «On a cherché des projets circulaires qui étaient encore à inventer à Bruxelles. Le bois nous a sauté aux yeux. Dans de nombreuses autres villes pourtant bien moins boisées, des projets de revalorisation sont mis en place. Notamment à Montréal où je me suis rendu pour comprendre leur fonctionnement. Alors, on s’est dit que si chez nous, où se trouve la plus grande forêt périurbaine d’Europe, bourrée d’essences idéales et nobles, on ne fait rien, ce n’est pas normal!».

Un pari un peu fou

Il faut environ trois ans pour que le bois sèche et qu’il puisse être travaillé. Les investissements de départ, qui ont été conséquents, ne produisent donc pas de retours financiers directs. Les mises de départ constituent un savant mélange: des coopérateurs privés qui ont investi notamment via un crowdfunding, une coopérative d’investissement (Citizenfund) ou encore la Région bruxelloise. Cette dernière est d’ailleurs ravie que les arbres de ses parcs, comme certains qui viennent d’être récupérés au parc Royal par exemple, soient revalorisés plutôt que détruits, affirme l’entrepreneur.

Ce n’était pas gagné non plus sur le plan organisationnel: «Comme nous récupérons des lots modestes et que nos partenaires qui viennent récupérer les troncs se déplacent en priorité pour les lots les plus importants, on doit s’organiser au jour le jour et c’est complexe.»

Et le prix dans tout ça?

Sonian Wood Coop s’est aligné sur les prix habituels du marché du bois venant de Russie ou d’Asie. Evidemment, il faut comparer ce qui est comparable, c’est-à-dire du bois plein, d’excellente qualité. À côté de nous, cette magnifique et épaisse «tranche» d’arbre, d’environ un mètre de diamètre, deviendra une table basse qui sera vendue environ 700 €. Tout le monde ne sait pas se payer une table de salon à ce prix-là mais cela reste un prix «normal» pour de l’artisanat composé de matières nobles. D’ailleurs, Stephan Kampelmann est confiant pour l’avenir: «Des maisons à rénover à Bruxelles, il y en a encore beaucoup! Et de plus en plus de gens veulent rénover avec un impact écologique faible, ce qui est le cas avec notre bois qui n’a pas fait deux fois le tour de la planète avant d’arriver dans votre salon. Nous avons des prix alignés à ceux du marché pour une qualité comparable mais nous, c’est du local et on a des externalités écologiques, mais aussi sociales et économiques positives. Donc il n’y a pas de raisons de ne pas travailler avec nous.» D’autant que le prix du bois dans les circuits mondiaux a considérablement augmenté depuis un an. Stephan nous met cependant en garde: les ressources ne sont pas énormes. Il conseille donc conseille d’utiliser ce bois précieux avec parcimonie et intelligence.