Et si on enseignait l’écologie dès l’école maternelle?

Pour Gilles Boeuf, «il faut enseigner l’écologie aux enfants, en même temps qu’on leur apprend à lire, à compter et à écrire».

par
ETX Studio
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Et si on enseignait l’écologie dès l’école maternelle? C’est l’idée défendue par le programme Water Family, qui incite les politiques à s’emparer du sujet en cette année électorale en France. Le biologiste Gilles Bœuf, parrain du programme et ancien directeur du Muséum national d’histoire naturelle, nous explique pourquoi il est important d’inculquer la notion du «Vivant» dès le plus jeune âge.

«Changer le monde, ça commence à l’école»! Alors que la place accordée à l’écologie pendant la campagne présidentielle a déçu bon nombre des électeurs, l’association française Water Family qui œuvre pour la protection de l’eau fait campagne de son côté pour défendre une mesure absente de tous les programmes politiques: apprendre l’écologie aux enfants «en classe et en pleine nature», pour préserver la Vie et s’adapter aux bouleversements écologiques». Et ce, dès l’école maternelle.

Une proposition ambitieuse qui s’inscrit dans la droite lignée des propositions formulées par la Convention citoyenne du climat. Ambitieuse, mais surtout indispensable, pointe le biologiste Gilles Bœuf, professeur à l’université et parrain de la campagne Water Family. Entretien.

Pourquoi est-ce essentiel d’enseigner l’écologie dès l’école maternelle?

L’émerveillement d’un tout petit qui découvre comment fonctionne un coquelicot, qui comprend qu’une bactérie n’est pas forcément méchante ou «juste moche», traduit une leçon d’humilité qui revient à admettre que l’humain n’est pas au centre de la création. Cette philosophie change tout dans notre rapport au vivant. Or, l’enfant est bien plus réceptif à ce discours.

Je pense donc qu’il faut enseigner l’écologie aux enfants le plus tôt possible, en même temps qu’on leur apprend à lire, à compter et à écrire. Vous vous rendez compte que la biologie, donc la science de la vie, est devenue une matière optionnelle en classe de terminale… On nage en plein délire!

L’idée défendue par l’association Water Family va plus loin que celle de faire de l’écologie une matière comme les autres: elle revendique la nécessité d’en faire un programme à part entière. Comment imaginez-vous ce programme?

Il y a plein de choses à faire! On peut par exemple créer des ateliers pour apprendre à faire des potagers ou découvrir le rôle des insectes. Je pense aussi qu’il faudrait commencer par expliquer aux enfants de quoi sont constitués tous les êtres vivants et la planète, leur faire comprendre pourquoi les relations entre l’eau et les cellules vivantes sont fondamentales,etc.

Il faudrait aussi donner des cours sur le terrain, on ne peut pas uniquement se contenter des salles de classe. On peut par exemple emmener les enfants en mission d’exploration sur des falaises et leur apprendre que s’ils tombent sur un morceau de corail, cela signifie qu’il y a eu de la mer à une époque à cet endroit. On peut aussi s’inspirer des écoles de la nature, comme cela se développe en Norvège et en Suède.

L’aspect de l’apprentissage de l’écologie a été passé sous silence lors de la campagne présidentielle. Quel(s) argument(s) pour convaincre le futur gouvernement de s’emparer du sujet?

De ne pas se focaliser uniquement sur la question climatique, car la question du vivant est toute aussi importante. Admettre que l’on est vivant, que l’on représente la biodiversité et que chaque fois qu’on l’attaque c’est une forme d’auto-agression.

Enfin, je pense qu’il faut bien faire le distinguo entre l’écologie politique associée à une forme d’idéologie ; et l’écologie qui est une science: celle des relations entre tous les êtres vivants.

Y a-t-il des modèles à l’international dont on pourrait s’inspirer?

Pas à ma connaissance, du moins pas un modèle qui consiste à mettre l’écologie au même niveau d’apprentissage que celui de la lecture et de l’écriture. Tout est donc à faire!