Ces villes ont rendu les transports en commun gratuits: quels enseignements en tirer?

De nombreuses villes, notamment chez nos voisins, expérimentent la gratuité des transports en commun. On fait le point sur tous les enseignements retirés de ces expériences.

par
Thomas Wallemacq
Temps de lecture 4 min.

Le 1er mars 2020, le Luxembourg est devenu le premier pays au monde à rendre les transports publics gratuits sur l’ensemble de son territoire national. Concrètement, qu’ils soient touristes, travailleurs, expatriés ou résidents luxembourgeois, tous les voyageurs peuvent monter librement dans les bus, les trains ou les trams sans avoir besoin de ticket. Pas de chance, la date de cette entrée en vigueur coïncide aussi avec l’avènement d’une pandémie mondiale venue totalement perturber les pratiques et les habitudes. Deux ans et demi après l’introduction de la gratuité des transports en commun au Luxembourg, il reste donc encore compliqué de tirer des conclusions. Mais des chiffres datant de l’automne 2021 montrent une augmentation de l’utilisation des transports publics.

On le sait moins mais en France, une trentaine de villes ont déjà instauré la gratuité totale des transports en commun. C’est notamment le cas, à quelques kilomètres de la frontière belge, de Calais, de Douai et de Dunkerque. D’autres villes optent pour une gratuité partielle et misent sur certains critères pour bénéficier de cette gratuité. À Paris, tous les résidents de moins de 18ans peuvent se faire rembourser leur pass Imagine’R qui permet de prendre 14lignes de métro, 10lignes de tram, 5lignes de RER et 1.500lignes de bus. Dans d’autres villes, ce sont les seniors qui peuvent bénéficier de cette gratuité. Enfin, parfois la gratuité partielle se base sur des critères temporels (uniquement le week-end, durant les vacances scolaires…).

Des points positifs

Dans le contexte actuel, quand on évoque la gratuité des transports, on pense surtout aux bienfaits pour l’environnement et la planète, en espérant que cela donne envie aux automobilistes d’abandonner leur voiture. Dans la pratique, les bénéfices remarqués sont aussi d’ordre social. En effet, les transports publics n’auront jamais aussi bien porté leur nom et cela permet à tout le monde, sans aucune distinction d’en profiter.

À Calais, la gratuité a quasiment fait doubler le nombre de voyages par an, les faisant passer de 9,5millions à 19millions. La ville de Montpellier a quant à elle opté pour une gratuité partielle, uniquement le week-end. Cela a eu un impact sur le commerce puisque la fréquentation du centre-ville a été boostée de 15%. Les avantages sont donc nombreux.

Aussi des effets négatifs?

Mais la gratuité des transports en commun ne plaît pas à tout le monde. Tout d’abord, parce que c’est une mesure qui a un coût important et qui doit être financée par la ville et donc par les contribuables. Certains détracteurs estiment que les personnes qui en profitent sont essentiellement les piétons et les cyclistes mais que la mesure ne parvient pas réellement à faire que des automobilistes abandonnent leur véhicule. Il n’existe que très peu de données sur le sujet mais selon une étude menée à Dunkerque en 2019, 48% des nouveaux usagers des transports en commun avaient abandonné leur véhicule. Autre argument parfois entendu en défaveur de cette gratuité: la hausse des incivilités. Là encore, ce serait plutôt une idée reçue. En effet, une ville comme Montpellier par exemple a connu une diminution des incivilités.

Par contre, ce qui est bien réel, c’est que cela peut entraîner une telle hausse de la fréquentation que cela donne lieu à une surcharge du réseau. Les navetteurs allemands ont récemment pu en faire les frais lorsque l’abonnement mensuel de train est passé à 9€ par mois et que de nombreux touristes et voyageurs se sont retrouvés en plus sur des lignes déjà bien remplies. Lorsque la gratuité est instaurée, il est souvent indispensable qu’elle soit accompagnée d’une augmentation de l’offre de transport. C’est d’ailleurs ce qui a été fait à Dunkerque (+45%) et à Calais (+15%). C’est donc un élément qui doit être pris en compte.

À condition d’être bien préparée et anticipée par les villes, et même si elle a un coût important, la gratuité des transports publics a de nombreux points positifs en sa faveur et pourrait encore se développer dans les années à venir.

Possible en Belgique?

Peut-on imaginer que prendre le train devienne un jour gratuit en Belgique? «Probablement pas», a récemment répondu à Moustique le ministre fédéral de la Mobilité, Georges Gilkinet (Écolo). De plus, le ministre estime que les tarifs sont «déjà très attractifs pour les travailleurs, pour les jeunes, les aînées et les personnes fragiles». «Offrir des billets gratuits, ça ne vaut rien si l’offre est insuffisante, en quantité et en qualité. (…) Il n’y a pas de miracle. Si on veut augmenter la qualité de l’offre et la robustesse du réseau, il faut y consacrer les moyens nécessaires», a-t-il ajouté. La gratuité du rail en Belgique, ce n’est donc pas pour demain!