L’inflation pousse les consommateurs vers les marques de distributeurs

Acheter la même quantité mais moins cher: l’inflation pousse les consommateurs à revoir la composition de leur panier et à «glisser» vers les gammes de prix inférieures, une situation qui profite aux enseignes identifiées comme les moins chères, ainsi qu’aux marques de distributeurs bon marché.

par
AFP
Temps de lecture 3 min.

«Depuis le début de l’épisode d’inflation, on voit que ces produits-là montent très fort», dans un contexte où les consommateurs veulent «continuer à acheter à peu près la même quantité» en payant moins cher, relève l’experte en produits de grande consommation chez IRI, Emily Mayer.

Moins de grandes marques

L’inflation en France s’élevait à 5,8% sur un an en juin selon l’Insee, et au même niveau dans l’alimentaire, forçant de nombreux ménages à «descendre en gamme» de prix pour rester dans les limites de leur budget. Les spécialistes notent que la clientèle des marques nationales (MN) et du bio, plus onéreux, se tourne de plus en plus vers les marques de distributeur (MDD) telles que «Marque Repère» (E.Leclerc), «Bouton d’or» (Intermarché), «Reflets de France» (Carrefour). Ces références créées, détenues et vendues par les enseignes sont en moyenne 20 à 30% moins chères que les produits équivalents de grandes marques.

Selon une étude de l’Observatoire Société & Consommation, parmi les 39% de Français qui disent «restreindre» leurs dépenses alimentaires en 2022, 78% «renoncent aux grandes marques pour les MDD». Parmi ces dernières, l’offre premier prix connaît la progression la plus rapide. «Top Budget» (Intermarché), «Éco+» (E.Leclerc) ou encore «Simple» (Carrefour) peuvent être «40 à 50% moins chères» que les marques nationales.

Nouveaux clients

Carrefour et E.Leclerc ont ainsi enregistré en juin une nette hausse des ventes de leurs marques «économiques» (+15% et +16%), par rapport à la même période en 2021, ont-ils indiqué à l’AFP. «Les plus touchés (par l’inflation) sont en train de se réfugier dans les premiers prix», commente la directrice des Marques de Carrefour, Martine Loyer.

Le rebond est «d’autant plus net que ces produits-là étaient en recul» ces dernières années, observe Emily Mayer, d’IRI. Les consommateurs ressentaient moins le besoin d’acheter à bas prix car «on avait un pouvoir d’achat qui progressait», renchérit le président d’Intermarché-Netto, Vincent Bronsard. «Dans le contexte inflationniste» actuel, les magasins identifiés comme les moins chers et qui commercialisent en majorité leurs propres marques conquièrent de nouvelles clientèles, selon le panéliste Kantar.

Lidl, ex-discounter, est le plus dynamique. Il a recruté 784.000 nouveaux foyers entre le 16 mai et le 12 juin, contre 430.000 nouveaux clients pour son principal concurrent Aldi. Pour Netto, sur ce même créneau, la fréquentation a aussi bondi, indique Vincent Bronsard. L’enseigne a attiré en six mois «1,4 million» de nouveaux clients.

Qualité «quasiment similaire»

Les marques de distributeur dites «classiques» (par opposition aux premiers prix) ont retrouvé leur vitalité depuis le début de la crise inflationniste, attirant toutes sortes de publics, y compris des ménages au pouvoir d’achat plus élevé. Ces produits sont longtemps restés impopulaires: les consommateurs rechignaient à les mettre dans leur panier, redoutant une qualité moins bonne que celle proposée par les grandes marques, ou butaient sur le manque de choix.

La valeur nutritionnelle est pourtant «quasiment similaire», rassure la nutritionniste Anne-Laure Laratte, en particulier sur les aliments de base (riz, pâtes, thon en boite…). «La différence se fait surtout sur le marketing» et sur la composition des «produits transformés».

Avec l’inflation, les distributeurs étendent leur offre et remettent leurs propres marques en évidence, avec la promesse de payer moins cher sans perdre en qualité. «Ce n’est pas triste» d’acheter des marques de distributeur, conclut Vincent Bronsard. «Si la crise s’arrête, nous allons retrouver les tendances comme le bio, le +mieux manger+». Mais pour l’heure, des habitudes d’économies sont prises. «Et elles vont rester», prédit-il.