Ils sont des millions à recouvrir la vue gratuitement grâce à un procédé de chirurgie solidaire inspiré de… McDo

Des dizaines d'Indiens en blouse d'hôpital verte patientent avant de bénéficier d'une opération de la cataracte qui leur permettra de recouvrer la vue gratuitement grâce à une chaîne d'ophtalmologistes solidaire inspirée du modèle industriel McDonald's, roi du hamburger.

par
AFP
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Fondé en 1976, avec seulement onze lits à Madurai, dans l'Etat du Tamil Nadu (sud), la chaîne d'ophtalmologie Aravind réalise aujourd'hui un demi-million d'actes chirurgicaux par an, pour la plupart gratuitement.

Le système Aravind, élaboré par Govindappa Venkataswamy, chirurgien ophtalmologiste alors à la retraite, repose sur le principe visant à générer des volumes très importants d'interventions chirurgicales afin d'en diminuer les coûts, comme pour les ventes de hamburgers chez McDonalds.

Le médecin avait découvert les économies d'échelle de la chaîne de restauration rapide lors d'une visite de son "université du hamburger" à Chicago. "Si McDonald's peut le faire pour les hamburgers, pourquoi ne pourrions-nous pas le faire pour les soins oculaires ?" avait-il alors dit.

Selon l'OMS, sur les 38 millions d'aveugles que comptait le monde en 2020, 8,9 millions se trouvaient en Inde, où la cécité est largement imputée à la cataracte (opacification du cristallin) mais aussi à des maladies infectieuses comme le trachome. La cécité est parfaitement évitable, dans le cas d'une cataracte qui "se corrige par une intervention chirurgicale simple", assure Thulasiraj Ravilla, l'un des membres fondateurs d'Aravind.

Démunis en zones rurales

Mais la fierté de l'entreprise repose sur les consultations ophtalmologiques itinérantes auxquelles ont accès les plus démunis, alors que près de 70% de la population indienne vit dans des zones rurales. "L'accès (aux soins) est notre principale préoccupation, aussi nous apportons les traitements à la population au lieu d'attendre qu'elle vienne nous solliciter", ajoute M. Ravilla.

Ces consultations gratuites ont changé l'existence de nombre d'Indiens. A l'instar de Venkatachalam Rajangam, 64 ans, qui a dû abandonner son emploi dans un magasin d'alimentation, les troubles de la vision ayant rendu son activité impossible.

Mais un jour, il a appris qu'une consultation ophtalmologique Aravind s'ouvrait près de son village à Kadukarai, à 240 kilomètres de Madurai. Il s'y est rendu et les médecins ont diagnostiqué une cataracte de l'œil gauche. Il a été emmené à bord d'un bus avec une centaine d'autres malades jusqu'au vaste site de Madurai, où il a été pris en charge à l'hôpital.

Dès le lendemain, il subissait son intervention chirurgicale. "Je pensais que l'opération durerait une heure, mais en 15 minutes tout était terminé. Pourtant je n'ai pas eu l'impression que ce soit bâclé. La procédure s'est déroulée correctement", se souvient M. Rajangam, souriant, juste après le retrait du pansement qui lui couvrait l'œil. "Je n'ai pas eu à dépenser une seule roupie ", s'exclame-t-il en joignant les mains en signe de gratitude.

Développement ingénieux

Selon Aruna Pai, chirurgien ophtalmologiste d'Aravind, les médecins sont spécifiquement formés aux actes de chirurgie rapides et rigoureux. Selon l'hôpital, le taux de complications est inférieur à deux pour 10.000, alors qu'il varie de 4 à 8 pour 10.000 en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis.

"Nous avons des laboratoires d'entraînement où l'on nous apprend à opérer les globes oculaires des chèvres. Cela nous aide à affermir nos compétences", explique M. Pai, qui pratique une centaine d'opérations par jour.

Au lieu de compter sur la charité ou les subventions gouvernementales, Aravind se sert des revenus générés par les soins et les consultations payés par des malades qui en ont les moyens pour couvrir les traitements des plus désargentés.

Le réseau Aravind tire aussi des recettes importantes de la vente d'implants et de médicaments qu'il produit aujourd'hui, s'étant ingénieusement développé. Il compte aussi une multitude de centres de soins spécialisés, ainsi que de cliniques communautaires.

Le groupe réduit encore ses coûts en fabriquant lui-même des lentilles intraoculaires pour le traitement de la cataracte dans son unité de production Aurolab d'où sortent plus de 2,5 millions de lentilles par an, six fois moins chères que celles importées autrefois des États-Unis.