Équipés de capteurs, des surfers bénévoles mesurent la pollution chimique des océans

Pour la deuxième année consécutive, des bénévoles engagés auprès de l’association Surfrider consacrent leur été à une mission un peu spéciale: mesurer la teneur chimique de leurs lieux de baignade à l’aide d’un kit de prélèvement immergé dans l’eau. Les échantillons seront ensuite envoyés en laboratoire pour évaluer l’impact de l’exposition aux polluants chimiques présents dans les mers et les océans sur la santé des baigneurs.

par
AFP
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Si vous flânez sur les plages de la Côte Atlantique ou Méditerranée, ne vous étonnez pas de croiser des aficionados des sports nautiques avec un objet étrange accroché à la cheville. Non, ce n’est pas un leach, mais un capteur destiné à être immergé pour mesurer la teneur chimique de l’eau. Et l’expérience est tout de ce qu’il y a de plus sérieuse, puisqu’elle est pilotée par l’association de défense de la protection et de la qualité de l’eau Surfrider Foundation Europe.

«L’océan est pollué par des substances chimiques, mais aucune étude ne montre aujourd’hui leurs conséquences sur notre organisme», souligne l’ONG sur son site, qui a lancé il y a plusieurs mois le projet de recherche CURL, en collaboration avec l’équipe du laboratoire EPOC (CNRS/université de Bordeaux) et l’Ifremer.

L’étude vise donc à se faire une idée précise des conséquences sanitaires sur les usagers exposés aux polluants chimiques contenus dans les mers et les océans. La première phase expérimentale se déroule (pour la deuxième année consécutive) de juin à octobre. Les kits utilisés par les bénévoles, qui s’engagent à se baigner régulièrement pendant cette période, ont été conçus par le laboratoire de l’Ifremer et du CNRS de Bordeaux et sont utilisés depuis des années pour détecter les polluants chimiques dans les cours d’eau ou les océans.

Surfrider a donc eu l’idée de les adapter pour les bénévoles, qui n’ont plus qu’à les attacher autour de leur cheville à chaque baignade. «Ces capteurs passifs fonctionnent un peu comme des éponges. Plus ils vont être immergés dans l’eau, plus ils vont emmagasiner les polluants, tels que les engrais, les hydrocarbures, les résidus de médicaments», explique Clément Moreno, chargé de mission Sciences Participatives chez Surfrider Foundation Europe.

«On ne peut plus dissocier l’aspect sanitaire de l’aspect environnemental»

Chaque capteur a besoin d’être exposé une centaine d’heures. Une trentaine de bénévoles répartis en petits groupes (3 à 15 personnes) se partagent une dizaine de capteurs et se passent le relai en notant chaque fois le lieu (l’idéal étant de changer à chaque fois sur une zone de 50 km environ) et la durée de baignade. Entre temps, les capteurs sont conservés au frais. À la fin de l’été, les échantillons seront ensuite analysés par les laboratoires partenaires du projet CURL.

«Nous allons dans le même temps continuer les prélèvements sur d’autres façades maritimes, avec davantage de kits. Une fois les premiers résultats obtenus, la prochaine étape consistera à se pencher sur l’impact sanitaire, notamment avec des professionnels en écotoxicologie, puis de travailler au niveau local afin d’identifier plus précisément les sources de pollution et essayer de trouver des solutions», précise Clément Moreno. Avant d’ajouter: «passer par la porte sanitaire permet d’emmener les gens plus facilement dans le projet, puisqu’ils sont directement touchés».

À long terme, l’association espère sensibiliser les instances politiques, en prônant un suivi de la qualité de l’eau qui prendrait en compte les critères écotoxicologiques. «Actuellement, le contrôle qualité des eaux littorales se cantonne à la surveillance bactériologique dans les zones de baignade et pendant la saison estivale. Mais les surfeurs et autres sportifs sont susceptibles de se baigner plus loin et d’autres époques de l’année, et donc de ne pas être exposés aux mêmes contaminants. Nous voulons inciter à évaluer ces paramètres supplémentaires, dans des zones plus étendues et pendant toute l’année. On ne peut plus dissocier l’aspect sanitaire de l’aspect environnemental», estime Clément Moreno.