Trois milliards de plus pour remettre le train sur les rails: à quoi vont-ils servir?

Des trains à l’heure, plus fréquents, plus accessibles et avec des tarifs plus attractifs. Pour concrétiser ces ambitions, il faut des moyens. Confirmant sa volonté de faire du train la colonne vertébrale de la mobilité de demain, le fédéral vient d’octroyer 3 milliards supplémentaires au développement du rail. À quoi vont-ils servir?

par
Oriane Renette
Temps de lecture 5 min.

En début de semaine, Georges Gilkinet, ministre de la Mobilité au fédéral (Ecolo), sortait du conclave budgétaire plutôt satisfait, malgré un contexte difficile. Il espérait 4 milliards pour le rail, il en a obtenu 3. Une somme conséquente, mais en deçà de ce qu’attendaient la SNCB et Infrabel (qui avaient chiffré leurs besoins à 3,4 milliards sur 10 ans en plus de leur dotation). Ajouté à cela les deux milliards qui avaient été négociés en début de législature: au total, on arrive à 5 milliards en refinancement du rail.

«C’est un marathon»

C’est sur ces moyens supplémentaires que se baseront notamment les futurs contrats de gestion de la SNCB et d’Infrabel, dont les négociations doivent être clôturées pour décembre (les derniers contrats remontant à… 2012!) «On est dans un marathon, et on est aujourd’hui au km 40. On sait que les deux derniers seront les plus difficiles», nous glisse Georges Gilkinet. «Je ne crie pas encore victoire mais je suis convaincu que tout le chemin que l’on a parcouru, après des années de désinvestissements, va permettre à nos entreprises d’atteindre le plus haut niveau de performance en matière ferroviaire.»

En pratique, ces milliards (en supplément aux dotations annuelles) sont destinés à concrétiser les objectifs inscrits dans la « Vision du Rail 2040 », actée en mai dernier: un train toutes les 30 minutes et toutes les 15 minutes autour des grandes villes, horaires intégrés, ponctualité et accessibilité améliorées, politique tarifaire attractive, compétitivité face à l’aérien… Et ce, afin de doubler, in fine, le nombre de passagers et les volumes de marchandises transportés.

«Le temps ferroviaire est un temps long. Il fallait une vision à long terme», pointe l’écologiste. «On est en train de remettre le train sur les rails avec, pour les 10 années à venir, une programmation des investissements, des travaux et des engagements de personnel. Des postes sont ouverts à la SNCB et Infrabel (accompagnateurs, conducteurs, techniciens…): deux entreprises qui favorisent la diversité, forment leurs travailleurs et donnent une perspective à long terme pour l’emploi. Et ces entreprises sortiront renforcées de ce gouvernement Vivaldi: avec une vision 2040 et un cadre budgétaire à 10 ans.»

Des évolutions concrètes pour les voyageurs

«Le train, c’est un quadruple bénéfice: évidement en matière de mobilité (plus il y a de personnes et de marchandises dans les trains, moins il y a d’embouteillages), d’économie (un euro d’investi dans le rail, c’est trois euros de retour pour l’économie), de climat (en réduisant notre dépendance aux énergies fossiles) et de santé publique (moins de polluants mais aussi moins d’accidents de la route)», développe le ministre de la Mobilité. «C’est un bénéfice pour l’ensemble de la société.»

Aujourd’hui, 80% des Belges vivent à moins de 5 km d’une gare. Pourtant, on estime que la part modale du train ne s’élève «qu’à» 8%. D’ici 2040, l’objectif est de la faire grimper à 15%. Doubler le nombre de voyageurs dans les trains, ça veut forcément dire en faire de nouveaux adeptes. Et pour ça, trois axes d’action:

1.Améliorer la qualité et la quantité du service : «des trains plus tôt le matin, plus tard le soir, plus fréquents, qui soient plus facilement accessibles, mieux connectés avec les autres moyens de déplacement et notamment avec des horaires intégrés», détaille le ministre, «de façon à ce que prendre le train ne constitue pas une charge mentale».

2.Attirer davantage de voyageurs dans les heures creuses , via des formules tarifaires moins chères en dehors des heures de pointes.

3.Développer des formules tarifaires attractives. D’une part, en encourageant les entreprises à conclure des conventions avec la SNCB, permettant aux travailleurs de bénéficier du train à 0€ (80% étant à charge de l’employeur, 20% du fédéral). D’autre part, en simplifiant les formules existantes (gratuité pour les -12 ans, réductions pour les aînés, pass avantageux…). «Surtout, on va rendre automatiques les réductions pour les jeunes (jusque 26 ans), dans les heures creuses, pour les groupes (dès 4 personnes)… D’ici la fin de la législature, on va développer une politique tarifaire vraiment plus attractive», promet Georges Gilkinet.

Va-t-on vers une augmentation des tarifs de 10%?

En raison de l’explosion des prix de l’énergie, couplée à l’indexation des salaires, la SNCB pourrait augmenter ses tarifs de 10% en février (comme le prévoit son contrat de gestion). Une hausse qui n’a rien d’anodin pour les voyageurs. Le ministre de tutelle peut-il les rassurer? «Il y a la volonté d’éviter, ou du moins d’atténuer cette augmentation. 10%, c’est beaucoup trop», nous répond Georges Gilkinet. «La solution, je ne l’ai pas encore. Mais j’y travaille. Et je continuerai à demander la réduction de la TVA à 0% sur les billets de train. C’est tout à fait logique de favoriser les modes de déplacement respectueux de la planète. Or aujourd’hui, on a une TVA à 0% sur les billets d’avion mais 6% pour le train, c’est le monde à l’envers!»