La série «Baraki» débarque sur Tipik: «Les barakis sont un remède contre le côté triste de la politesse»

Déjà entièrement disponible sur Auvio, la série 100% belge «Baraki» arrive ce dimanche sur Tipik. Une série lumineuse, qui fait du bien, une dramédie jamais moqueuse, comme nous l’explique Julien Vargas, acteur et co-créateur de «Baraki».

par
Marie Bruyaux
Temps de lecture 6 min.

Comment est née l’idée de cet ovni dans le paysage audiovisuel belge francophone?

«Comme pas mal d’idées, autour d’une bière avec mon pote Peter Ninane. On se disait qu’on n’avait pas encore vu en fiction des personnages comme ceux qu’on présente, qui nous font penser à ceux qu’on croisait dans la rue dans nos quartiers d’enfance. On était partis au début sur un format beaucoup plus court, un peu comme ‘Un gars, une fille’. Mais notre producteur nous a dit qu’on avait beaucoup d’idées et de personnages et il nous a poussés à déposer un dossier à la RTBF pour un format plus long. Avec le format court, on pouvait vite tomber dans le sketch, dans la moquerie. Nous, on avait envie de développer le côté touchant de ces personnages qui ont de vrais problèmes. La frontière entre le drame et la comédie est vraiment fine.»

Vous ne vouliez pas tomber dans la caricature, mais plutôt faire tomber les clichés sur les «barakis»

«Le titre ‘Baraki’, qui divise un peu parfois, c’est surtout un prétexte pour raconter une histoire de bras cassés, de gens dont on met un peu les défauts en avant mais pour raconter une histoire qui pourrait parler à tout le monde. On avait envie que ça plaise aux familles, même s’il y a des moments un peu gratinés quand même… On avait envie que les gens puissent voir quelque chose de positif. Quand on parle de précarité et de chômage, on peut vite se dire qu’on va faire un drame mais non, il y a aussi moyen de faire rire autour de ça.»

La série montre aussi qu’on est tous le baraki de quelqu’un d’autre. Et finalement, ce sont plutôt ceux qui insultent les autres qui sont pointés du doigt…

«Oui, on a voulu créer une réflexion: ‘C’est quoi le regard qu’on porte sur les autres?’. Quand on voit ces milliardaires comme Elon Musk ou Jeff Bezos, qui ont la possibilité d’aider des gens mais qui préfèrent envoyer une fusée dans l’espace, tu te dis que ça, c’est vraiment baraki. Ça dépend de la définition que tu donnes au mot.»

Et quelle est votre définition justement?

«La définition qu’on a mise en avant dans la série, c’est qu’un baraki est quelqu’un de libre, qui se libère du regard et du jugement des autres. Ils ne sont pas dans le politiquement correct. Ils sont un remède contre le côté triste de la politesse.»

Le message de la série c’est: ‘Revendiquez votre différence’?

«Oui, c’est un peu une déclaration d’amour à la Belgique quand elle est absurde, drôle et populaire. Et puis, on met un peu en avant cette classe ouvrière, que l’on dit défavorisée mais qui sait mieux faire la fête que les riches. On voulait aussi montrer à la télé des gens qui ne sont pas spécialement hyper beaux, de montrer que la vraie vie peut être passionnante aussi.»

Qu’est-ce qui vous a inspiré pour croquer vos personnages?

«On a plein d’influences, dont plusieurs films anglo-saxons. On pense à Ken Loach dans ses comédies les plus lumineuses. Les Anglais parviennent très facilement à montrer des gens qui vivent des problèmes sociaux dans des films beaux et lumineux. Au niveau fiction, on a aussi été très influencés par le film flamand «La Merditude des choses». Pour le côté réel, il y a beaucoup de Liégeois dans l’équipe et il ne faut pas marcher longtemps dans Liège pour trouver des personnages atypiques et hyper drôles. Certains se moquent d’eux, nous, on les aime et on a envie de boire une bière avec eux. On a aussi beaucoup traîné dans les petits cafés de quartier. Ils sont un des derniers lieux où on remplit un manque social. Je trouve que dans certains quartiers, le barman devrait être remboursé par la mutuelle.»

Comment décririez-vous votre personnage, Yvan?

«C’est la pièce rapportée de la famille. Il a été adopté quand il était petit. Il a eu une enfance extrêmement dure. La roue de la chance ne s’est pas arrêtée sur sa case, il n’a jamais eu de bol. Il fait plein de conneries, il ment, il magouille mais il a un cœur énorme!»

On vous a déjà traité de baraki?

«Oui mais entre potes. Pour nous, c’est devenu ce que tu dis à ton meilleur ami quand il fait une connerie. Quand il a trop bu et qu’il se ridiculise. C’est plein de tendresse. Mais je n’ai jamais traité un inconnu de baraki, par contre.»

L’esthétique de la série est très colorée et le montage très dynamique. C’était une volonté de ne pas tomber dans le misérabilisme?

«On a beaucoup pensé à la représentation de ce milieu social. C’était vraiment une volonté du réalisateur principal, Fred De Loof, de créer un bel univers à l’encontre de ce qu’on aurait pu imaginer, style documentaire. C’est assez cinématographique, il y a beaucoup d’effets visuels. L’esthétique lumineuse colle bien avec le scénario. On a des effets presque hollywoodiens dans une baraque où ils vivent tous comme dans une boîte à sardines.»

Est-ce que vous pensez déjà à une deuxième saison?

«Oui, quand la RTBF a vu les premiers montages, ils ont parlé d’une deuxième saison. Ça fait déjà quelques mois qu’on écrit la suite. Ce n’est pas encore sûr à 100% mais c’est bien parti vu les audiences déjà récoltées sur Auvio. Je croise les doigts.»

EN QUELQUES LIGNES

Si vous vous imaginez une série dans le genre François l’Embrouille avec sa Cara Pils à la main, moqueuse de bout en bout, vous risquez d’être déçus. Bien sûr, «Baraki» nous montre des coupes mulets, des trainings aux couleurs criardes, des voitures tunées et des chaussettes avec des tongs. Mais ce que vous verrez surtout, c’est une histoire touchante de famille, celle de la famille Berthet. Ce qu’on dit d’eux, c’est que se sont des barakis. Mais si les membres déjantés de cette famille sont abonnés aux problèmes en tous genres, ils se soutiennent toujours bec et ongles. Surtout quand Yvan (Julien Vargas), qui fait pousser son cannabis bio, se fait arrêter pour vol de voiture à la place de son frère. Quand il apprend qu’il va devenir père, Yvan va décider de devenir un homme «normal». On rit souvent, on a parfois la larme à l’œil mais ce qu’on retient de cette série pas comme les autres, c’est un sentiment positif, ce qui nous a grandement manqué ces derniers temps! Et puis, on réfléchira à deux fois avant de traiter un inconnu de baraki!

3/5