Zazie en vert et contre tous

Après 25 ans de carrière, Zazie rassemble encore les foules. À 54 ans, l'artiste française sort un dixième album dans lequel elle manie avec toujours autant de brio, et d'intelligence, les mots. Un don qui lui permet de transformer les sujets qui la touchent, comme l'écologie, en une véritable poésie. Son «Essenciel» est d'ailleurs déjà couronné disque d'or.
par
Laura
Temps de lecture 3 min.

Dans ce nouvel album, vous dites qu'il faut ‘marcher aujourd'hui à l'essenciel'. C'est une nouvelle philosophie de vie?

«Oh non, c'est comme ça depuis un moment (rires). Peut-être qu'avec la maturité on se rend compte que pour être un peu plus léger, c'est pas mal de se désencombrer de certaines choses. C'est juste se redire que c'est grâce à des choses qui sont beaucoup plus simples que l'on est fonctionnel et heureux.»

Une fois de plus, on constate un ressentiment vis-à-vis de la nature humaine. Dans «Nos âmes sont», vous dénoncez le comportement et la méchanceté dont l'Homme peut faire preuve.

«C'est plutôt un questionnement. Le fond de nos cœurs est plutôt joli et le fond de l'humanité peut être beau. Mais à force d'avoir visé des lunes sur lesquelles on ne vit pas, ça a créé de la frustration, de la colère et de la violence. Si on écoutait la petite voix qui nous dit d'injecter de la poésie au quotidien, on serait beaucoup plus heureux.»

Qu'est-ce qui vous émeut le plus aujourd'hui?

«En fait il y a plein de choses qui sont bien. Dans toute cette morosité, il y a aussi le pas de côté. Avant certaines choses pouvaient sembler marginales comme le fait d'être un peu moins matérialiste ou de faire un peu plus gaffe à notre planète. Aujourd'hui, il y a des gens qui sortent des grandes écoles et qui font des choses comme ça. Et ça m'émeut.»

Dans ‘Garde la pose', vous parlez d'écologie en dénonçant le mutisme des hommes par rapport à la planète qui se dégrade. C'est un combat que vous menez au quotidien?

«Ce n'est même pas forcément un combat parce que ça peut être très ludique. Pour moi, l'écologie, c'est du bon sens. On peut se poser des questions et agir individuellement dans sa maison comme en faisant son produit pour la lessive soi-même. Ça prend une minute et c'est dix fois moins cher que d'en acheter. On a aussi un pouvoir et il ne faut pas être complexé par rapport aux choses que l'on peut faire.»

Ph. L. Serroussi

À côté de ça, vous soulignez également l'incohérence dans le rapport des gens aux réseaux sociaux et au monde virtuel.

«J'ai eu la chance de grandir sans portable donc je ne suis pas du tout là-dedans. Ce n'est vraiment que professionnel. Pour tout vous dire, j'ai des murs mais pas de profil. Pour moi, tout ça propose une virtualité de rapport dans lequel il faut que l'on ait un avis sur tout. Ce n'est pas la vraie vie, et je pense que ça crée du vertige, une absence de savoir et de compréhension vis-à-vis de qui est vraiment l'autre.»

Vous prenez toujours soin de jouer très habilement avec les mots comme dans vos titres ‘Veilleurs amis' ou ‘Dire ce qu'on danse'. D'où vous vient cette facilité?

«Depuis que je suis enfant, j'aime ça. On a une langue qui est très riche, du coup j'essaie de ne pas faire juste un bon mot ou avoir de l'esprit."

Il y a des artistes qui vous inspirent?

«Gainsbourg le premier, puis Brel, Brassens… C'est vrai qu'avant, on avait une écriture où l'on raconte des histoires. Mais il y a également le côté plus slogan, comme la ‘punchline', qui a aussi un impact. Ça veut aussi dire de se servir de la musicalité des mots. Le sens est aussi la sensation du rythme du mot.»

Dans ‘La source', vous jouez sur les mots pour parler de féminisme. Vous n'avez pas l'impression de noyer le message en imageant autant le texte?

«Je la voulais poétique. Je ne voulais pas qu'elle soit #MeToo ni ‘Balance ton porc'. En passant de l'un à l'autre, il y a une dérive qui ne me plaît pas. Du coup, cette chanson parle d'humanisme plutôt que de féminisme pur et dur. Elle rappelle que dans la féminité, il y a un côté qui n'oublie jamais que l'on a porté l'humanité et que l'on fait les enfants avec des gens qui s'appellent des hommes et que c'est important de développer ce débat avec eux.»

Quel moment reste le plus marquant de votre carrière?

«Peut-être la première fois où j'ai osé lever les yeux pour voir le public. C'était un travail assez solitaire et intime, pour moi, la musique. Après mon premier album, quand je me suis retrouvée sur scène, j'avais beaucoup de peur et de plaisir alors que quand j'ai ouvert les yeux, j'ai vu des gens qui venaient célébrer un moment.»

Laura Sengler

 

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