Les sports d’hiver veulent devenir durables

Le changement climatique affecte déjà nos modes de vie. Les stations de sports d’hiver sont bien conscientes qu’elles pourraient être parmi les premières à en souffrir en Europe. Elles sont de plus en plus nombreuses à s’engager sur la voie de la durabilité.

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Rédaction
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Skiera-t-on encore en 2080 ? Rien n’est moins sûr, et en tout cas, sûrement moins qu’aujourd’hui. Plusieurs stations de ski ont demandé à des chercheurs de tenter d’imaginer à quoi ressembleront les chutes de neige à la fin de ce siècle. La réponse est très incertaine, tant l’évolution du climat est difficile à prévoir. Mais les constats dressés sont tout de même de mauvais augure pour les stations de basse et moyenne montagne, qui risquent de devoir s’en remettre à la neige artificielle. Celles qui sont installées en altitude ont de quoi être un peu plus optimistes. Mais toutes le savent : elles doivent s’adapter, et le plus tôt sera le mieux.

«La bonne nouvelle, c’est que l’aspect environnemental est de plus en plus important pour les touristes», constatait déjà il y a deux ans Cécile Romualdo, de la station des Arcs. En Belgique, un sondage confirme un début de prise de conscience. Une étude d’opinion commandée par Mindshake constate que 60% des skieurs belges se disent attentifs au caractère durable et écologique de leurs vacances au ski. «On fait des efforts depuis déjà pas mal d’années afin de rendre nos stations plus durables. Le fait que la durabilité devienne un critère de choix va rendre les investissements plus intéressants», expliquait la responsable des Arcs.

Le problème du transport

Des solutions existent pour verdir le tourisme de sports d’hiver. Elles sont même relativement simples. Un des facteurs qui a le plus fort impact sur l’empreinte carbone est le transport. En Belgique, 70% des vacanciers ont recours à la voiture pour rejoindre les stations. Il existe pourtant des alternatives. Il est possible de rejoindre facilement des stations comme les Arcs ou Avoriaz, en Savoie, grâce aux TGV français ou aux Thalys Neige.

Les stations qui ne sont pas reliées directement au réseau ferroviaire se réjouissent aussi de voir le train faire son retour. «Nous travaillons pour offrir des solutions pour les derniers kilomètres», nous expliquait à l’époque Alexis Bongard, directeur de la station des Gets, qui se trouve à 22km de la gare la plus proche. «Notre objectif, c’est de faire de la fin du trajet, en bus, le début des vacances. Ça doit être attractif pour nos clients.»

D’autres facteurs d’émission de CO2

Un autre facteur qui pèse sur l’empreinte carbone, c’est le bâti. «Aux Menuires, nous incitons les propriétaires de logements à rénover leurs biens, afin de limiter la consommation d’énergie», soulignait, à son tour, Marjorie Demarlière, porte-parole de la station. «On les pousse également à louer leur bien toute l’année. On sait bien que la saison d’hiver est celle qui rapporte le plus. Mais il faut utiliser les infrastructures d’hébergement au maximum, si possible sur les quatre saisons, plutôt que construire encore et encore.» Le fait d’avoir des constructions qui restent inoccupées de longues semaines alourdit l’empreinte carbone des stations sans bénéficier à l’économie locale. Il en va de même pour les remontées mécaniques, qui sont de plus en plus nombreuses à fonctionner en été, pour les randonneurs et amateurs de VTT.

Enfin, la question de la neige artificielle fait souvent bondir les défenseurs de l’environnement. Consommation d’eau, d’énergie, impact sur le paysage... Le dispositif s’attire les critiques. On estime que près de 100milliards de litres d’eau sont nécessaires pour enneiger artificiellement les pistes des Alpes. Les associations de protection de l’environnement critiquent ces dispositifs, qui perturbent le cycle de l’eau et la biodiversité qui y est liée. De ce côté-là, les stations des Alpes françaises veulent faire figure de bon élève. «En France, nous n’avons que 30 à 35% de nos pistes qui sont équipées de canons à neige. C’est moins que dans les autres pays alpins, ou on est souvent au-delà de 60%. Et nous ne comptons aller plus loin sur ce point. Notre objectif est plutôt de remplacer nos enneigeurs par des machines moins énergivores, tant en eau qu’en énergie», expliquait Claude Gardet, directeur de la station d’Oz-Vaujany. Il met en avant les autres techniques utilisées pour assurer le bon enneigement des pistes, comme l’utilisation de dameuses connectées, qui sont capables de produire une couche optimale de neige. Ou encore la solution, plus marginale, du stockage de neige d’une année sur l’autre : des gros tas de neige sont stockés à l’ombre, sous de la sciure, ce qui lui permet de résister aux chaleurs estivales.

Les skieurs se positionnent

Le regard sur le monde du ski est également en train de changer. Les grands noms du milieu plaident de plus en plus fort pour une action forte. «C’est indispensable si on veut sauver nos montagnes, ou l’on passe tellement de bon temps», nous confiait le snowbordeur Xavier de Le Rue. Lui qui a surfé aux quatre coins du monde admet avoir mis du temps à s’engager sur la lutte contre le réchauffement climatique. «Ca a toujours été une préoccupation au niveau personnel. Mais j’avais du mal à me positionner publiquement là-dessus, alors que je voyage beaucoup du fait de mon métier...», reconnaissait-il. «Mais il y a urgence. On doit tous agir pour réduire notre empreinte carbone, avec des actions individuelles, comme réduire nos déchets, voyager moins loin, consommer moins... Il faut aussi agir collectivement, afin de réduire notre empreinte carbone globale. C’est essentiel si on ne veut plus voir nos glaciers se réduire d’année en année.»

Tout cela suffira-t-il à rendre les sports d’hiver plus durables? «Il faut être honnête, on est encore loin d’être verts», reconnaissait Alexis Bongard . «Mais on travaille, et on va dans la bonne direction», conclut-il.