Marc Lévy présente «Noa», son dernier livre: «Ce qu’il se passe avec Poutine était prévisible»

Avec «Noa», Marc Lévy signe le troisième volet de sa saga «9». On retrouve les attachants hackers du groupe 9, ces Robins des Bois des temps modernes, réunis autour d’une nouvelle mission pour faire tomber les «Fauves». Un roman haletant et surtout parfaitement ancré dans l’actualité.

par
Oriane Renette
Temps de lecture 5 min.

Cette fois, les hackers se lancent en lutte contre un dictateur de l’Europe de l’Est, «Louchine». C’était prévu au lancement de la trilogie ou l’actualité est venue chambouler vos plans?

«L’histoire s’est construite au fil de l’écriture de la trilogie et de l’enquête que j’ai menée. Ce tome 3, je l’avais pensé il y a un an. C’est le résultat de toutes les enquêtes journalistiques que je suivais. Et de manière générale, toute la recherche que je menais conduisait à cette probabilité.»

Vous aviez «pressenti» les événements actuels?

«Je les avais anticipés car ils étaient prévisibles: il suffisait de relier ensemble un certain nombre de faits, et de comprendre la logique qui reliait ces faits, ces mouvements des capitaux et ces mouvements politiques. Alors, on arrivait facilement à la conclusion que la Russie allait mener une invasion impérialiste de l’Europe. Et qu’elle cherchait depuis des années à déstabiliser l’Occident. Un autocrate mégalomaniaque n’a jamais de limite. Hitler n’en avait pas, Staline n’en avait pas. Et Poutine n’en a pas non plus.»

Vous montrez que c’est une menace qui ne s’arrête pas à l’Europe de l’Est…

«Si on n’avait pas fait barrage à ses projets en Ukraine, Poutine aurait poursuivi et annexé sans aucun doute d’autres pays de l’Europe de l’Est. Et à mon avis, il n’aurait pas tardé à aller plus loin pour recréer sa vision mégalomaniaque de l’empire soviétique. Qui est d’ailleurs une vision totalement fausse d’un point de vue historique.»

Comme dans le roman, des «white hat» se mobilisent aussi aujourd’hui pour y faire face…

«Oui. Il y a une alliance de white hat du monde entier: ils ont mené des cyber-attaques extrêmement importantes contre la Russie de Poutine. Ils ont provoqué un certain chaos dans la communication et dans la logistique russe. Ces attaques continuent. On l’a bien vu le 9 mai: la centrale de distribution des chaînes de télévisions russes a été hackée en plein discours de Poutine pour livrer un message à la Russie sur la réalité du conflit en Ukraine. Le travail des hackers est un travail de résistance. Et ils ne sont pas les seuls à le mener: aujourd’hui, énormément de gens mènent un travail de résistance.»

Vous dédiez justement ce livre à Carole Cadwalladr [journaliste qui a révélé le scandale Cambridge Analytica, ndlr], qui a inspiré le personnage de Janice. Vous avez-eu l’occasion de la rencontrer?

«Oui, bien sûr. Je suis allé la voir à Londres et je l’ai informée de mon projet. Elle en a été très émue. La bonne nouvelle, c’est qu’elle a gagné son procès la semaine dernière contre l’ineffable et horrible Arron Banks. Ce milliardaire anglais qui a utilisé sa fortune pour essayer de la détruire professionnellement et psychologiquement. C’est une énorme victoire, non seulement pour elle, mais aussi pour la liberté de la presse en Angleterre.»

On a pourtant peu entendu parler de ce procès de ce côté de la Manche…

«Malheureusement! J’en ai été étonné car ce procès avait une valeur symbolique énorme! Le fait qu’un milliardaire puisse attaquer avec autant de moyens une journaliste, pour des propos documentés qu’elle a tenus dans le cadre de son métier, est absolument hallucinant. Il aurait dû y avoir une solidarité et un écho international beaucoup plus grand. C’est pour cela que j’ai eu envie d’en parler, quitte à prendre des risques juridiques et qu’il m’attaque aussi. Ça ne me dérange pas du tout.»

Le livre réunit une journaliste, Janice, les hackers du groupe 9, les opposants en Biélorussie… Ce sont les nouveaux résistants à vos yeux?

«Oui, absolument. Enfin, la résistance n’a jamais cessé dans la mesure où la démocratie n’a jamais cessé d’être attaquée. La résistance est quotidienne. Il y a aujourd’hui cette croyance erronée selon laquelle la démocratie est un acquis. Que la liberté de la presse est un acquis. Mais ça ne l’est pas. Rien ne garantit aujourd’hui que les journalistes actuels auront la liberté de faire leur métier jusqu’à la fin de leur vie. Dans l’ordre actuel des choses, la probabilité est même plutôt minoritaire. Or, le journalisme est le premier pilier de défense de la démocratie. Cette liberté de faire des enquêtes et de rapporter la vérité, de dénoncer la corruption et les agissements des oligarques… Sans lui, la désinformation primerait largement sur l’information. Au même titre que les hackers, c’est à chacun de nous, en tant qu’individu, de décider si l’on veut se battre corps et âme pour nos démocraties, pour défendre nos libertés.»

Avez-vous écrit cette saga avec une énergie différente de vos premiers romans?

«Oui c’est vrai, je l’ai écrite avec une forme d’urgence, que l’on retrouve d’ailleurs dans le récit. J’ai vraiment eu l’impression d’appartenir à ce groupe pendant toute la durée de l’écriture. Et de participer à leur combat. Je me suis senti très en osmose avec ces personnages.»

C’est un au revoir définitif au groupe 9?

«Je ne crois pas. J’aurais beaucoup de mal à me séparer d’eux. Pas nécessairement dans le prochain, ou peut-être dans le prochain… Je ne sais pas encore, mais je pense qu’ils reviendront.»

En quelques lignes

Neuf hackers combattent un dictateur. Des vies sont en danger, une reporter d’investigation va s’infiltrer en terrain ennemi. Le temps est compté. Le Groupe 9, plus uni que jamais, repart en mission. L’avenir de tout un peuple est en jeu. De Londres à Kyïv, de Vilnius à Rome, un roman d’aventures et d’espionnage au suspense trépidant, une histoire qui interpelle et invite à réfléchir sur le monde qui nous entoure.

«Noa», de Marc Lévy, éditions Robert Laffont, Versilio,

370 pages, 21,90€