Olivier Merle signe son premier polar«Dans l’ombre du loup»

Vulcanologue, professeur et écrivain, Olivier Merle prend plaisir à s’aventurer sur des terrains variés. Il publie son dixième roman et premier polar: «Dans l’ombre du loup». Une enquête plus complexe qu’il n’y paraît, confiée à un commissaire en proie à ses propres démons.

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Vous êtes vulcanologue, chercheur et enseignant. Comment vous êtes-vous mis à l’écriture?

«Mon attirance pour l’écriture est venue quand j’étais très jeune. Elle est peut-être liée au fait que mon père était écrivain. Pourtant, je n’ai publié que très tard. Même si j’ai toujours voulu écrire, ce n’est pas si facile de publier quand on est le fils d’un écrivain assez connu. On craint la comparaison, le jugement. Il y a une sorte de pression sur les épaules. D’ailleurs, c’est peut-être assez symptomatique que j’aie publié mon premier roman en 2009, après le décès de mon père. Il n’y avait plus ce regard, cette pression.»

Ce n’est pas votre premier roman, c’est en revanche votre premier polar. Qu’est-ce qui vous a donné l’envie d’explorer ce genre?

«Il y a cinq ans, j’avais construit une première intrigue et des personnages. Et puis quelque chose m’a freiné. C’est souvent délicat de se lancer dans un genre nouveau: on se demande si on est capable de le faire. Avec le polar, il faut connaître les codes. C’est une exploration particulière. J’ai écrit un autre roman et puis cette envie de polar revenait sans arrêt. Finalement, je n’ai gardé que quelques éléments de l’énigme initiale et j’ai construit quelque chose de complètement différent.»

L’enquête démarre avec une affaire classique. Ni le lecteur ni l’enquêteur ne se doutent de l’histoire dans laquelle ils s’embarquent…

«Le commandant Hubert Grimm vient d’être muté à Rennes. Avec sa petite équipe, ils enchaînent des affaires pas très folichonnes, jusqu’au moment où on leur propose une affaire de coups de téléphone et lettres anonymes envoyées à un riche notable de la ville, M. Kerdegat. Une affaire banale, jusqu’au moment où l’on découvre, sur le perron des Kerdegat, un sac-poubelle contenant un cadavre: une femme décapitée et coupée en morceaux. Là, Grimm comprend que l’affaire est grave et complexe.»

Le polar, c’est aussi le plaisir de l’écrivain à se jouer du lecteur?

«Oui, je prends du plaisir à manipuler autant Hubert Grimm que le lecteur! Je m’amuse beaucoup à créer des fausses pistes ou des pistes qui ne mènent pas complètement au coupable. Le lecteur doit avancer, trouver de nouvelles interactions entre personnages, bifurquer… tout comme les enquêteurs!»

Ce notable a le privilège des puissants: on demande à Grimm d’y aller avec des pincettes…

«Effectivement, c’est pour cela que je l’ai choisi. Quand on s’adresse à un puissant, il a des protections. On ne l’imagine pas coupable, on n’imagine pas qu’il puisse avoir fait quelque chose de mal. Le commissaire divisionnaire, le procureur… tout ce beau monde veut y aller avec des pincettes. Ça insupporte beaucoup Grimm qui a plutôt tendance à ruer dans les brancards.»

Ce commissaire Grimm, c’est une personnalité aussi intrigante qu’attachante…

«C’est un homme bourré de contradictions. Il est dépressif parce qu’atteint d’écoanxiété: il se retrouve dans un état de détresse psychique parce qu’il se sent complètement impuissant devant la dégradation progressive de la planète. Grimm a une personnalité complexe: il est obsédé par l’écologie mais il adopte des comportements qui n’ont rien d’écologiques.

Et quand il est face à une énigme, ça l’envahit. Son esprit va être totalement obnubilé par la résolution de l’enquête. L’affaire devient une obsession qui lui permet de ne pas penser à son autre obsession.»

Les angoisses d’Hubert Grimm sont-elles les vôtres?

«Je ne suis pas dépressif, c’est déjà ça! (rires) Mais je partage son diagnostic: nous allons droit dans le mur, sans rien faire pour l’éviter. C’est très inquiétant. Je suis pessimiste sur la question mais ça ne me rend pas dépressif.»

Pessimiste, c’est-à-dire qu’il est trop tard selon vous?

«Nous arrivons à un point de non-retour. Si on n’agit pas très rapidement, je crains qu’il ne sera trop tard… Et j’ai même peur qu’il soit déjà trop tard. La Terre est un système qui a une inertie considérable: pour que les dégâts que l’on est en train de causer soient réversibles, il va falloir des dizaines et des dizaines d’années! Ça va continuer à se dégrader pendant tout ce temps, même si on arrête tout maintenant. Or, on ne s’arrête pas. Grimm répète souvent ‘de toute façon, c’est foutu!’, et j’ai bien peur que ce soit foutu, effectivement. J’espère me tromper!»

«Dans l’ombre du loup», d’Olivier Merle, aux éditions XO, 541 pg., 21,90€.

Oriane Renette.