Emmanuelle Pirotte: Bruxelles, un futur apocalyptique

L'Europe est plongée dans le chaos, Ebola III décime toute la population et Bruxelles est devenue une véritable scène de guerre. Une vision obscure de l'avenir qu'Emmanuelle Pirotte dévoile dans son deuxième ouvrage «De Profundis».
par
Laura
Temps de lecture 4 min.

Violence, fanatisme, vous imaginez un futur proche bien sombre à Bruxelles. Pas très positif comme vision de l'avenir.

«Elle est très négative mais elle reflète ma propre sensation. J'ai une vision du futur qui est relativement pessimiste et ce livre m'a permis d'explorer ce qu'il y avait d'anxiogène dans cette société et qui peut nous mener vers quelque chose de pire. C'est une façon de canaliser l'angoisse et de l'exorciser peut-être aussi un peu.»

Donc c'est comme ça que vous l'imaginez un jour?

«Oui tout à fait. Mais je ne pense pas du tout que ce soit catastrophique mais plutôt relativement lucide. Je me suis quand même pas mal documentée, du côté des futurologues et l'avenir n'est pas radieux. Je ne pense pas que ce soit, aujourd'hui, une position qui soit marginale et rare parce que ça répond quand même assez fortement à des angoisses générales parmi la population et à des visions qui ne sont pas uniquement les miennes.»

Que s'est-il passé dans votre roman pour que Bruxelles devienne un endroit où règne la loi du plus fort?

«Ce n'est pas que Bruxelles mais toutes les capitales d'Europe. Le monde est gagné par une épidémie, Ebola, qui aurait pu, d'ailleurs, traverser les frontières d'Afrique il y a deux ans. Une peur chasse l'autre. Ebola était une vraie menace et on l'a déjà complètement oublié. À l'époque, ça m'avait vraiment traumatisée cette histoire. C'était quand même mortel à 60%. J'ai l'impression que la société que l'on connaît aujourd'hui est au bord d'un gouffre. Il faudrait très très peu de choses pour que les grandes mégalopoles, capitales, basculent dans un véritable enfer où les fléaux s'enchaînent les uns après les autres. Le monde nous prouve tous les jours que c'est au-dessus de nos têtes.»

Malgré cet univers futuriste, à la campagne c'est un véritable retour à la vie ancestral.

«J'ai toujours pensé que dans un contexte comme celui que je décris, les gens les moins exposés seraient ceux qui vivent dans un milieu rural. L'histoire nous a prouvé qu'en état de crise les ruraux s'en sortent mieux. Il y a des potagers, de l'eau, des sources, c'est simple.»

Vous ne considérez donc pas qu'il s'agisse de science-fiction?

«Non, je ne me réclame pas de ce terme-là. Pour moi, la science-fiction c'est quelque chose qui est très éloigné de nous. Je préfère le terme d'anticipation. C'est assez réaliste pour ne pas être de la science-fiction.»

Pourquoi avoir choisi une référence biblique pour votre titre?

«Le psaume 130 fait partie de la messe des morts depuis les ténèbres. C'est très révélateur de ce qui se passe dans mon livre. Le monde est un peu à l'agonie, les personnages sont vraiment en quête de lumière, ils sont dans les ténèbres, qu'il s'agisse de Roxanne, de sa fille ou du personnage qui hante cette maison. Par ailleurs, c'est aussi le titre d'un texte d'Oscar Wilde et un poème de Baudelaire. Cela me permettait de me placer très humblement dans l'ombre de ces deux écrivains que j'adore.»

Vous avez également fait le choix de mêler à votre dystopie une histoire d'amour avec un fantôme.

«Ça appelle des questions fondamentales chez moi qui n'ont cessé de me tarauder toute ma vie sur la survivance de l'âme, le rapport de l''invisible au visible, ce que le vivant est capable de concevoir de la mort. Ce sont des thèmes qui sont importants pour tout le monde dans toute l'humanité et auxquels les religions ont tenté de répondre. C'est un fantasme profond d'écrire une histoire sur une âme errante sans tordre le cou aux clichés. D'ailleurs, je lui confère tous ses attributs de fantôme parce que je trouve que c'est un bel archétype de la littérature à laquelle j'avais envie de donner ma version.»

Ce n'est pas très commun de mélanger les deux styles dans un roman.

«C'est un mélange de genres qui est rare en littérature. C'est peut-être plus fréquent dans la littérature étrangère mais la littérature française est plus cadenassée. Aujourd'hui, les auteurs ne sont pas très audacieux. C'est une liberté que j'ai prise sans y réfléchir avant, c'est venu tout seul.»