Loïc Prigent : "Avoir une conversation avec Karl Lagerfeld, c'est complètement dingue !”     

Si vous êtes un(e) amateur(trice) de mode, vous avez sûrement déjà lu les tweets drôles et piquants de Loïc Prigent, un journaliste et documentariste de mode français. Tout au long de l'année, il tweete en direct les phrases les plus farfelues qu'il entend lors d'événements tels que les Fashion Week. Des tweets qu'il a rassemblés dans un livre.
par
Maite
Temps de lecture 2 min.

Dans votre livre tout comme sur votre compte Twitter, les citations restent anonymes. Pourquoi ?

« C'est une sorte de tradition, non?? Dans les années 80, un magazine relayait des conversations que les journalistes avaient entendues dans la queue d'un cinéma. La parole était anonyme. C'est une manière de saisir des choses très drôles mais qui racontent nos lubies et nos travers. »

Certaines personnes sont-elles déjà venues vous trouver car elles avaient reconnu leur citation ?

« Parfois, j'enregistre au brouillon les phrases qui me percutent. Je me laisse le temps de faire attention aux faux fonds, aux mots valises. Je me méfie. Mais quand je suis à peu près sûr que c'est ok, il m'arrive de tweeter directement devant la personne. Comme c'est anonyme, personne ne s'est jamais vexé. »

La personne qui est devant vous se doute quand même que vous vous moquez un peu d'elle, non ?

« Oui mais c'est gentil. Après, beaucoup de ces citations ont été dites sur le ton de la rigolade. D'autres ont été dites sérieusement, c'est vrai. Mais il y en a plein qui se sont terminées par un éclat de rires. »

On ne vous déteste pas dans le milieu ?

« Ce n'est pas un milieu tendre, c'est sûr. Je ne peux pas prétendre qu'on m'aime. Mais je ne pense pas non plus qu'on me déteste. Enfin je crois (rires) ! »

Vous êtes documentariste. A-t-on déjà refusé de répondre à vos questions?

« Il y a des maisons qui n'ont jamais voulu être filmé, oui. Elles ne veulent pas car ce qui s'y passe en vrai ne correspond pas à l'imagerie qu'elles veulent donner à l'extérieur. Je peux comprendre qu'on n'ait pas envie de montrer que certains stylistes travaillent moins et que ce sont les équipes qui ont pris le relais. »

On comprend, avec votre livre, que les stagiaires jouent un grand rôle dans certaines maisons.

« À un moment, c'était très flagrant. Parfois, d'un défilé à l'autre, cela n'avait plus rien à voir car les maisons avaient changé de stagiaires. C'était incroyable. Les maisons se faisaient vampiriser par des stagiaires qui n'en revenaient pas eux-mêmes d'avoir eu autant d'impact.?»

Thomas Concordia/Getty Images

Pourquoi avoir choisi de couvrir tout ce qui a trait à la mode ?

« Il y a une proximité géographique avec le milieu quand tu habites à Paris. Puis, l'idée de la mythification instantanée m'a toujours fasciné. Ces défilés qui marquent toute une époque. »

À force de côtoyer ce milieu, vous n'avez jamais voulu créer votre propre collection ?

« Non, vraiment pas. Et je plains ceux qui porteraient mes vêtements (rires).»

«?J'adore la mode mais c'est tout ce que je déteste?», un titre qui en dit long, non ?

« Au départ, j'ai eu un peu peur du titre car je respecte vraiment le travail fourni par les gens qui travaillent dans la mode. Mais c'est drôle, je trouve. Je m'identifie aussi à la phrase qui dit ‘J'ai trop la flemme d'aller à la fête de Pharrell Williams' (rires). J'ai en moi comme une paresse mais aussi un réflexe de survie. Car c'est vrai que la mode appelle assez à l'apnée. Mais oui, j'adore la mode. Et oui, c'est tout ce que je déteste aussi (rires). »

Votre plus belle rencontre ?

« Dans la mode ? Toutes quasiment ! Avant, quand quelqu'un me disait qu'il avait rendez-vous avec Karl Lagerfeld, je trouvais cela dingue. La phrase ‘Je vais voir Karl Lagerfeld' avait comme une aura mystérieuse. Maintenant, quand c'est mon tour, je réalise le privilège que j'ai. Avoir une conversation avec lui est, qui plus est, totalement génial ! Il vous bombarde d'infos et de références très intéressantes. »

 

«?J'adore la mode mais c'est tout ce que je déteste?», de Loïc Prigent, éditions Grasset, 280 pages, 18€