L'homme derrière Dior Homme

par
joris
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La maison de haute couture française Christian Dior se porte très bien et c'est à des talents belges qu'elle le doit! Si Raf Simons est à la tête des célèbres ateliers des collections femme et si Peter Philips donne le ton au département maquillage, le Belge qui a la plus grande expérience Dior est sans conteste Kris Van Assche. Le créateur de 38 ans est en effet depuis 2007 déjà à la barre de l'un des labels homme les plus prestigieux, Dior Homme. Le week-end dernier, il présentait la collection automne-hiver 2015-2016, 15 minutes de pure magie et aussi un des défilés dont on a le plus parlé! Star ou pas star, Kris Van Assche, avec la modestie qui le caractérise, nous a accordé une interview exclusive après le show.

DIOR_PORTRAIT_K_VAN_ASSCHE_W_VANDERPERRE_5 Quand vous êtes sorti de l'Académie de mode d'Anvers en 1998, Dior Homme n'existait pas encore. Aviez-vous imaginé dans vos rêves les plus fous qu'un jour vous mettriez vos pas dans ceux de Christian Dior?

Je l'espérais. Quand vous sortez de l'académie, vous êtes jeune et c'est ce dont vous rêvez. Est-ce que je m'y attendais? Non. Est-ce que je l'espérais? Oui.

Un orchestre symphonique de 32 musiciens, vêtus de costumes sur mesure et chaussés de sneakers blancs, était installé au beau milieu du catwalk. Tout un concept?

Ils jouaient «The Landsc Apes» de Koudlam. Cela symbolisait parfaitement mon travail chez Dior: l'utilisation d'instruments classiques pour en faire quelque chose de radicalement moderne. C'est en fin de compte ce que je fais aussi dans les ateliers. Recourir à la tradition pour faire quelque chose de nouveau, sortir un morceau moderne avec des instruments classiques.

J'ai aperçu pas mal de broches représentant des fleurs. Vous avez choisi la voie du romantisme?

L'idée est qu'être romantique n'exclut pas d'être moderne ou authentique. Le formel n'exclut pas d'être sportif et dynamique. C'est véritablement une réflexion sur ce que devrait être l'élégance moderne. Je voulais un show très moderne et élégant, des vêtements avec lesquels vous pouvez aller à l'opéra, mais pas de façon purement classique. Je me suis posé la question de savoir comment on fait ça aujourd'hui en 2015. Sur qui je me retournerais dans la rue, qui trouverais-je moderne et élégant? C'était ça l'idée. Aller à l'opéra et aller voir un spectacle de danse moderne d'Anne Teresa De Keersmaeker, c'est de ça qu'il s'agit; c'est l'homme idéal de Dior aujourd'hui. Il sait où il peut trouver un bon costume ou une bonne chemise, mais il est aussi intéressé par la toute dernière paire de sneakers et par la technologie; tout doit correspondre.

Vous jouez aussi avec la couleur, parfois très présente, mais aussi avec des détails subtils sur les chaussures?

De petits détails colorés. Les couleurs, nous les avions vues surtout dans la maille, d'une façon très technologique. On dirait que les sneakers sont en maille. Et ces petites lignes sur les chaussures donnent un effet très dynamique. Je voulais un costume dynamique, pour les hommes qui savent où ils vont.

Vous êtes chez Dior depuis quelques années déjà, au début c'était le stress, puis il y a quatre ans vous avez dit que vous aviez trouvé une certaine routine. Dans quelle phase êtes-vous maintenant?

J'adore mon job ici et je pense que ça se voit. Il y a ici une sorte de confluence harmonieuse. Intégrer des éléments sportifs dans un costume, ça fonctionnait parfaitement dans mon propre label, mais maintenant ça fonctionne aussi chez Dior. Les pré-collections prennent du temps et le rythme est très soutenu. C'est vraiment excitant. Quand je parle de silhouettes dynamiques, c'est aussi un peu autobiographique. Mais ça va bien. Il est important de rester un peu optimiste, de ne pas se décourager. The sky is the limit pour moi. J'aspire déjà à la prochaine collection; pas directement aujourd'hui, mais demain.

Aujourd'hui, vous avez présenté 47 silhouettes, ce n'est pas rien!

Oui, 47, c'est en fait un hasard mais je ne dois bien entendu pas le dire. Monsieur Dior a commencé en 1947, 47 est un chiffre porte-bonheur, 47 silhouettes. Voilà!

Qui est l'homme Dior? Est-il à l'image du mannequin que vous faites défiler sur le catwalk?

Ils voulaient tous garder leurs vêtements, c'est bon signe! Il n'y a pas un seul homme Dior. Il y a des jeunes hommes de 20 ans qui viennent s'habiller chez nous, il y a des hommes d'un certain âge, et ils ont des besoins différents. Mais tout ça se mélange. Vous seriez parfois étonné de voir quel homme choisit quelle pièce! Je me trompe parfois aussi. Je travaille pour un groupe d'hommes très large. C'est très intéressant.

Vous parle-t-on souvent du fait que Dior est créé par des Belges?

Je pense que c'est surtout en Belgique que l'on s'en préoccupe. Je ne me suis jamais soucié de ma nationalité et la presse étrangère pas vraiment non plus. C'est uniquement les journalistes belges qui me posent ces questions et je vois aussi bien sûr toutes les vagues que cela fait dans les journaux belges. Je pense que ni Peter Philips ni Raf Simons n'en perdent le sommeil. Nous essayons tout simplement de faire notre job du mieux possible et nous ne le faisons pas avec un passeport!

Mais vous n'avez pas de problème linguistique?

Non, absolument pas. Nous parlons tous en anglais (rire)! Non, bien sûr que non.

Vous apportez des idées nouvelles et parfois ces créations sont très vite copiées par des marques de streetwear. Quelle est votre position à ce propos?

Vous ne pouvez rien faire contre la copie visuelle. Cela ne changera rien! Que cela me rende malade ou pas. Tout est toujours très vite copié visuellement. Mais qualitativement, ce n'est pas demain la veille qu'elles s'y mettront! Je me suis résigné. Les personnes qui aiment l'originalité et la qualité n'achètent pas des copies. C'est ainsi dans le design, l'art et la mode. Vous devez vous y résigner.

Vous êtes tiré à quatre épingles. Est-ce une sorte de vanité?

Je travaille moi, ici, aujourd'hui! Je représente Dior et j'en suis très fier. Quand je dis que je veux que les costumes restent des vêtements modernes, ce ne sont pas des paroles vaniteuses. J'y crois aussi moi-même! C'est aussi la raison pour laquelle je porte un de mes bodywarmers, c'est tout simplement beaucoup plus chaud. Vaniteux? Je suis fier de ce que je fais. La charge de travail est très importante, les attentes aussi. Le monde entier débarque ici avec des bazookas pour me regarder. Si tout se passe bien, je peux en être fier. Mais je suis aussi extrêmement fier de mon équipe, je tiens à le préciser.

Quid de votre propre label Kris Van Assche? KVA est-il suffisamment dans la lumière ou se retrouve-t-il dans l'ombre de Dior Homme?

Il ne reçoit pas suffisamment de lumière et j'essaie de trouver une solution. Je suis en contact avec de nouveaux investisseurs pour voir comment nous pouvons faire davantage la lumière sur cette collection, car j'y travaille aussi très dur. Elle mérite plus d'attention, c'est vrai.