Les hommes de plus en plus victimes de body shaming: «Nous projetons une image corporelle très irréaliste»

De plus en plus d’hommes tentent d’atteindre les prétendus idéaux de beauté masculins. Une tendance qui se place à contre-courant des mouvements sociaux de l’époque.

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ETX Daily Up
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Les hommes sont-ils prêts à faire voler en éclats les prétendus idéaux de beauté masculins? Si le mouvement semble s’amorcer du côté de certaines stars hollywoodiennes, force est de constater que la plupart des hommes, débarrassés des clichés sur les codes de la cosmétique masculine, tentent au contraire de se défaire de leurs complexes pour atteindre cette perfection tant – ou pas – recherchée. Adieu ’dad bod’, calvitie, rides, et autres pectoraux mal dessinés, ces messieurs s’emploient à cultiver des canons de beauté gages de jeunesse et de virilité. Les mouvements en faveur de l’acceptation de soi n’ont plus qu’à aller se rhabiller.

Une beauté masculine sans tabous…

Au cours de la dernière décennie, et davantage encore depuis le début de la pandémie, les hommes se sont attachés à déconstruire tous les clichés autour de la beauté, du bien-être, et des cosmétiques. Plus question de ne composer qu’avec les cosmétiques dédiés au rasage ou à l’après-rasage, et moins encore de ne pas avoir accès à tout le nécessaire pour s’épiler, s’offrir une cure de jouvence, un massage, ou une bonne séance de gommage. Résultat, les marques se sont succédé pour lancer des cosmétiques mixtes, ou entièrement dédiés à la gent masculine, voire du maquillage pensé pour ces messieurs. Le tout aidé par des personnalités influentes, à l’instar de Harry Styles, Alex Rodriguez, ou encore Machine Gun Kelly. Et cela s’est également répercuté sur les actes de médecine et de chirurgie esthétique.

«La demande de chirurgie esthétique a crû chez les hommes. Car les tabous sont finis, les hommes ont envie de rester bien et en forme. Ils ne pensent forcément pas en termes de beau, mais ils aimeraient avoir une apparence dynamique et avenante», explique le Dr. Catherine Bergeret-Galley, chirurgienne plasticienne, vice-présidente de la Société Française des Chirurgiens Esthétiques Plasticiens (SOFCEP). «Ils demandent essentiellement une amélioration de leur silhouette et de leur visage. Ils souhaitent traiter le cou, notamment le double menton, le nez trop gros, les oreilles décollées, les séquelles de l’acné, ou encore les poches sous les yeux».

… Mais avec des complexes

S’il s’agit avant tout de se maintenir en forme, avec en prime les séances de sport que cela suppose, et de rester jeune, les hommes, comme leurs pendants féminins, tentent également de gommer certains complexes, qu’ils soient les symptômes d’un réel mal-être ou les conséquences des injonctions sociétales auxquelles ils sont (aussi) soumis. Si ces dernières pèsent bien plus lourd sur la gent féminine, l’idéal de beauté masculin n’en demeure pas moins une réalité, et ce, même si les ’profils types’ semblent s’être démultipliés ces dernières années. Grand, fort, musclé, la crinière bien fournie, et viril, l’homme parfait est lui aussi confronté à toutes sortes de clichés, bien que les standards de beauté soient divers et variés d’un pays à un autre. Une chose accentuée ces dernières années par l’avènement des réseaux sociaux.

«Plus de virilité»

«Les hommes demandent souvent un visage plus masculin… Je crois que les tendances transgenres sont très perturbantes pour les hommes et les femmes et nous avons de plus en plus de demandes de la part des femmes pour être plus féminines et d’un autre côté les hommes qui veulent être très masculins. Peu importe qu’ils soient ou non hétérosexuels. Les hommes veulent plus de virilité pour leur visage mais aussi pour leur corps», souligne le Dr Bergeret-Galley. Certaines caractéristiques physiques, autrefois pourtant appréciées chez ces messieurs, sont désormais jaugées, et critiquées, symbolisant un certain laisser-aller. C’est le cas des cheveux poivre et sel, mais aussi du ’dad bod’, comprendre le ’corps de papa’ (autrement dit la bedaine), qui fait aujourd’hui l’objet de commentaires peu élogieux sur les réseaux sociaux comme dans les médias.

Fat shaming

Et ce n’est pas Jonah Hill, victime à plusieurs reprises de ’fat shaming’, qui dira le contraire. L’acteur et réalisateur américain a demandé à ses followers il y a quelques mois d’arrêter de commenter son poids, en bien ou en mal, car cela ne l’aidait pas à aller mieux. «Je ne pense pas avoir enlevé mon T-shirt dans une piscine avant d’avoir atteint la trentaine, même devant ma famille et mes amis. Cela serait probablement arrivé plus tôt si mes insécurités d’enfant n’avaient pas été exacerbées par des années de moqueries publiques sur mon corps par la presse», a-t-il confessé.

Qu’on se le dise, le corps des hommes est lui aussi scruté, jugé, et moqué, faisant émerger un mal-être désormais palpable, ainsi qu’une foule de complexes. «Cela se traduit par une volonté d’obtenir des épaules très larges, des pectoraux, des six-packs, des fesses bien musclées, mais aussi la suppression des poignets d’amour. Le stéréotype de l’intellectuel vieillissant à lunettes, bedonnant et toujours sexy, est terminé», affirme la chirurgienne plasticienne. Un constat qui pourrait durer, car contrairement aux femmes, les hommes ne semblent pas avoir (encore) embrassé le mouvement body positive, qui prône l’affirmation de soi.

Une amorce de révolte

Certaines stars hollywoodiennes, à l’instar de Zac Efron et de Channing Tatum, ont commencé à se rebeller face au body shaming incessant subi par les acteurs – et actrices – tout comme par le public. Le premier était revenu sur sa silhouette ultra musclée dans «Baywatch: Alerte à Malibu», expliquant ne plus jamais vouloir être soumis à un régime aussi drastique pour afficher le fameux six-packs, quand le second avait clairement expliqué devoir s’affamer et enchaîner les entraînements pour exhiber de tels muscles dans ses films, ajoutant qu’il s’agissait d’un travail à part entière.

En 2019, l’acteur Richard Madden, connu pour ses rôles dans «Game of Thrones» et «Bodyguard», était allé encore plus loin en parlant de la pression ressentie par les acteurs pour perdre du poids, et afficher une silhouette sculptée et musclée. «Nous projetons une image corporelle très irréaliste», avait-il confié au Vogue UK, soulignant que les hommes étaient, comme les femmes, soumis à ces clichés et injonctions. Certes ponctuelles, ces percées laissent penser que les hommes pourraient eux aussi bientôt prôner l’acceptation de soi, et de tous les corps. Véritable avancée sociétale, la levée des tabous sur la beauté masculine ne sera bénéfique que si elle permet à ces messieurs de se laisser chouchouter pour leur propre bien-être, et non pour l’image qu’ils sont censés renvoyer.