La révolution tapas

par
joris
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Elles séduisent les grands chefs, se hissent en tête des concours gastronomiques et sont dégustées dans des établissements qui leur sont tous dévoués. En Espagne, la révolution des tapas est à l'œuvre.

Amuse-bouche indéfinissable, la « tapa est un plat qui n'est ni une entrée, ni un plat principal, ni un dessert », ce qui laisse une grande liberté de création, explique Sergi Arola, dont un restaurant madrilène éponyme est distingué par deux étoiles au guide Michelin. Parmi ses inventions figurent un carpaccio de champignons portobello à l'huile de truffe blanche ou une version contemporaine des « patatas bravas », des cubes de pommes de terre à la poêle, normalement assortis à une sauce très relevée. Présentes aujourd'hui dans les hôtels cinq étoiles et les réceptions officielles, les tapas ont pourtant des origines modestes.

Les tapas seraient apparues au Moyen Age. La « tapa » ou « couvercle » n'était alors qu'une vulgaire tranche de charcuterie et avait alors pour vocation d'éviter poussières et insectes dans le vin. Parfois, elle se présentait sur une petite soucoupe, couvrant les carafes de vin et devait obligatoirement être consommée par ordre du Roi, qui cherchait ainsi à limiter les beuveries. Pendant des siècles, leur statut d'encas sans prétention servi gratuitement avec chaque verre consommé et cuisiné avec ce que les cuisiniers avaient sous la main n'a pas varié. Mais « il y a eu ces dernières années un boom, avec de véritables merveilles », se félicite Angel Moreton, responsable de l'école internationale de gastronomie de Valladolid.

Le Bulli de Ferran Adria

Une autre révolution culinaire s'est produite à la fin des années 1990, au sein d'El Bulli, cinq fois détenteur du titre de ‘meilleur restaurant du monde' (entre 2002 et 2009). Chez El Bulli de Ferran Adria, « les tapas étaient un peu comme une déclaration d'intention », résume Sergi Arola. Le pape de la cuisine moléculaire « avait imaginé un menu de tapas, présenté juste avant le menu gastronomique et il avait sa propre définition. » Ses premières créations -tartare de tomates, morue à l'avocat ou chips de poulpe et calamar- peuvent encore être dégustées dans le restaurant ouvert par son frère Albert Adria à Barcelone, exclusivement dédié aux tapas. D'autres cuisiniers ont ouvert récemment des bistrots de tapas, mettant ces hors d'oeuvre sophistiqués à la portée de tous les budgets, une affaire apparemment très rentable. « Cela a été la grande révolution de la cuisine espagnole ces dernières années », affirme Angel Moreton, faisant l'éloge de « la créativité que tu rencontres aujourd'hui au comptoir des petits bars de quartier ». Ce succès est indissociable de la manière dont les tapas sont consommées: debout, entre amis, de préférence sans couverts, et de bar en bar pour tester les meilleures. Le succès est tel que les écoles de cuisine proposent à présent des ateliers de « tapas créatives » qui affichent complet. Un triomphe à double tranchant: « Le risque c'est que l'on finisse par servir aussi des tapas dans les fast-foods et qu'elles perdent de leur prestige », s'inquiète Sergi Arola.