La cuisine urbaine de Sang Hoon Degeimbre débarque à Gand

Après avoir ouvert deux « San » à Bruxelles, le Chef Sang Hoon Degeimbre, doublement étoilé pour son restaurant « L'air du temps » à Éghezée, ouvre un troisième « San » à Gand. Sa cuisine ‘urbaine', comme il aime la qualifier, déboule donc en Flandre avec comme note de tête toujours ses fameux bols-cuillères et comme note de cœur une touche de cuisine coréenne et l'amour du produit authentique.
par
Maite
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Pourquoi avoir choisi la ville de Gand après Bruxelles ?

« J'ai pensé que ce serait un écrin parfait pour un ‘San' car c'est une ville alternative, qui offre des adresses plus ciblées, plus ‘niche'. Elle me semble beaucoup plus en évolution qu'Anvers par exemple. Et puis elle a gardé une dimension humaine, le piéton est roi, tout comme le client est roi chez moi. »

Ces trois « San » se ressemblent-ils tant que ça ?

« Je les vois comme trois arbres. Trois chênes qui se ressemblent fondamentalement mais qui ne sont absolument pas les mêmes quand on regarde de près. C'est comme trois enfants d'une même fratrie. Ils ont un air de famille mais leur propre personnalité. »

C'est quoi cet ‘air de famille' ?

« Le fil conducteur, c'est le bol et la cuillère, qui permettent d'avoir tous les goûts en bouche en une cuillerée. C'est de la gastronomie débridée: on garde tous les paramètres de sérieux du travail bien fait mais on enlève le côté engoncé de la gastronomie classique. On la rend plus fun, plus actuelle. C'est d'ailleurs pour cela qu'on a choisi ce nom ‘San' parce que c'est mon surnom, donc la version décontractée de mon nom et ça représente bien l'idée générale du concept. »

Ce que tu proposes chez San est très différent de l'air du temps. Quels sont les marqueurs de cette cuisine San?

« À L'air du temps, je fais de la cuisine rurale, de terroir, et c'est ce que j'aime bien sûr mais j'ai plusieurs facettes. J'aime le calme de la campagne mais aussi l'animation, voire la frénésie, des villes, qui vous énergise. Chez ‘San', c'est une cuisine urbaine, avec plusieurs influences culturelles qui se mélangent. On a un rappel de l'air du temps avec des plats signature ou des accords signature mais on a une inspiration internationale avec telle ou telle épice, tel ou tel produit qui m'a inspiré durant mes voyages. Beaucoup de saveurs coréennes évidemment. »

C'est compliqué de gérer quatre adresses?

« Non, car je délègue facilement. On fonctionne par fidélité et loyauté dans notre équipe. Pour le premier ‘San', j'ai voulu remercier la fidélité d'un de mes élèves en lui offrant la possibilité d'avoir son propre bébé. Puis, il y a eu une autre belle rencontre avec Joël Rammelsberg, qui deviendra le Chef du ‘San' au sablon et qui va mener la barque du ‘San' de Gand également. »

Ils ont une grande marge de manœuvre tes Chefs ?

« Oui, ils peuvent créer des plats que l'on goûte ensemble. À Gand, dans un premier temps, il y aura quelques plats signature de L'air du temps comme le ‘purple duck' ou le ‘Liernu', un assortiment de légumes de notre potager. Cependant, le Chef sur place à toujours la liberté d'innover. En fait, je prône vraiment la proximité avec le client qui peut lui aussi faire évoluer les choses. On prend en compte son avis, on essaye de lui faire plaisir en le surprenant. »

Quelles caractéristiques doit avoir un produit pour se retrouver dans tes plats ?

« Je dois savoir d'où il vient, qui l'a fait, comment il l'a fait… Je veux vraiment connaître le producteur, comprendre son histoire, pour avoir quelque chose à raconter. J'aime bien l'idée: un producteur = un produit. Je travaille avec des produits de saison évidemment. Je suis un cuisinier moderne qui se préoccupe d'écologie, de santé… je suis un peu utopique et idéaliste et je l'assume ! »

Bonnes pour la santé, comme la fermentation par exemple ?

« Oui, je fais ça depuis une dizaine d'années, avant que ce soit à la mode  (rire). J'ai été sensibilisé par cette méthode quand je me suis rendu en Corée, là où je suis né. Ils utilisent énormément la fermentation car c'était leur moyen de conservation avant que le pays ne se développe et devienne la Corée telle qu'on la connaît aujourd'hui. Avant, c'était un pays très pauvre, comme tout pays a pu l'être à un moment donné de son histoire et c'est d'ailleurs ce qui fait que des méthodes originales naissent. Le gros avantage de la fermentation c'est que c'est très bon pour la santé. On met les fruits ou légumes dans de la saumure, donc de l'eau et du sel, et ce dernier va empêcher la prolifération de mauvaises bactéries tout en permettant celle des bonnes, les bactéries lactiques, excellentes pour la santé. Certains minéraux s'y développent également. En plus, c'est très intéressant gustativement et cela permet de manger des fruits et légumes d'été en hiver et vice-versa. »

Un moyen de ne rien gaspiller de votre magnifique potager à Éghezée !

« Oui, on a un jardin de cinq hectares à L'air du temps, qu'on cultive de manière totalement naturelle et respectueuse de l'environnement. On n'utilise aucun intrant chimique, on a remis des abeilles, on suit les principes de la biodynamie… C'est juste magnifique, il faut le voir ! »

 

Carte d'identité 

Sang Hoon Degeimbre naît en Corée en 1969 puis grandit en Belgique où il suivra des cours de cuisine puis de sommellerie (il se classe 3e du concours national !). En 1997, il ouvre « L'air du temps » à Éghezée, qui reçoit une première étoile Michelin en 2000 puis une seconde en 2008. Sang Hoon est également un des fers de lance du collectif Génération W, constitué de Chefs voulant promouvoir le patrimoine gastronomique wallon. En 2015, il ouvre un premier San à Bruxelles (rue de Flandres), puis en 2016 un deuxième au Sablon et en 2017 un troisième à Gand.