De Hasselt à Miami

Stijn Helsen s'était fait discret. Mais aujourd'hui, le styliste limbourgeois de 42 ans est de retour aux affaires. Avec ses frères, Frank et Bert, et sa sœur, Liesbeth, il dirige avec passion son propre label. Le petit tailleur de jadis installé dans le centre de Hasselt est devenu un empire de la mode et du lifestyle. Des noms connus comme les Jacksons, les frères Borlée et même le prince Laurent et la princesse Claire s'y rendent régulièrement. Nous avons rencontré en exclusivité Stijn Helsen dans son conceptstore, juste avant son départ pour Miami. 
par
Kevin
Temps de lecture 6 min.

«Avant, je travaillais tous les jours jusque 23h30, sans relâche. Cette période fait désormais partie du passé. J'essaie désormais de prendre le temps d'aller faire du jogging ou de partir en vacances. Mais, bien évidemment, j'aime encore et toujours mon métier. Je suis encore et toujours mordu par le virus de la mode. La mode, c'est tellement vaste. Cela va de l'installation de votre propre concept-store, à la conception d'une ligne de linges de lit Stijn Helsen, en passant par le service discret à la clientèle. Les samedis, je suis souvent au magasin.»

Hasselt, c'est donc le genièvre et Stijn Helsen?

«Tout le monde connaît en effet la boutique. C'est un choix délibéré. Nous aurions pu nous éparpiller et ouvrir des magasins à Anvers, Gand, etc. Mais je voulais vraiment un flagshipstore où les gens peuvent nous rencontrer, moi ou mon frère. Et c'est ce qui fait aussi notre succès. Bien que nous soyons à Hasselt, nous avons déjà reçu ici pas mal de personnalités. Ils ont très vite su qu'ils sont bien reçus ici.»

On voit beaucoup vos initiales. Quelle importance accordez-vous à un logo?

«C'est important. C'est subtil, mais nous l'utilisons beaucoup. Ce logo représente la qualité et la lisibilité du produit. C'est une première étape pour que les personnes qui ne connaissent pas encore SH (Stijn Helsen) découvrent notre label. Je ne comprends pas que certaines firmes n'utilisent pas leur logo sur leurs vêtements, mais le diffusent en grand sur des sacs à main par exemple. Quand je travaillais chez Valentino, j'ai pu modifier cela. Ils ont apprécié que je leur transmette mon expérience de vente. En étant proche du consommateur, vous pouvez mieux évaluer ce que veut le client. Si certains clients ne veulent pas de logo, il y a toutefois bien un grand marché.»

Vous avez choisi une implantation exotique?

«Pour le shooting je suis parti à Miami, parce que j'y habite un peu aussi. J'y possède un appartement et j'essaie désormais d'en profiter vraiment. Nous faisons là aussi régulièrement des essayages pour les personnes qui aiment la mode exclusive. C'est ainsi que je fais actuellement du sur-mesure pour l'architecte qui est en train d'aménager l'appartement de Beyoncé à New York. Ces clients veulent du sur-mesure, pas un produit de grande série que l'on trouve dans les rayons des magasins.»

La demande en sur-mesure est-elle importante?

«Partout il y a une demande de ce service personnalisé combiné à une finition de haute qualité, qui n'existe pratiquement plus. Même si vous achetez aujourd'hui des marques de luxe dans les matières les plus chères, elles sont aussi fabriquées en série. Dans chaque ville, vous trouvez les mêmes magasins, avec les mêmes vêtements et les mêmes étalages. Et c'est justement en raison du petit format de notre affaire familiale que nous pouvons offrir un service que les grandes marques ne peuvent plus fournir. Les grandes marques se banalisent. La collection Gucci que j'ai vue récemment n'est vraiment plus ce qu'elle était avant. Mais il y a des exceptions. Valentino par exemple, où j'ai travaillé, a à nouveau le vent en poupe. Malgré le départ de Valentino, ses successeurs se débrouillent très bien, je trouve.»

Outre votre propre label, proposez-vous aussi d'autres marques?

«En effet. Chaque saison, je me rends avec ma sœur dans des salons de la mode pour chercher les toutes nouvelles tendances. C'est ainsi que nous vendons les grandes marques internationales de Pucci, Etro à Ralph Lauren. Mais nous avons aussi de jeunes marques. Avec de grands acteurs comme Zara et Bershka, nous sentons que nous devons proposer des vêtements au prix plus étudié pour un public plus jeune. Vous pouvez trouver ici aussi des pièces pour 100 à 200 euros. Alors qu'avant pour une robe de 800 euros vous deviez assister la cliente pendant une heure, elle peut dorénavant essayer et choisir plus vite elle-même.»

Et vous ne vendez pas que des vêtements?

«Vous pouvez acheter ici des meubles, des tableaux, des vases et des livres vintage. Les gens voyagent beaucoup, pour 100 euros vous êtes à Barcelone, Milan ou Paris. Vous le constatez là aussi. Les gens sont très bien au courant de ce qui se passe dans la mode. C'est aussi bon du point de vue commercial, car vous pouvez toujours vendre quelque chose.»

Les hommes font-ils du shopping avec leur femme?

«Oui, souvent même. Ici, dans le conceptstore, je vois régulièrement des couples ou des amies en groupe.»

La mode est-elle encore toujours un symbole de prestige?

«Je considère que bien s'habiller est un symbole de prestige. Que ce soit des vêtements de marque ou pas, si vous montrez votre personnalité par le biais d'une association spéciale, alors vous vous démarquez. Bien évidemment, nous vendons ici un produit exclusif. C'est justement parce que notre affaire est aussi petite que nous pouvons proposer une chose que tous les autres n'ont pas nécessairement. Un beau manteau, la façon de nouer votre écharpe, ce sont des choses qui peuvent contribuer à un look personnalisé. Mais il y a tellement de façons de vous distinguer. Vous pouvez apprendre à connaître quelqu'un à la façon dont il vit, aménage sa maison, à ses amis.»

Les gens s'habillent-ils de façon plus élégante aujourd'hui?

«C'est moins élégant. Quand je regarde les photos de mon père ou de mon grand-père, tout le monde porte un beau costume et un chapeau. Il m'arrive régulièrement d'acheter un Borsalino, je trouve que c'est formidable de porter un chapeau, avec un manteau ou même un T-shirt en été. Ce sont des choses qui disparaissent. Si vous portez un chapeau aujourd'hui, vous êtes très excentrique. Nous avons certainement régressé. Il y a une énorme influence du sportswear et du jeans; maintenant on vend même des denims à 1.000 euros, et plus il y a de trous plus c'est cher!»

Suivez-vous cette tendance?

«Nous lançons une nouvelle collection de jeans, mais nous restons quand même fidèles à notre métier. Faire des costumes sur mesure est déjà en soi un art oublié. Tout dépend d'une personne à l'autre. Un homme peut être très sexy dans un beau costume, mais aussi ne pas l'être du tout dans un costume qui ne lui va pas. Il y a des hommes qui font du sport, mais portent une chemise qui leur va à peine. Dans ce cas, je ne vois pas pourquoi ils vont trois fois par semaine faire du sport. Je ne pense pas que je veux le savoir, mais je pense que tout le monde le voit. La plupart des hommes portent un costume qui ne leur va pas.»

L'avenir du costume sur mesure est assuré?

«Bien entendu, la mode évolue, nous avons toujours été passionnés et nous essayons de faire notre métier. Le tailleur n'est pas un métier démodé, nous sommes prêts pour l'avenir. C'est ainsi que nous faisons faire en petites quantités des tissus dans des ateliers de tissage écossais. Si dix costumes en sont coupés dans le monde entier, c'est bien évidemment très exclusif. Ce sont des choses que nous proposons à Lenny Kravitz, les Jacksons ou Keanu Reeves.»

Qui est Stijn Helsen?Pour Stijn Helsen, créer des vêtements est dans les gènes. En 1939, son grand-père avait lancé son entreprise de couture à Borgloon. En déménageant à Hasselt, son père a poursuivi cette tradition familiale dans la capitale limbourgeoise. Helsen est bien connu pour ses matières durables. Il a notamment travaillé pour Armani et Valentino et a pu compter Lenny Kravitz, Robbie Williams et Hugh Grant parmi ses clients. Il a récemment vu la mort de près en tombant d'un balcon d'un hôtel bruxellois la nuit de la Saint-Sylvestre 2013-2014.

par Arne Rombouts