Un avocat fiscaliste: "L'usage d'une solution offshore est parfois justifié"

par
Camille
Temps de lecture 3 min.

Werner Heyvaert, avocat fiscaliste chez Jones Day, assure que "tous les utilisateurs de comptes et sociétés offshores ne sont pas des fraudeurs". Pour ne pas confondre utilisateurs légitimes et fraudeurs, il plaide pour un renforcement des moyens de l'administration fiscale.

Vous affirmez que les mécanismes offshores ne servent pas qu'à tricher. Dans quels cas seraient-ils légitimes ?

"Certaines familles fortunées ont recours à des sociétés offshore dans un souci de discrétion. Pas vis-à-vis du fisc, mais contre des personnes qui leur voudraient du mal. Je connais une famille fortunée qui, dans le passé, redoutait que l'un des siens ne soit victime d'un kidnapping. C'était arrivé à des amis à eux, ce qui expliquait leur prudence. Rappelons aussi que créer une société offshore ou ouvrir un compte n'est pas illégal, du moment qu'il s'agit d'argent propre et que les revenus produits par ces capitaux soient déclarés correctement en Belgique."

Pensez-vous qu'une majorité des sociétés offshores créées le soient à des fins de protection ?

"Je ne dis pas que la majorité des sociétés offshore sont créées à cette fin. Et je ne voudrais pas donner l'impression de défendre ceux qui utilisent ces mécanismes à des fins illégales. Mais il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier. Pour éviter les amalgames, nous avons besoin d'une administration fiscale efficace, capable de combattre la fraude tout en respectant les droits des contribuables. Cela doit permettre d'éviter que ceux qui utilisent les mécanismes offshore à des fins légales ne soient mis au même niveau que ceux qui s'en servent à des fins de fraude fiscale ou de blanchiment d'argent."

L'administration fiscale, justement, semble bien démunie face à la grande fraude fiscale…

"Depuis plusieurs années, les secrétaires d'État contre la fraude se succèdent et annoncent des mesures. Je me souviens de John Crombez annonçant que 30 experts ‘anti-fraude' seraient engagés. Quelques mois plus tard, le Selor était chargé du recrutement. Ces postes étaient ouverts à des étudiants de dernière année, et proposaient des salaires de 30.000€ brut par an. Ce n'était peut-être pas la façon la plus efficace pour mettre sur pied une équipe du niveau de compétence qu'exige la lutte contre la fraude du type ‘Panama Papers'."

Vous doutez de la volonté des gouvernements de s'attaquer à ce problème ?

"Dans le contexte actuel, il est délicat pour tout ministre de demander plus de moyens. Mais il faut pourtant recruter des experts, des personnes expérimentées. Le SPF Finances compte parmi son personnel beaucoup de fonctionnaires capables, mais il faut peut-être leur proposer des rémunérations attractives, pour éviter qu'ils ne se dirigent tout de suite vers le secteur privé. Pour le moment, on assiste au phénomène inverse : les jeunes se forment au sein de l'administration, et sont débauchés par le privé quelques années plus tard, forts de leur expérience."