Sylvie Vartan: "Ma mère a été le témoin d'un siècle turbulent"

par
Nicolas
Temps de lecture 1 min.

En 1952, la petite Sylvie Vartan débarque à Paris avec son frère et ses parents. Fuyant la Bulgarie communiste, la famille trouve en France un refuge inespéré qui ne fera que renforcer les liens entre ces témoins d'un 20e siècle «turbulent». Dans «Maman…», la chanteuse rend un hommage fervent à sa mère Ilona, hongroise, femme d'un ingénieur bulgare d'origine arménienne. Récit d'exilés.

Ce livre se lit comme on ouvre une boîte à souvenirs: les vôtres mais aussi ceux laissés par votre mère. Comment l'avez-vous construit ?

«Curieusement, j'ai découvert voici quelques mois son carnet de bord. En cherchant des photos pour illustrer ce livre, je suis tombé sur un grand cahier noir, je l'ai ouvert et c'était son écriture. Elle écrivait à un moment très précis, celui de notre arrivée à Paris. J'ai été fascinée: je connaissais l'histoire bien sûr mais la voir écrite par elle m'a profondément touché. C'était en français, avec beaucoup de fautes (rires). Ce n'était que 10-15 pages malheureusement. Je n'ai rien trouvé d'autre. Mais je l'ai aussi enregistrée et fixée sur ma caméra, parce que je voulais la voir et l'entendre raconter sa vie. J'avais envie inconsciemment de la rendre immortelle.»

Sylvie Vartan bébé dans les bras de sa mère aux côtés de son frère Eddie. (Ph. D. R.)

Pourquoi avoir eu envie de partager cette histoire avec le grand public ?

«C'est un être exceptionnel, c'est ma mère. Mais elle a été aussi le témoin d'un siècle turbulent. C'est une histoire européenne du 20e siècle. Je pense que c'est aussi une histoire d'amour, d'un amour comme il y en a peu. Cela me faisait du bien de la raconter et de la montrer en exemple à mes enfants et à mes petits-enfants. Je crois qu'ils seront heureux de savoir d'où ils viennent, même s'ils sont absorbés pour le moment par leur jeunesse et leur vie trépidante.»

Vous-même avez été emportée par la notoriété, voulez-vous vous faire pardonner quelque chose en rendant cet hommage ?

«Non. J'ai toujours eu envie de faire ce métier pour avoir la possibilité de toujours jouer. Je ne voulais pas être continuellement dans la réalité brutale et vive, je voulais toujours rêver. C'est un métier qui vous garde en permanence proche de l'enfance. Je crois que c'était capital pour ma survie, parce que je suis quelqu'un de très émotif et d'ultrasensible. Ce que je fais me calme et me donne le bonheur. Être artiste est le plus beau métier du monde, car ça vous permet d'échanger et de toucher les gens.»

Et vos parents comment ont-ils vécu cette notoriété, on a l'impression que vous avez tenu à préserver un clan Vartan ?

«Mes parents n'étaient pas particulièrement inquiets. Ma mère peut-être davantage, comme toutes les mamans. Il n'y a pas eu de changement par rapport à ma notoriété. Chez moi, je n'étais pas célèbre, j'étais moi. Je restais la petite Sylvie et ça, c'était bon. Je trouvais un ancrage, une vérité, un amour et un confort émotionnel.»

Trois générations réunies: Sylvie Vartant et sa fille adoptive Darina entourant Ilona Vartan. (Ph. D. R.)

 Vous dites n'avoir jamais voulu être le porte-flambeau d'une quelconque rébellion comme certains médias ont voulu le faire croire ?

«C'est parce que la musique des yéyés portait ce symbole. Avec leurs cheveux longs, les Beatles étaient considérés comme des hooligans, alors qu'aujourd'hui on les prendrait pour de premiers communiants. Tout est relatif. C'était une époque charnière, une vraie cassure. Forcément, cela faisait peur à la génération précédente. C'était la première fois que les 17-18 ans rassemblaient autant de personnes et bouleversaient le paysage de la chanson. Je n'ai jamais connu de rébellion comme tous les enfants ont à l'adolescence. J'aimais mes parents et je n'avais qu'une idée: les contenter. Ils sont toujours restés mes exemples.»

Votre vie est faite d'exils. Qu'est-ce qui fut le plus dur pour vos parents ?

«Le déchirement avec des êtres qu'ils ne reverront plus de leur vie. Je l'ai compris violemment au moment où le train est parti. Eux le savaient depuis bien avant. Ils n'avaient pas d'autres choix parce que c'était la terreur. Ce fut une vie de sacrifices. Et aujourd'hui, quand on voit ces familles qui au risque de leur vie tentent de sauver leurs enfants, c'est évidemment poignant. C'est comme une piqûre de rappel dans mon cœur. Je ne peux que savoir ce qu'est le déchirement. Je sais ce qu'est le prix de la liberté.»

Vos parents ont d'ailleurs toujours été reconnaissants à l'égard de la France ?

«Ils étaient très francophiles. Pour la Bulgarie à l'époque, la France c'était la liberté et la culture.»

Quel lien gardez-vous avec la Bulgarie ?

«J'y ai encore de la famille. J'ai aussi une association qui vient en aide aux maternités. Nous avons fourni du matériel médical dans ces régions qui connaissent encore d'énormes difficultés.»

«Maman…», de Sylvie Vartan, éditions XO, 272 pages, 17,90 €

Nicolas Naizy