Serge Coosemans: Génération clubbers

par
Laura
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Clubber invétéré depuis les prémisses de la New Beat, Serge Coosemans a trempé sa plume vitriolée pour bon nombre de publications. C'est -entre autres- sur le site web du magazine Focus qu'on le retrouve aujourd'hui pour y évoquer la nuit. Il était donc normal que l'on fasse appel à lui pour ce «Glossaire du DJ» qui nous plonge dans l'histoire et les techniques d'un art que l'on connaît finalement trop peu.

Critique clubbing, tu as presque inventé ton propre job.

«C'est plus compliqué que cela. J'ai commencé, il y a 20 ans, par être rédacteur en chef de RifRaf. À l'époque, c'était les débuts du Fuse. On était plusieurs à couvrir cela mais ce n'était pas vu d'un œil très sérieux par les autres qui étaient dans le rock, le grunge… C'était en tout cas l'embryon de ce que je fais aujourd'hui. Je me souviens avoir fait une review d'un concert d'Underworld lors d'un nouvel an à l'Ancienne Belgique dont je ne me souvenais plus du tout tellement on l'avait fêté. (rires). Mais je faisais déjà beaucoup d'interviews de dj's et de producteurs. Puis, je suis passé par Voxer, Move-X, Outsoon, etc. Ce genre de magazines spécialisés. Quand tout cela a disparu vers 2006-2007, je me suis plus replié sur le net.»

À la différence des chroniqueurs mondains à la parisienne, tu te concentres davantage sur la musique.

«Dans le livre ‘Turn the beat around', aux éditions Allia, il est clairement montré que les journalistes musicaux ne se sont pas intéressés à la dance music pendant des années parce que le côté mondain prenait à chaque fois le dessus. Et c'est encore très récent comme phénomène. Eric Dahan dans Libé il y a 10-15, c'était très mondain. Moi, j'avais envie de le faire plus à l'anglaise, d'aborder le contexte plutôt que les figures de la nuit que je ne trouve pas très intéressantes. Parler du petit dj dans son coin qui a envie de faire bouger des gens. Au final, ça touche à la société, aux gays, aux blacks, au tourisme, à la sociologie, et même à la hi-fi parce que les dj's ont fait évoluer la technique.»

Le Coosemans clubber a commencé à quel âge?

«À 17 ans. Pour l'anecdote, ma tante a tenu une discothèque dans le centre-ville qui s'appelait le Jungle Fever. Mes parents m'y ont emmené vers 11-12 ans mais je m'y suis ennuyé. Mais j'ai commencé par des bals de rhétos avec Depeche Mode, New Order, Frankie goes to Hollywood, etc. Puis j'ai été un client très régulier de La Gaité. J'ai été full New Beat pendant deux ans.»

Tu as commencé très tôt à intellectualiser la chose?

«Non. Depuis que j'écris, je fais des vannes, je fais du foutage de gueule, etc. Je ne sais pas si j'intellectualise vraiment la chose mais c'est un peu un aboutissement de différents trucs. À un moment, j'ai voulu faire une BD avec Docteur Lo qui faisait des flyers. J'avais également fait une histoire de la New Beat pour Spirou. Mais c'est en vieillissant que tu te rends compte que tu as une expérience, un savoir, un vécu que tu ne trouves pas autour de toi dans les médias, dans les bouquins ou à la tv. Il y a eu ‘The Sound of Belgium' récemment, c'est bien mais c'est très peu. Il y a eu le bouquin de Laurent Garnier ‘Electrochoc', ‘Eden' au cinéma… Mais ça reste un sujet intéressant qui n'est pas très bien abordé par les médias et quand il l'est, c'est de façon caricaturale ou minimisée.»

On n'est pas ici dans un glossaire de l'électro mais bien du djing.

«Complètement. D'ailleurs le djing ne commence pas avec l'électro mais pendant la guerre. Même si on ne sait pas vraiment qui a commencé en premier. Certains disent que c'est Jimmy Savile en 1943 qui a commencé à faire payer des gens pour les faire danser sur des disques. Mais on pense que cela se passait également dans le Paris occupé ou à Berlin avec sa jeunesse zazou révoltée. Enfin, tout est discutable. C'est une histoire qui n'a pas été écrite. En tout cas, j'essaye d'être le plus fiable possible.»

Parmi les entrées, on retrouve des styles musicaux variés, l'acid, la techno, la house et même l'italo-disco et le gabber. Comment as-tu choisi?

«J'ai choisi ce qui me paraissait le plus important et dans la durée. L'italo-disco a duré, on en reparle encore aujourd'hui. Le gabber, c'était plus pour mettre des traits d'humour et alléger le truc parce que c'est quand même le style le plus caricatural. Pour les autres, ce sont les genres qui restent: techno, house… Mais l'idée, c'était vraiment de faire l'histoire du djing depuis les années 40 jusqu'à aujourd'hui avec les David Guetta et Calvin Harris, en passant par la pop des années 60, la house, la new wave, etc. On ne sait pas très bien vers où cela va se diriger. Avec Guetta, on est dans l'évolution de la musique commerciale d'il y a 20ans. Ce n'est pas l'underground qui tout d'un coup s'est mis à se vendre.»

Et tout cela écrit dans ton style.

«Ça s'inscrit dans une série de ‘Glossaires' que l'éditeur décrit comme étant d'auteurs. Et donc, forcément, chacun y va de sa patte et sans direction précise. Moi, j'avais envie de faire un vrai bouquin musical avec beaucoup de références et un peu d'érudition quand même. Être assez complet et ne pas se limiter aux clichés. Rappeler qu'avant Guetta, il y avait toute une série de héros oubliés qui ont tout inventé. Et effectivement, on ne se refait pas, j'aime aussi lâcher des grosses vannes et donner mon avis en mettant les pieds dans le plat. Même si c'est moins que d'habitude (rires).»

«Glossaire du DJ», de Serge Coosemans, éditions La Muette, 134 pages, 12,90€

Ph: La Muette