Roselyne Durand-Ruel : La vengeance à n'importe quel prix

par
Maite
Temps de lecture 3 min.

Dans «Les ailes du désespoir», l'auteure franco-américaine, Roselyne Durand-Ruel, raconte l'histoire de la métamorphose radicale, et de la perte de soi, d'un homme qui veut venger sa femme. Le tout sous un fond de jihadisme et d'attentats terroristes. Un récit haletant et… vertigineux!

Pourquoi avez-vous décidé de traiter les attentats sur le thème de la vengeance?

«Je suis allée aux États-Unis peu de temps après le 11 septembre. Je me suis demandé ce que je ferais si mon mari était mort dans les attentats. Je me suis mise dans la peau de quelqu'un qui a eu un lien direct avec ces attaques. De plus, j'ai voulu m'intéresser à ces personnes qui ont tué près de 3.000 personnes. J'ai eu une espèce de curiosité vis-à-vis de ces gens aussi bien qu'un besoin de conjurer ce 11 septembre.»

Vous imaginez un personnage qui veut se venger et qui infiltre un réseau terroriste. Comment vous êtes-vous documenté sur l'organisation de ces réseaux?

«C'était la partie la plus intéressante. Je voulais savoir ce que c'était le terrorisme et son lien avec l'islam. Je voulais voir comment une religion peut être utilisée et comment cela peut dégénérer. C'est la partie qui m'a beaucoup plu. C'était un peu comme faire des études supplémentaires, et j'aime cela.»

Pensez-vous coller à la réalité?

«Après avoir digéré tout ce que j'ai lu sur le sujet, j'ai écrit ce que j'imaginais être un réseau terroriste. Est-ce que cela colle à la réalité? Je ne sais pas. Je pense qu'avec tout ce que j'ai lu sur tous les petits réseaux qui naissent en France et en Belgique, je ne suis pas très loin de la vérité. Mais je n'ai pas eu de contact direct avec des personnes qui sont en lien avec ces réseaux. Mon livre est le résultat de mes recherches et de mon imaginaire.»

Avez-vous commencé à écrire ce livre avant ou après les attaques sur Charlie Hebdo?

«J'ai mis presque quatre ans à écrire ce livre. Au début, il était très facile à écrire car les premiers chapitres concernent avant tout une histoire d'amour. La suite était plus compliquée. J'ai même failli abandonner. Mais finalement, j'ai terminé le livre avant les attaques contre Charlie. Il ne me restait plus que le chapitre sur la rédemption à écrire. J'étais très mal à l'aise.»

L'histoire commence par l'amour que se portent une musulmane et un juif et par toutes les difficultés auxquelles ils doivent faire face.

«J'ajoute même une dimension supplémentaire car le personnage séfarade de mon roman est en réalité agnostique. Il faut savoir que les séfarades et les musulmans se sont entendus pendant des siècles. Quand on analyse les 600 ans de bonne entente entre les juifs et les musulmans, on ne peut pas s'empêcher de se dire que quelque chose d'extérieur s'est ajouté pour que l'on en arrive à ce point-là. Je suis très frappée par la dégradation d'une relation, surtout que ces gens ont beaucoup plus en commun que ce qu'ils imaginent. C'est finalement la religion qui les sépare.»

En quelques lignes

C'est sous le thème de la vengeance que sont abordés le jihadisme et les attaques terroristes dans «Les ailes du désespoir». Un angle particulier qui fait tout l'attrait de ce superbe roman. Roselyne Durand-Ruel réussit, haut la plume, à plonger le lecteur au cœur des réseaux terroristes sans qu'il n'ait l'impression de relire pour la énième fois la même chose. Un pari difficile vu le contexte actuel. Dans «Les ailes du désespoir», le lecteur découvre un juif fou amoureux d'une musulmane qui meurt lors des attentats du 11 septembre. David se lance alors dans la quête de la vengeance, une quête qui le fait basculer dans un tout autre monde. Ce récit haletant a toutefois un petit bémol que l'on se doit de souligner: à plusieurs reprises, il risque de perdre le lecteur, vu le trop grand nombre de personnages qui entrent en jeu. Un conseil: accrochez-vous, ce livre en vaut la peine! (mh)

«Les ailes du désespoir», de Roselyne Durand-Ruel, éditions Albin Michel, 432 pages, 21,50€ 3/5

Ph. Julien Chatelin