Paul Smith: Le self-made man

par
Laura
Temps de lecture 4 min.

Ses rayures originales aux couleurs vives ont rendu Paul Smith célèbre dans le monde entier. Depuis, le styliste britannique a étendu son empire de la mode et imprime aussi sa marque à des lunettes, des sacs, des vélos et même des lampes. L'exposition «Hello, my name is Paul Smith» au musée de la mode de Hasselt offre aux visiteurs un regard unique sur le chaos créatif duquel il puise toute son inspiration. Une brève visite guidée dans l'univers parallèle de ce designer original.

Tout chez Paul Smith respire la spontanéité teintée d'humour. Avec une modestie désarmante, il déambule au beau milieu des murs colorés de sa propre exposition, tout en racontant avec désinvolture des anecdotes toutes plus hilarantes les unes que les autres. Et avant même de nous en être rendu compte, nous avons complètement oublié que la personne devant nous est partie de rien pour créer à elle seule un véritable empire de la mode. «Mes vêtements sont vendus dans plus de 73 pays et 300 points de vente. C'est tout simplement absurde. Je me demande régulièrement comment tout cela a pu arriver!», nous fait remarquer avec humour le designer.

Votre succès actuel contraste nettement avec vos modestes débuts. Sans le moindre diplôme, ni expérience en stylisme, vous avez ouvert votre premier magasin. Que vous disiez-vous quand vous avez commencé?

«Que ce serait sympa d'avoir ma propre boîte! Ce n'est pas plus compliqué que ça. Il n'y a jamais eu de véritable business plan. Pour la création de mes premières pièces de vêtement, je me suis adressé à ma petite amie. Comme elle était styliste, elle m'a énormément aidé pendant les cinq premières années. Après, j'ai pris moi-même les commandes.Mon premier magasin ne faisait que 9 m². Avec mon shop assistent, Tango, un berger écossais, j'ai attendu toute la journée du lundi le premier client. J'étais complètement stressé. Mais personne n'est venu. Même scénario le lendemain. Et le jour d'après. Le jeudi à 16 h, le premier client a enfin franchi la porte du magasin! Qu'est-ce que j'étais soulagé! Et c'est ainsi que la balle s'est mise très progressivement à rouler. Même si je dois dire que j'ai eu tout simplement beaucoup de chance dans mon parcours.»

L'exposition est un mix éclectique de photos, de courtes vidéos, de vêtements et d'objets absurdes de la vie courante. Comment décririez-vous le monde de Paul Smith, votre monde?

«Un univers créatif où tout est possible. L'inspiration peut venir de partout: des robots jouets sur mon bureau à une simple assiette de spaghettis au souper. Il est très important d'oser se démarquer des clichés qui déterminent la norme. Vous devez oser penser out-of-the-box. J'aime en ce qui me concerne regarder le monde avec les yeux d'un enfant. Avec un regard ludique, ouvert, et une insatiable curiosité. C'est la raison pour laquelle je ne me limite pas à la création de vêtements. Je photographie de façon quasi obsessionnelle toutes les raretés qui croisent mon chemin.»

Vous êtes connu pour votre collaboration avec des musiciens célèbres. Comment les avez-vous convaincus de porter vos vêtements?

«C'est une histoire amusante. Je suis un fervent amateur de musique. Dans ma jeunesse, j'allais à Londres tous les week-ends pour assister à des concerts. Certains de ces artistes sont depuis devenus des stars mondiales. Après ces concerts, je bavardais souvent avec eux et j'essayais de leur refiler mes t-shirts. Cela me permettait de payer mon essence. David Bowie est un des musiciens qui s'habillent encore aujourd'hui fidèlement en Paul Smith. Et il paie d'ailleurs encore toujours les vêtements qu'il porte!»

Outre des vêtements, vous créez encore 1001 autres choses. N'êtes-vous jamais à court d'idées?

«Jamais! Chez moi, c'est plutôt le contraire: j'ai tellement d'idées qu'il n'est pas facile de les filtrer et de les canaliser. Cela rend mon entourage complètement dingue. Heureusement, ils ont trouvé la parade: ils me demandent d'aller faire un petit tour dans le parc.» (il éclate de rire)

Vous êtes dans la profession depuis trente ans déjà. Qu'avez-vous vu changer sur le plan de la mode?

«Beaucoup de choses! Le changement le plus significatif est sans conteste l'explosion de grandes chaînes comme Zara et H&M. Des marques mode qui vendent de chouettes vêtements à des prix doux. Les nouvelles marques de luxe ont aussi poussé comme des champignons. Et puis vous avez aussi l'avènement de l'internet avec la vente en ligne qui a bouleversé l'ensemble du marché.Je suis favorable à l'idée "Think local, act global". Chaque boutique Paul Smith dans le monde a sa propre personnalité qui permet une expérience unique. J'ai la naïveté de croire qu'aucun webshop ne peut rivaliser avec ça!»

À 15 ans, vous avec pratiqué le cyclisme intensivement pendant plusieurs années, mais un accident vous a contraint à abandonner ce sport. Regrettez-vous votre choix de carrière actuel?

«Pas du tout, je ne l'ai jamais regretté ne serait-ce qu'un instant! De plus, je n'ai pas totalement dit adieu à la course cycliste: j'ai conçu quelques vélos et aussi différentes tenues de sport.»