Nadine Monfils: Le King version belge

par
Laura
Temps de lecture 5 min.

C'est dans la splendide Salle Gothique de l'Hôtel de ville de Bruxelles que Nadine Monfils a présenté officiellement son nouveau livre «Elvis Cadillac, King from Charleroi». Nous l'avions rencontrée quelques jours plus tôt à l'occasion de la Foire du livre. Et comme à chaque fois, nous avons passé un merveilleux moment!

Pour présenter votre nouveau personnage, vous allez mettre les petits plats dans les grands (la soirée a eu lieu jeudi passé, après l'interview à la Foire, ndlr).

"Oui, avec le sosie du Manneken Pis habillé en Elvis, un groupe de rock, Johnny Cadillac… En fait, je parle d'Yvan Mayeur (bourgmestre de la Ville de Bruxelles, ndlr) dans mon bouquin. Quand je le rencontre pour la première fois, je lui dis qu'il est dans mon livre, et il me demande si ça me dit de faire ma sortie à l'hôtel de ville… Je lui ai répondu ‘Non, peut-être'! (rires)"

C'est un personnage haut en couleur votre Elvis Cadillac!

"C'est un roman dans lequel j'ai énormément mis de moi-même. J'ai fait un tout avec tout ce que j'avais déjà fait: de l'érotisme, du déjanté, du polar, etc. Le personnage d'Elvis m'a été inspiré par Johnny Cadillac, qui est un ami et le sosie de Johnny Hallyday. Quand on ne le connaît pas, on ne voit que le sosie, bon vivant, rigolo. Quand on le connaît, on se rend compte qu'il a beaucoup plus à offrir. Je me suis dit que c'était intéressant de construire un personnage comme cela: populaire, qui boit sa Jupiler au comptoir et qui adore lire."

Votre livre est-il en quelque sorte un hommage aux sosies?

"Oui, moi j'adore les gens qui sortent du quotidien, qui n'ont pas une vie ‘conforme' et qui vont au bout de leurs rêves et de leurs passions. C'est ça que j'aime bien chez les sosies. J'imagine un mec qui est plombier ou magasinier la journée et qui, le soir, hop, se transforme en Elvis. C'est génial!"

Mais votre Elvis Cadillac ne vit que de cela.

"Lui, oui. Il est né à Charleroi et il est monté à la capitale, dans les Marolles, pour faire carrière. Mais en même temps, il n'a pas envie de devenir une grande vedette. Il veut rester près des gens. Il veut continuer à chanter les salles de patronage, pour les anniversaires, etc. Mais sa mère a une autre ambition pour lui. Elle se voit déjà pavaner sur la croisette à Cannes (rires)!"

Elle avait été, soi-disant, kidnappée quand il était petit.

"Tout est basé sur un grand mensonge. Évidemment, elle est loin d'être la mère idéale. Elle est le genre mère-crampon. Elle va tomber amoureuse d'un homme qui passe son temps libre habillé en Spider-Man dans les bois. On l'appelle Spidernaze d'ailleurs (rires). Il se plante tout le temps."

Où allez-vous chercher toutes ces idées de personnage? Il n'y en a pas un seul qui est plus ou moins ‘normal'?

"Non, il n'y en a pas beaucoup. Est-ce que je suis normale dans ma tête, je n'en sais rien! C'est peut-être cela le truc (rires)! Mais qui est normal dans la vie? On a tous des nez de clown dans nos placards. On a tous nos bizarreries, et heureusement! Ça serait emmerdant un monde de banquiers!"

Et vous jouez avec cela. Vous en rajoutez.

"J'aime jouer. Je m'amuse plus avec des personnages hauts en couleur qu'avec des petits soldats."

Peut-on trouver des similitudes entre Elvis Cadillac et Mémé Cornemuse, le personnage de vos anciens romans.

"Pour moi, Mémé Cornemuse est le symbole de la liberté totale. Elle n'en a rien à foutre, elle flingue à tout-va si on l'emmerde. Je me suis rendue compte qu'elle était une sorte de bouchon de champagne pour les gens parce qu'on vit dans un monde plein de restrictions, de contrôles. Mes personnages sont donc des bulles d'air pour les gens. Mais dans mes bulles d'air, j'essaie toujours de mettre quelque chose qui reste. Il y a toujours un second degré dans mes bouquins. Ce n'est pas anodin."

Vous rendez aussi toujours hommage à des personnages bien de chez nous.

"J'adore mon pays. Je suis Belge domiciliée en Belgique même si je vis aussi de temps en temps à Montmartre. Je suis complètement ancrée dans ma culture. Encore plus parce que je suis partie à un moment donné un peu plus longtemps en France. Ma culture m'a manqué. Je crois que pour se rendre compte à quel point nous sommes attachés à une culture, il faut s'en éloigner. Quand je suis ici, je vais au bistrot, comme chez Willy. On entend l'accent bruxellois. J'adore!"

Même dans vos annotations destinées à expliquer certains belgicismes, vous vous lâchez.

"Ouais, parce que je trouve qu'il n'y a rien de plus emmerdant que les explications ou les annotations. Si je n'écrivais que pour les Belges, je n'aurais pas besoin de traduire mais il y a aussi des Français. Et ils adorent nos expressions!"

En quelques lignes

Dans le nouveau roman de Nadine Monfils, nous retrouvons de l'érotisme, du polar, du déjanté et du littéraire, puisque l'intrigue tourne autour de la mort heureuse de Camus. Notre compatriote nous charme une nouvelle fois avec ses personnages haut en couleur et en… belgicismes! Cette fois, Nadine Monfils imagine, comme personnage principal, le sosie officiel du King: Elvis Cadillac venu tout droit de Charleroi au volant de sa Cadillac pour faire carrière dans la capitale. Il vit avec sa chienne Priscilla coiffée d'une banane rose. Il est invité à chanter pour l'anniversaire d'une vieille châtelaine. Mais rien ne se passe comme prévu. Déjà, sa mère, réapparue dernièrement alors qu'elle avait été «kidnappée» lorsqu'Elvis n'avait que cinq ans, lui met une pression de dingue pour qu'il réussisse à faire carrière. Ensuite, il se retrouve, lors de l'anniversaire de la vieille, au cœur d'un crime bien étrange. Pendant ce temps-là, Caroline, la petite fille de la châtelaine, met tout en œuvre pour retrouver son chat kidnappé au joli nom deHouellebecq. Un chat qui a des mycoses aux pattes… Bref, vous l'aurez compris: le nouveau bébé de notre compatriote est à mourir de rire!

«Elvis Cadillac, King from Charleroi», de Nadine Monfils, éditions Fleuve, 240 pages, 17,90 €

Maïté Hamouchi