Murielle Magellan : Le Don Juan au féminin

par
Maite
Temps de lecture 4 min.

Dans « Les indociles », Murielle Magellan dresse le portrait d'un Don Juan au féminin. Une galeriste au tempérament intense dans sa vie privée comme dans sa vie professionnelle. Une femme libre de toute attache, une conquérante.

Votre personnage, Olympe, est en quelque sorte un Don Juan au féminin.

« Elle a des désirs très forts. J'ai tendance à dire qu'elle a en fait une grande libido. C'est une libido au sens large. C'est-à-dire pas seulement dans sa sensualité mais également aussi dans ses désirs professionnels, ses envies artistiques. J'avais envie d'un personnage qui a un moteur qui tourne fort. Je voulais que quand elle va vers les autres, elle aille plus dans la percussion. »

C'est également le portrait d'une galeriste que vous décrivez dans votre roman. Une personne qui ne pense qu'à elle ?

« Elle est plus égoïste qu'égocentrique. Elle veut assouvir ses envies et ses pulsions. Par contre, elle ne parle pas beaucoup d'elle. Elle n'est pas très égocentrée. Dans une soirée, elle va plutôt regarder les autres comme une chasseuse, et non pas parler d'elle pour se mettre en valeur. Elle n'en a pas besoin. Elle est au-delà  de cela. Par contre, elle est assez égoïste. »

Vous montrez qu'il faut avoir un certain caractère pour réussir dans le milieu artistique.

« Pour parler de la liberté du personnage, j'avais aussi envie d'explorer l'absence de peur. Elle n'a pas peur de rencontrer, de désirer, de dire ses désirs. Elle n'a pas peur de son ambition et de sa volonté de conquête. Je ne l'explique pas vraiment dans le livre car je n'aime pas trop les étiquettes mais elle vient d'un milieu populaire. Elle a été presque arrachée de son milieu pour aller vers une classe plus aristocratique. Ce qui lui a donné une vision du monde très large. Elle n'a pas qu'un seul filtre pour voir le monde. C'est assez singulier et cela participe à sa liberté. »

Elle fonce tout le temps, pour tout ce qui l'intéresse.

« Elle a une addiction à l'intensité et au rythme. Elle ne veut pas perdre de temps. C'est comme si elle avait conscience de la mort. Don Juan avait très conscience de la mort. Ces personnages la voient comme une menace, comme un couperet qui peut tomber à tout moment. Cela plane comme des rapaces au-dessus de leur tête. Du coup, cela donne un rythme dur à suivre. »

Ce qui fait qu'elle dort peu.

« Elle est tout le temps en compagnie de personnes de son métier ou de conquêtes ou d'œuvres. Elle regarde constamment par exemple sur internet les œuvres qu'elle tracte. Elle n'est pas du tout contemplative, contrairement à Paul ou à Solal. Elle a besoin d'actions. »

Paul et Solal vont, chacun à leur manière, créer un désir chez elle.

« Solal crée le désir d'exposer son œuvre. Olympe est bouleversée par son œuvre qui est ignoré de tous. Elle n'a pas de frein, elle ne le voit pas trop vieux. Elle veut exposer son œuvre et elle va le stimuler à peindre à nouveau. Elle arrive avec sa force et sa volonté à le faire créer à nouveau. Paul est lui assez discret et classique à ses yeux. Il a privilégié sa famille à son travail. »

Tandis que Solal et Olympe sont contradictoires, ne pensez-vous pas qu'avec Paul, ils sont plutôt complémentaires ?

« Elle ne connait pas bien les sentiments que Paul dégage. Mais cela va l'attirer. Je voulais vraiment travailler sur la figure de Don Juan au féminin. Dans tout Don Juan, il y a un contrepoint, un personnage très fidèle aux valeurs complètement opposées à Don Juan pour qu'il y ait rencontre et affrontement. »

Ph. D.R.

Pourtant, ce qui va attirer Olympe, c'est son amour pour sa famille.

« Paul est serein et complet. Il est à l'opposé d'elle, même dans ses préoccupations puisqu'il n'est pas du tout dans le milieu artistique. Il peut pourtant lui ressembler dans l'obsession qu'ils ont chacun dans leur recherche. Elle a, vis-à-vis de lui, une curiosité de conquérante mais elle essaie de mettre un frein à ce désir. Elle se connait, elle n'a pas envie de lui faire subir sa loi. »

Ces rencontres entre ces deux hommes sont en fin de compte liées.

« Elles sont liées et elles interagissent. Je voulais montrer l'interdépendance dans nos vies, comment les choses sont liées entre elles. »

En quelques lignes

Désir, liberté, sensualité… mais aussi création artistique et volonté professionnelle, voici autant de thèmes développés dans « Les indociles », à travers l'histoire d'Olympe, une galeriste trentenaire qui vit sa vie à 200%. À l'instar de son héroïne, le roman mène un train d'enfer, il fonce et ne laisse le temps à personne de se poser des questions. Écriture énergique, phrases courtes, courts chapitres… le style de ce roman  emmène le lecteur dans le rythme effréné de la jeune galeriste.  L'indocile, ce n'est pas seulement Olympe. Ce sont également toutes les personnes qu'elle rencontre. Murielle Magellan nous emmène dans une réflexion sur l'amour, à travers le portrait d'une créature irrésistible et contradictoire.

« Les indociles », de Murielle Magellan, éditions Julliard, 19€, 234 pages 3/5