Milo Manara obsédé par Le Caravage

par
Nicolas
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Milo Manara, maître de la BD érotique, confirme aujourd'hui son amour pour l'Histoire de l'art en sublimant par son dessin précis et classieux la vie du Caravage. Le diptyque s'avère à la fois une déclaration d'amour à la peinture de l'artiste et une obsession pour sa vie romanesque.

Quand on lit cet album, on se dit que sa vie était celle d'un personnage de roman ?

« Tout à fait. Ou de bande dessinée d'ailleurs. Parce que sa vie fut avant tout une existence dans l'action. En plus d'être l'extraordinaire peintre que tout le monde connaît, Le Caravage était toujours prêt à se battre, l'épée en main. Dans la bande dessinée, on n'a pas le son, ni le mouvement pour pouvoir expliquer la psychologie d'un personnage. Il ne reste donc que l'action. »

Pour un dessinateur, raconter la vie d'un peintre constitue-t-il un défi ou un plaisir?

«C'est un plaisir et même une obsession. J'adore l'Histoire de l'art. J'ai deux ou trois peintres dont je suis vraiment fanatique, les baroques, comme Rembrandt, Rubens, Velasquez et Le Caravage bien sûr. J'ai essayé de m'en rapprocher le plus possible. J'ai cherché avec les outils de la bande dessinée à utiliser les styles du Caravage. Paradoxalement, il ne dessinait jamais de dessin préparatoire mais organisait sa composition dans la réalité avec les modèles, comme travaille aujourd'hui un photographe. J'ai essayé de faire le même parcours.»

Bien qu'il soit connu pour ses nus masculins, les femmes sont très importantes dans cet album?

«Il était interdit à Rome de faire poser des femmes. Seuls quelques artiste protégés pouvaient se le permettre. Mais Le Caravage a osé. C'est d'ailleurs pour son dernier tableau exécuté à Rome ‘La mort de la Vierge' que le peintre a été condamné à mort et est parti en exil.»

C'est d'ailleurs sur cet épisode que se termine ce premier tome...

«Hugo Pratt (l'auteur de Corto Maltese, ndlr) m'a toujours dit que pour écrire une bonne histoire, il faut commencer par la fin. C'est ce qui justifie toute l'histoire. Et j'ai fait exactement ça, en partant de ce tableau dramatique et émouvant.»

Avec dans ce tableau, la présence d'Anna Bianchini, modèle important...

«On sait en effet que c'est elle qui avait déjà servi de modèle pour la Vierge dans ‘La Fuite en Égypte'. Elle portait d'ailleurs la même robe rouge. Elle était aussi le modèle de ‘Madeleine repentante'. Cela s'est vraiment passé.»

Vous qui êtes connu en tant que dessinateur de la sensualité féminine, en quoi Le Caravage vous a-t-il fasciné?

«Le Caravage est un grand peintre de femmes. Elles ne sont pas nues, mais elles sont d'une sensualité et d'une présence incroyables. Elles sont très modernes.»

Nicolas Naizy

En quelques lignes

Connu pour avoir bousculé les canons de la peinture académique du 16e siècle, Michelangel Merisi, dit le Caravage (1571-1610), était surtout un homme libre, un peu brigand et aventurier. Cette personnalité obsède l'ouvrage de Milo Manara, qui s'est documenté tel un vrai historien de l'art. Tout en voulant se rapprocher du trait de l'artiste italien, le dessinateur du «Déclic» signe de magnifiques images tout en saisissant la personnalité décapante du peintre dès son arrivée à Rome, bagarreur et ami des prostituées. En soignant magnifiquement les décors, Manara évoque la présence d'une architecture qu'il a toujours ressenti dans l'œuvre du peintre, privilégiant pourtant les environnements sobres.

«Le Caravage - t.1: La palette et l'épée», de Milo Manara, éditions Glénat, 64 pages, 14, 95€ ****