Michael Kiwanuka regagne de l'assurance : «Je n'étais pas assez bon»

par
Nicolas
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Quand Michael Kiwanuka sort en 2012 son premier album «Home Again», sa fortune semble être faite. La BBC le bombarde Sound of the Year et Adele lui demande de partir avec elle en tournée. Toute personnes normalement constituée en viendrait à se mettre à planer, mais pas le Britannique de 29 ans. Plus encore, il a tellement perdu confiance en lui qu'il veut tout laisser tomber. Heureusement, le producteur Danger Mouse l'en dissuade et Kiwanuka présente maintenant son deuxième album, l'enchanteur «Love & Hate».

Avec une plage d'ouverture épique d'une bonne dizaine de minutes, Kiwanuka vous prend immédiatement par la peau du cou. «Cet album s'est un peu fait attendre, si bien qu'il m'a paru une bonne idée de marquer le coup», explique-t-il.

C'est faire preuve de beaucoup de culot, d'autant plus parce que vous étiez en dépression quand vous avez écrit cet album. Comment cela se fait-il ?

Michael Kiwanuka: «Toute la genèse d'un album est un passage encore difficile pour moi. Du coup, je me suis dit que je ne suis tout simplement pas assez bon. Avec mon premier album, j'ai eu aussi beaucoup de mal avec ça, mais personne ne me connaissait à l'époque ou attendait quelque chose de moi. Heureusement, mon assurance n'a cessé de grandir avec la réalisation de "Love & Hate". En soi, ce n'est pas mauvais qu'il y ait à chaque fois tout un effort à fournir. Il y a aujourd'hui tellement de musiques qu'il est difficile d'être entendu. Vous devez sortir du lot pour qu'on se souvienne de vous, et cela demande beaucoup d'énergie.»

Vous avez même été sur le point d'arrêter de faire de la musique. Qu'est-ce qui vous a fait changer d'avis à l'époque ?

«Lorsque je collaborais avec Danger Mouse (producteur Brian Burton, ndlr), je me suis à nouveau mis à jouir du fait de faire de la musique. Il m'a redonné confiance en moi, si bien que j'ai aussi trouvé une nouvelle voix. J'ai enregistré le disque dans son studio à Los Angeles, the Sound Factory. Je devais sortir de ma zone de confort et changer de décor. Je pouvais devenir quelqu'un de totalement différent. De plus, c'était un environnement très inspirant. L'intérieur du studio est entièrement décoré dans le style années 70, si bien que je me suis aussi aventuré dans cette période.»

«Love & Hate» est nettement plus sombre que «Home Again».

«Je n'ai pas volontairement choisi de faire un disque plus intense, mais la musique que j'écoutais à cette époque a eu une grande influence. Je passais régulièrement Isaac Hayes, Pink Floyd, The Who, Neil Young et, bien sûr aussi, Marvin Gaye. Les artistes d'aujourd'hui me parlent moins. Les sentiments présents dans la musique plus ancienne m'attirent encore toujours davantage. Bien que Kendrick Lamar et Frank Ocean ont aussi eu une grande influence. Je trouve également super la musique de Kanye West. J'ai aussi collaboré avec lui. Finalement il n'en est rien sorti. J'étais trop épaté et nerveux, j'en ai peur. Mais c'était une expérience formidable et Kanye est un type formidable.»

AFP / ANP / Ferdy Damman

Après le très bon accueil de votre premier disque et la victoire au BBC Sound of 2012, vous êtes devenu du jour au lendemain «l'étoile montante». Comment vivez-vous cela ?

«Ce n'était pas facile, mais je n'ai plus eu une minute à moi après le prix de la BBC. J'étais parfois dans trois pays différents par semaine et je prenais l'avion d'un pays à l'autre pour des émissions de télé et des concerts. J'étais toujours en mouvement et je n'avais pas le temps d'y penser et je ne sentais pas non plus la pression.»

Elle est venue plus tard. Vous avez déclaré que vous n'aviez pas autant de succès que d'autres musiciens britanniques, comme Jake Bugg ou Ben Howard. Pourquoi ?

«J'ai tout simplement moins de succès, certainement en Angleterre. Dans d'autres pays j'ai plus de succès, mais vous ne vous en rendez pas compte quand vous êtes chez vous. Dans mon propre pays je ne me débrouille certainement pas mal, mais des artistes comme Jake Bugg vendent plus de disques et passent dans de plus grandes salles.»

Quelle importance revêt ce succès à vos yeux ?

«L'authenticité est la chose la plus importante pour moi. Je ne pourrais pas faire de la musique que je n'aime pas pour avoir plus de succès. Mais je souhaite bien évidemment être reconnu et apprécié. Les artistes qui affirment le contraire mentent. Grâce à ce désir de succès vous faites tout pour faire de votre mieux. De ce fait vous travaillez encore plus dur pour trouver ces paroles, ce solo de guitare ou cette mélodie fantastiques. Je suis d'ailleurs en train de composer mon troisième disque. J'avais besoin de beaucoup de temps ces dernières années, mais je crois que le prochain album ne se fera pas attendre 4 ans. Cela dépend beaucoup de ma créativité, mais elle est toujours là et elle ne diminue pas avec l'âge.»

Vous le pensez vraiment ?

«C'est quand même le cas pour Stevie Wonder.» (rires)

Mais il a 66 ans et vous à peine 29 !

«Je ne veux pas prendre de risques et je veux faire de la musique le plus possible et aussi longtemps que possible. Mon objectif pour mon troisième disque est de trouver mon propre son.»

Heleen De Bisschop

«Love & Hate» est sorti chez Universal Music. Michael Kiwanuka sera le 07/08 au Dranouter festival et le 03/11 au Trix à Anvers.