Maxime Chattam se réinvente dans «Le Coma des Mortels»

par
Laura
Temps de lecture 5 min.

Après le déroutant «Que ta volonté soit faite», Maxime Chattam se lance un nouveau pari. Roman noir, humoristique et même philosophique, avec son «Coma des mortels» l'auteur français s'illustre dans un savoureux mélange de genres.

Humour, sexe, meurtres… On vous découvre ici un nouveau style de Chattam.

Maxime Chattam: «C'était le pari un peu fou. J'avais une espèce de ton un peu différent en tête. J'ai testé, ça m'a plu puis j'ai continué. Je me suis fait plaisir avec ce livre. Quand je l'ai terminé, je l'ai mis de côté pendant deux ans parce que j'avais un peu peur d'être parti dans une espèce de délire égoïste d'auteur. Puis je me suis dit qu'il fallait que je le sorte et que je l'assume puisque je l'aime et que ça m'a perturbé.»

Mais l'idée était encore plus lointaine…

«J'ai écrit un livre il y a 20ans qui s'appelait ‘Le Coma des Mortels' et que j'ai relu justement il y a trois ans. C'est comme ça que je me suis lancé dans l'écriture de cette version deux qui, à part le titre, n'a en réalité plus rien à voir.»

Vous dites qu'il ne s'agit pas d'un thriller, comment le définissez-vous?

«Ce n'est pas évident de le définir, c'est un roman à la lisière de différents genres. C'est un roman noir parce qu'il y a du mystère, des intrigues, des rebondissements et des surprises à la fin, il y a une enquête même si ce n'est pas une enquête policière. C'est un roman humoristique aussi parce qu'il y a un ton un peu étrange, décalé. Parfois c'est un roman érotique et presque philosophique.»

Autre nouveauté, vous commencez votre roman par la fin.

«Oui, quitte à faire un livre décalé autant aller jusqu'au bout. Même dans la structure il faut surprendre le lecteur, donc le livre commence par sa fin. J'avais envie de construire ce livre à rebours.»

On y retrouve cependant un thème récurrent: le mal et la part d'animalité chez l'homme. C'est un sujet qui vous obsède?

«Oui. En tout cas, c'est quelque chose qui me pose question. Je trouve que le questionnement du mal chez l'homme est passionnant parce qu'il est difficile d'en faire le tour. De livre en livre, j'ai le sentiment de décrypter un petit plus certaines mécaniques propres à l'homme. Là, en plus, je le fais sur un ton décalé, différent.»

Ça vous rassure sur vous-même?

«C'est faire un travail sur soi. Tous les êtres humains du monde ont une part d'ombre en eux, elle est plus ou moins large, connue, impactant le quotidien et consciente. La vraie question est de savoir si l'on a envie d'aller voir ce qu'est la part d'ombre que l'on a chacun en soi. Est-ce que l'on a envie de s'en servir? Si oui, comment? C'est le travail que je fais pour écrire ce genre de livre. J'ai puisé dans ma part d'ombre pour pouvoir mieux comprendre la part d'ombre de l'humanité en général.»

Comme dans l'ouvrage précédent, les références à Dieu ne manquent pas. Il trouve une place de choix dans la folie de vos personnages.

«En fait, c'est assez paradoxal parce que pour tout vous dire, moi, je suis quelqu'un de profondément athée (rire). Mais justement, je trouve que ça me permet d'avoir le recul nécessaire pour en parler parce que c'est un sujet qui me passionne et me fascine. Je ne cherche pas à faire du prosélytisme anti-religion, au contraire, je fais appel à la religion pour mieux comprendre l'homme.»

Pierre, votre narrateur, est un garçon perdu aux réflexions existentielles singulières. Y a-t-il une part de vos interrogations dans les siennes?

«Pas beaucoup. La vraie difficulté pendant l'écriture était de rester sans cesse dans sa tête à lui. Quand on écrit à la première personne, on finit presque par se projeter, s'identifier. Il fallait sans cesse que j'aille contre ça pendant l'écriture. Mon travail, à la relecture, a justement consisté à lisser tout ça. Donc je vous mets au défi de savoir ce qu'il pense et ce que moi je pense dans le livre parce que c'est très compliqué (rire)

Les personnages qu'il côtoie ont tous un travers malsain. C'est l'image que vous vous faites de la société actuelle?

«C'est un livre dans lequel j'ai donné la parole à tous les gens un peu décalés du monde (rire) et on se rend compte qu'ils sont nombreux. Je pense que ce n'est pas si éloigné de la réalité. Ce qui m'intéressait c'était de m'être en avant des singularités côte à côte.»

On a l'impression que chacun d'entre eux dissimule quelque chose. La recherche de la vérité est au centre de votre roman.

«Bien sûr, parce qu'aujourd'hui avec l'omniprésence des médias, internet, etc., on est dans cette quête permanente de la vérité comme s'il n'existait qu'une seule vérité. Nous vivons dans un monde qui repose sur un assemblage historique de petites vérités arrangées qui n'ont rien d'une vérité universelle et fondamentale. Si le lecteur veut une vérité unique, il doit aller la cherche dans le roman. Le narrateur va donner sa vérité à lui et pire que ça, on se rend compte à la fin du livre qu'il y a deux vérités possibles. C'est un livre de manipulation.»

Y aura-t-il une suite?

«Oui, j'ai une suite en tête depuis l'écriture en fait.»

Quels sont vos autres projets?

«Je vais terminer ‘Autre-Monde' et ensuite il y a un autre thriller qui est la suite de ‘La Conjuration primitive' et ‘La patience du diable'. J'ai aussi un roman fantastique d'horreur en tête que j'aimerais écrire. Après cela, j'ai encore un autre thriller que j'aimerais mener à son terme.»

En 2015 vous aviez modifié l'un de vos livres dont l'histoire ressemblait fortement aux attentats de janvier. Qu'en est-il aujourd'hui?

«Je l'ai modifié complètement. J'avais quasiment fait un peu plus de 500 pages du livre quand le 13 novembre dernier il y a eu les attentats à Paris. La nouvelle version de mon livre raconte l'attaque d'une salle de concert donc autant vous dire que j'ai abandonné le manuscrit. Je vais le retravailler parce que dans l'état, il n'est pas acceptable.»

En quelques lignes

Employé de bureau, Pierre plaque tout pour se retrouver au zoo de Vincennes à ramasser les excréments des animaux qu'il drogue en cachette. De rencontres étonnantes à de multiples expériences inattendues, sa nouvelle vie se trouve rapidement rythmée par le nombre de cadavres qui s'accumulent petit à petit autour de lui. Mais qui est donc responsable de toutes ces morts et pourquoi? Le sort semble s'acharner sur Pierre. Différent sur le fond, surprenant par sa forme, pour son nouveau roman, Maxime Chattam sort le grand jeu quitte à tenter un mélange de styles qu'on lui connaît peu mais qu'on apprécie tout autant.

«Le Coma des Mortel», de Maxime Chattam, éditions Albin Michel, 21,90€, 390 pages