Mathias Malzieu se livre sur sa maladie: "C'est l'album le plus intime"

par
Laura
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Après l'énorme succès de «La Mécanique du Cœur», roman ayant inspiré l'album du même nom puis adapté au cinéma, Mathias Malzieu reprend la plume. Atteint d'une maladie du sang, le chanteur de Dionysos se livre dans son «Journal d'un vampire en pyjama». Il composera en parallèle les chansons du disque «Vampire en pyjama» avec son groupe.

Comment allez-vous aujourd'hui?

Mathias Malzieu: «Je vais bien. Tous les taux sanguins sont revenus à la normale. J'ai le système immunitaire d'un enfant de 15 mois donc c'est encore en construction mais ça va quand même super bien

Comment se sont passés la composition des chansons et l'enregistrement avec le groupe?

M.: «J'ai commencé à faire des chansons après la première hospitalisation, la période où j'attendais un donneur. Là, j'ai écrit huit chansons. On les a enregistrées avec Mike, le guitariste, et Babet, à Paris, avant que j'aille en greffe de moelle osseuse pour qu'ils aient quelque chose de propre pour travailler.»

Babet: «On fabriquait les arrangements et dès qu'on pensait qu'on avait à peu près fini on lui envoyait sur sa base lunaire, dans sa bulle. On savait qu'il écoutait ça dans des moments très très durs pour lui. Pour nous, c'était une façon de toujours resté connectés à Mathias et de lui dire ‘On t'attend. Tu reviens. Nous, on est là, on continue à fabriquer des choses, tu guéris et l'année prochaine, tu nous rejoins.»

Ça vous a traversé l'esprit que cela puisse être un album posthume?

M.: «Oui, tout à fait. Sans le mystifier, sans être lyrique par rapport à ça. Si je le faisais, ce n'était pas en pensant que ça allait être un album posthume, mais pour me projeter pour la suite. Mais forcément si je n'y pensais pas, ça aurait voulu dire que j'étais dans le déni à 100%.»

B.: «Il y a même des bouts de voix de Mathias qu'on a gardés sur le disque avant qu'il aille à l'hôpital.

Finalement, il y a tout le processus de la guérison de Mathias sur le disque"

 

Dans votre chanson ‘Vampire en pyjama' vous dites «Dionysos est né deux fois». S'agit-il d'un album de la résurrection, d'un hymne à la vie?

M.: «C'est complètement ça. Pour moi l'idée, ce n'était pas de faire un livre, un disque et un concert sur une maladie. La maladie, c'est le méchant du film. La vraie question, c'est la renaissance et comment tu retrouves des ressources pour venir à bout de ça

Tout votre livre a été écrit durant votre maladie ou vous l'avez continué après?

M.: «Non, c'est un vrai journal. J'ai enlevé pas mal de choses parce que j'écrivais tous les jours mais je n'ai pas changé l'esprit. Qu'elles soient sur le ton de l'humour, de la poésie ou de l'enjeu vital, il y avait certaines choses où, je pense que dans la réalité, c'était trop. J'avais, d'un point de vue médical, du mal à nommer les choses. C'est venu dans un deuxième temps en allant mieux. C'est ce qui a généré aussi des nouvelles chansons, parce qu'entre-temps j'avais reçu les arrangements du groupe que je faisais aussi écouter aux infirmières, aux professeurs.»

On sent que vous avez été marqué par le personnel soignant. Vous souhaitiez lui rendre hommage?

M.: «Oui c'était important parce que je les ai trouvés impressionnants. C'est de l'explosif émotionnellement et moi, ça m'a beaucoup touché. C'est un vrai don, une vocation. Ce sont de vrais petits anges.»

Cela n'a pas dû être facile pour le groupe de s'approprier votre univers. S'agit-il de votre disque le plus intime?

M.: «C'est forcément l'album le plus intime

B.: «C'est le plus Dionysos aussi, j'ai l'impression, parce qu'on est tous allés chercher quelque chose de très personnel pour faire ce disque-là. Et en même temps on s'est vachement ouvert.»

M.: «Le but ce n'était pas forcément de se mettre à ma place. C'était que chacun, comme dans une équipe, dans son rôle, continue à faire circuler le lien humain mais aussi artistique et social. Je pense que si on n'avait pas fait toute cette démarche-là pendant 20 ans, quand arrive ce souci de santé, le groupe s'arrête.»

Pourquoi avoir repris le titre «I Follow Rivers»?

M.: «C'est une chanson que je jouais à une infirmière. Elle passait dans le couloir, elle tapait dans les mains quand elle m'entendait jouer de la guitare et moi je lui jouais le refrain. C'est devenu une petite blague. En plus, c'est une reprise qui ne parle pas des mêmes choses, elle a son histoire, tu le sais ou tu ne le sais pas. Sinon, ça a un côté un peu entracte et une petite légèreté.»

Il y a pas mal de chansons que l'on interprète différemment si l'on n'a pas lu le livre.

M.: «C'est ce que j'adore parce que du coup cela permet de rentrer dans le projet de manière complètement différente. Au début, quand j'ai fait le journal, je ne me suis pas dit que j'allais sortir les chansons qui vont avec. Pour ‘La mécanique du cœur' j'ai pris des éléments du livre pour en faire des chansons. Là, je n'ai pas pris des éléments du journal mais par contre, à force d'écrire le journal, et d'être dans cette rythmique, j'ai eu finalement envie d'écrire des chansons qui faisaient raisonner le reste. Donc, moi aussi en jouant les chansons, j'ai été chargé émotionnellement par ce que je vivais mais aussi par ce que je racontais dans le journal. J'aime bien cette idée qu'on puisse découvrir ‘Vampire de l'amour' avec le clip et qu'on se dise que c'est une petite chanson mignonne sur un mec qui est un peu trop amoureux, qui en paie le prix et puis que finalement on se rende compte que c'est autre chose que l'amour, que c'est aussi le sang. C'est valable pour d'autres. Et le concert va encore amener une autre dimension à ça.»

Votre vision de la vie a-t-elle changé depuis la maladie?

M.: «Elle n'a pas changé, je suis finalement le même mais en pire et en mieux. Tout est exacerbé: l'euphorie, l'hyperactivité, l'hypersensibilité, avec ses bons et ses mauvais côtés. Mais le truc où j'ai peut-être un peu changé, et qui me fait du bien, c'est que l'ego a été complètement détruit. Maintenant, c'est le désir, l'ultra présent, le plus que présent comme on dit avec Babet dans ‘Chanson d'été'. Je me suis rapproché de ça et ça fait du bien, ça fait voyager plus léger

Laura Sengler

Un vampire à la plume d'or

De la scène au lit d'hôpital il n'y a qu'un pas, Mathias Malzieu le sait mieux que quiconque. Le chanteur de Dionysos a dû troquer son micro pour un pyjama et une bataille inattendue contre la mort. Atteint d'une maladie du sang qui altérait sa moelle osseuse, il a repris la plume pour raconter son combat. Un témoignage poignant dans lequel il démontre une fois de plus son habilité à manier la plume et à nous transporter dans son univers à la Tim Burton avec une pointe d'humour dont lui seul a le secret.

«Journal d'un vampire en pyjama», Mathias Malzieu, Albin Michel, 240 pages, 18€ 4/5 (ls)

Dionysos «Vampire en Pyjama» (Sony Music)

Témoignage de l'épreuve traversée suite à l'hospitalisation de leur leader Mathias Malzieu, le huitième album de Dionysos est également leur disque le plus intime. Outre la reprise d'«I Follow Rivers», clin d'œil du chanteur à l'équipe médicale, les titres composés durant sa maladie prendront, intelligemment, un sens complètement différent à la lecture du livre. Une véritable renaissance pour Dionysos. (ls)