"Macaroni!", une BD sur l'immigration italienne

Depuis maintenant 60 ans, des liens forts unissent la Belgique à l'Italie. L'immigration italienne a fait tourner les mines belges et agite aujourd'hui nos souvenirs communs. Avec «Macaroni!», Vincent Zabus et Thomas Campi signent un dialogue entre un garçon et son grand-père taciturne.
par
Nicolas
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De quel matériel êtes-vous parti pour raconter cette histoire basée sur un contexte assez précis, celui de l'arrivée des Italiens dans les mines wallonnes ?

«J'avais surtout l'envie de parler d'un petit-fils et de son grand-père avec cette notion de transmission. J'ai donc eu l'idée de parler de l'immigration italienne pour deux raisons : j'étais entouré au théâtre par des amis et collègues descendants d'immigrés italiens et je les voyais tous très attachés à leurs origines. J'ai repensé au papa d'une amie qui avait eu une vie assez marquante, c'est un Italien qui était venu travailler dans nos mines. J'ai été l'interroger. C'est donc la vie d'Ottavio Rossetto qui est la matière première du ‘vieux chiant' de cette histoire.»

Pour le raconter, vous n'avez pas choisi la fresque historique...

«Je voulais parler d'une rencontre entre les deux personnages: ce garçon, qui a une vie bourgeoise, qui ne peut s'imaginer ce que son grand-père a vécu. J'essaie de construire des histoires à hauteur d'homme. Comme je ne suis pas issu de l'immigration italienne, je ne me sentais pas légitime dans une approche objective. J'aimais bien prendre ce témoignage de biais.»

Frappé par la maladie d'Alzheimer, ce vieil homme voit surgir des fantômes...

«Il est hanté par son passé: tous ces éléments qu'il n'a pas choisis, comme son départ en Belgique, et qui l'obsèdent. Son passé, qui lui donne tant de regrets, le visite. En bande dessinée, on recherche ce qui est visuel, que les images racontent en premier lieu. Cela servait les dessins de Thomas Campi qui voulait que les souvenirs n'aient pas de traits et que les couleurs soient un peu évanescentes pour souligner leur fragilité. Et donc si sa parole n'est pas livrée maintenant, il sera trop tard.»

Qu'est-ce que cette histoire vous a apporté?

«Moi-même j'étais comme Roméo (le jeune garçon de l'histoire, NDLR.). L'immigration italienne était pour moi presque quelque chose de folklorique sans savoir très bien dans quelles conditions nous avions accueilli ces gens. À l'arrivée, ils n'ont pas trouvé ce qui leur avait été vendu. Cela fait réfléchir aujourd'hui. Sans l'arrivée de ces personnes dans les mines, la Belgique aurait été beaucoup moins riche. C'est vrai pour l'immigration marocaine et turque également. Cela permet de poser un regard différent à travers la lorgnette d'un destin.»

EN QUELQUES LIGNES

Obligé de passer l'été chez son grand-père paternel qu'il ne voit pas très souvent, Roméo va découvrir un vieillard affaibli et taiseux. Jour après jour, il va pourtant mettre au jour les secrets du passé de son nonno : son arrivée en Belgique, la construction d'une famille déracinée et la rupture avec son fils. Ces sacrifices et actes manqués font partie de notre histoire qui ne tombe pas ici dans le mélo mais reste au plus proche de l'humain. Vincent Zabus signe un récit qui déverrouille le dialogue intergénérationnel porté par un dessin délicat et habile de Thomas Campi. Une bande dessinée à découvrir entre grands-parents, parents et enfants à l'heure des commémorations du terrible accident du Bois du Cazier à Marcinelle le 8 août 1956.

«Macaroni!», de Vincent Zabus et Thomas Campi, éditions Dupuis, 144 pages, 24€ ****

Nicolas Naizy