Kool Shen: "Je ne pensais pas encore rapper à 50 ans"

par
Laura
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Après s'être illustré au poker et au cinéma, l'ancien membre de NTM revient à ses premiers amours. À 50 ans, le rappeur engagé reprend sa plume acérée et sort son troisième album solo «Sur le fil du rasoir».

Dans une chanson de votre album, vous invitez votre public à «rester debout» face «au monde qui va mal». C'était une manière pour vous de réagir aux attentats?

Kool Shen: «C'est un morceau que j'aurais pu écrire autrement mais effectivement je pense qu'il n'aurait pas eu la même teneur et que je n'aurais peut-être pas trouvé les mêmes mots avant les attentats.»

On vous sent touché par plusieurs problèmes de société comme le chômage ou la crise.

«Je ne vais pas dire que c'est une empreinte mais depuis que j'ai 20 ans, un stylo dans les mains et que j'écris, c'est souvent pour raconter ce qu'il se passe autour de moi. C'est pour ça que le titre de l'album est «Sur le fil du rasoir». J'ai l'impression que personne n'a vraiment la maîtrise de quoi que ce soit. Niveau géopolitique, il ne me semble pas que les hommes politiques qui sont à la tête des pays soient vraiment des gens très très compétents. C'est ce que j'explique dans ‘La France est internationale'. Aujourd'hui, malheureusement, en France, il y a des gens qui commencent à se demander si le côté extrême ne serait pas la solution.»

Vous l'abordez d'ailleurs dans plusieurs chansons en le qualifiant de «bête immonde» face à laquelle il faut faire de la «résistance». C'est un sujet qui vous suit?

«Oui. On a écrit un morceau en 95 sur l'album ‘Paris sous les bombes' qui s'appelait ‘Plus jamais ça'. L'électorat du Front national était, pour ma part -peut-être que j'avais une vision un peu bornée –, composé de gens qui avaient des propos un peu nauséabondes et racistes. Malheureusement, on a l'impression qu'il y a des gens qui ne sont pas spécialement racistes qui commencent à adhérer aux thèses du Front national. Je trouve cela encore plus dangereux aujourd'hui. La dédiabolisation est quand même plus flippante.»

Dans une interview, vous expliquez que les textes des jeunes rappeurs reflètent souvent une société individualiste, communautariste et capitaliste. Sont-ils moins engagés?

«Ils n'en sont pas les uniques responsables. Quand j'avais 20 ans, la jeunesse était beaucoup plus politisée, moins individualiste, plus solidaire. Aujourd'hui, ils sont comme la société qu'on leur livre. Une société de paraître, de selfie, avec beaucoup de forme et un peu moins de fond. Ça se retranscrit dans leur façon d'écrire, dans leur façon d'être.»

Dans «Déclassé» vous parlez de votre âge, vous vous imaginiez rapper à 50 ans?

«Non puisqu'à l'époque, je disais de «Dernier round», sorti il y a 12 ans maintenant, qu'il s'agirait de mon premier et mon dernier album solo. Je ne pensais pas encore rapper à 50 ans. Comme quoi on dit des conneries parfois. Là, j'ai fait une pause de sept ans parce que j'ai eu d'autres passions mais l'envie m'est revenue.»

Vous vous sentez «déclassé, surpassé»?

«Pas du tout (rires). J'ai l'impression de faire un peu autre chose mais déclassé, non.»

Dans «Au pied de mon âme», vous dites ne plus «courir après les victoires».

«Plus trop. Pas par prétention mais je parle même dans la vie de tous les jours. J'ai toujours été challenger, aujourd'hui un peu moins.»

Vous avez révélé avoir refusé le rôle de coach dans le jury de la saison 1 de The Voice?

«Je ne me sentais pas légitime à ce poste. Je suis rappeur, pas réellement chanteur et puis ça ne m'intéressait pas plus que ça.»

Vous avez également débuté une carrière en tant qu'acteur, D'autres projets dans ce domaine?

«Oui, je viens de finir un film qui s'appelle «Réparer les vivants» (réalisé par Katell Quillévéré, ndlr), c'est sur le don d'organes. On a fini le tournage au mois de décembre. Donc ça devrait sortir dans l'année.»

Malgré votre séparation, le public a-t-il une chance de vous réentendre un jour aux côtés de votre ancien acolyte Joey Starr?

 «Un album avec mon ancien acolyte non mais sur scène pourquoi pas. Il ne faut jamais dire jamais.»

 

En quelques lignes

L'ex-membre de NTM revient avec un nouvel album solo. Posé, mature, engagé, plume aiguisée, à 50 ans il n'a rien perdu de son talent et propose un disque à l'opposé de celui de son ancien compère Joey Starr. Vie de chômeur dans «Edgar», Front national, crise, il fait le point sur la société qui l'entoure tout en s'offrant un duo avec Soprano. Sans jamais se poser en donneur de leçon, le monument des années 90 prouve une fois de plus qu'il n'a rien à envier aux jeunes générations, que ce soit sur le fond ou la forme. (ls)

Laura Sengler