Jeremy Irons au pays des superhéros avec "Batman v Superman: L'Aube de la Justice"

par
ThomasW
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Aujourd'hui, vous pourrez découvrir dans les salles comment se termine la bataille entre les superhéros les plus connus de l'univers. Mais hier encore, ‘Batman v Superman: Dawn of Justice' (‘L'Aube de la Justice') était top secret. Même Jeremy Irons, qui joue Alfred, le majordome et mentor de Batman, ne pouvait pas tout savoir au moment du tournage. «J'avais parfois envie de dire: eh, les gars, il ne s'agit pas de secrets d'état ici!»

Vous jouez Alfred, un rôle de serviteur, votre temps d'écran est donc plutôt limité. Que pouviez-vous savoir des scènes dans lesquelles vous ne jouiez pas?

Jeremy Irons: «J'avais bien reçu le scénario, mais sans la fin. Je ne pouvais pas la connaître. La production était très prudente avec les informations. Je n'avais pas reçu de copie papier du scénario, mais seulement une version digitale, verrouillée, via e-mail, pour que je ne puisse la partager avec qui que ce soit. Honnêtement, c'était un peu embêtant. D'autant que je ne suis pas aussi bon qu'Alfred avec la technologie, loin de là. (rires) Parfois, j'avais l'intention de travailler quelques heures sur le scénario dans la soirée, mais le soir tout d'un coup, je n'arrivais plus à ouvrir le fichier parce que le mot de passe était déjà périmé... Je devais alors appeler quelques personnes, et avant que tout ne soit à nouveau en ordre, je n'avais plus de temps, et cela devait à nouveau attendre une semaine. Parfois j'avais envie de dire: “Eh, les gars, il ne s'agit pas de secrets d'état ici!” Même si je comprends quand-même pourquoi ils prennent tant de précautions: il y a sur internet un immense intérêt pour des films comme ‘Batman v Superman', une fuite pourrait donc être catastrophique.

Henry Cavill (Superman) et Ben Affleck (Batman) enchaînent les scènes d'action. Vous, vous restez tout le temps assis derrière un bureau dans la Batcave. Ne les avez-vous jamais enviés?

Oh non, ils pouvaient les avoir! Les scènes d'action sont très dures pour les acteurs, et surtout très ennuyeuses. (rires) Actuellement, ces scènes sont presque intégralement réalisées par ordinateur: Henry Cavill était là, quasi tout le temps, tout seul devant un écran vert. Les jours où je venais tourner mes scènes avec Ben, je voyais Henry tous les matins se diriger vers son studio. Je me disais: “Le pauvre”. Jouer la comédie, c'est communiquer et travailler avec d'autres personnes. Mais pour ces scènes d'action, vous êtes tout le temps tout seul avec le réalisateur. Dans le temps, heureusement, c'était différent: dans ‘Die Hard with a Vengeance' (‘Une journée en enfer') nous avions encore, par exemple, des partenaires en chair et en os. (rires)

Que dit ‘Batman v Superman' entre toutes les scènes d'action sur le monde dans lequel nous vivons?

Superman symbolise dans ce film une sorte de pouvoir d'état universel. Et Batman représente, quant à lui, les gens qui ne sont pas d'accord, qui veulent du changement. Cette confrontation est très actuelle aussi dans le vrai monde. Regardez Donald Trump: il joue sur l'impuissance que ressentent beaucoup de gens. Il dit: “Je vais changer ceci et cela”, il fait un doigt d'honneur à l'establishment. Je pense que l'attrait de ce film vient de ça aussi: le public peut être Batman pendant deux heures et demie – quelqu'un qui peut tout résoudre, qui peut voler, qui va redresser tout seul la situation. Grâce à ce film, tout le monde peut se sentir superhéros pendant un moment.

Dans votre carrière, vous avez joué dans de nombreux films art house audacieux. Mais ce genre de cinéma a de plus en plus de difficultés, du fait entre autres que les gros budgets sont engloutis par des films de superhéros. Ne vous sentez-vous pas un peu hypocrite de jouer vous-même dans un tel méga-blockbuster aujourd'hui?

Non. Je vois ce film comme une bouée de sauvetage. En tant qu'acteur, vous aimeriez par-dessus tout choisir vos rôles pour des raisons purement artistiques: parce que l'histoire, le personnage ou le réalisateur vous parlent. Mais vous devez aussi être un businessman. Je suis bien conscient que cela booste mon profil de jouer dans un film formidable comme ‘Batman v Superman', qui va atteindre un très large public. Et ça, c'est important, car si ma valeur augmente, cela signifie aussi que certains petits films auxquels j'associe mon nom, trouveront beaucoup plus facilement de l'argent. Attention, je ne me préoccupe pas trop de ça non plus. Certains acteurs, par exemple, se focalisent énormément sur leurs réseaux sociaux, car cela leur permet de décrocher des rôles plus facilement. Les gens sont de plus en plus souvent choisis en fonction de leurs suiveurs sur Facebook. Si deux jeunes acteurs sont en compétition pour un rôle – un avec 10.000 suiveurs et un avec 100.000 suiveurs – les studios choisiront automatiquement le second, car il rapporte plus de publicité gratuite. Mais je ne veux vraiment pas m'occuper de ce genre de choses.

Cinq autres films dans lesquels vous jouez sortent cette année. Et cela, alors qu'on vous a très peu vu ces trois dernières années. Aviez-vous envie de travailler un peu plus?

Non, c'est le contraire! Je veux justement travailler moins. Mais, par hasard, j'ai reçu ces dernières années quelques très belles propositions, que je ne pouvais pas refuser.

Pourquoi voulez-vous travailler moins?

Parce que je me rends compte que la vie devient de plus en plus courte. Au fur et à mesure que vous vieillissez, vos priorités commencent à changer un peu. Je veux maintenant passer plus de temps avec ma famille. Je veux faire plus de voile, faire des choses que j'aime faire. En outre, financièrement parlant, je n'ai plus vraiment besoin non plus de travailler tout le temps. Cela me permet de ne choisir que les rôles qui m'intriguent vraiment.

En quelques lignes

Faut-il se faire du souci pour la santé du réalisateur Zack Snyder? A entendre ‘Batman v Superman: ‘Dawn of Justice' (‘L'Aube de la Justice'), l'homme est en effet en train de devenir complètement sourd. Aux mains de Snyder, les deux heures et demi d'affrontements entre l'Homme de Fer (Henry Cavill) et le Chevalier Noir (Ben Affleck succède ici à Christian Bale) donnent à peu près ceci: BAAAM CRRRAAAAAC SHHHHCCCRRRRIIIIIIEEEK RRROOOOOO. Amusant pour une bulle de comics, mais au cinéma c'est une véritable atteinte à l'ouïe. ‘Batman v Superman' commence pourtant bien, avec un flashback rappelant la fin de ‘Man of Steel': cette fois, nous voyons à travers les yeux de Bruce Wayne comment Superman et le Général Zod réduisent Metropolis à un tas de gravats. L'affrontement est aussi destructeur qu'un 11-Septembre, Ground Zero inclus. Très vite, un débat s'engage sur le rôle de Superman: est-il un ange gardien de l'humanité, ou un alien tout-puissant qui pourrait nous éradiquer en claquant des doigts?

Batman – plus dépressif et furieux que jamais avec la moue boudeuse permanente d'Affleck – se range clairement dans le second camp. Cela aurait pu donner un cinéma intéressant, mais pas avec Zack Snyder aux commandes. L'atmosphère sombre que Christopher Nolan avait installée dans son excellente trilogie ‘Dark Knight', verse ici dans le pompeux indigeste et la gravité presque ridicule. Le méchant Lex Luthor est le seul sensé apporter une note plus légère, mais l'interprétation d'Eisenberg est terriblement irritante. Il semble vouloir imiter la folie du Joker de Heath Ledger, mais cela se limite à des tics et des sons trop flagrants. La mise en scène et la chorégraphie de certaines scènes d'action sont impressionnantes, mais vu que Snyder martyrise nos sens quasi tout le temps, nous étions vite trop groggy pour les apprécier. La musique de Hans Zimmer et Junkie XL ne cesse d'aller crescendo, elle aussi – ‘Carmina Burana' est comme une berceuse à côté. Ce film est l'équivalent filmique d'une épreuve de monster truck, de football américain et de catch à la fois. Nolan nous faisait utiliser notre tête, Snyder nous donne des maux de tête.

2/5