Jean-Paul Lespagnard: Eggs à la mode

par
Pierre
Temps de lecture 4 min.

Le Chocolatier Galler fête son quarantième anniversaire. Pour marquer le coup, il s'est associé au créateur de mode Jean-Paul Lespagnard. Ce dernier a reçu carte blanche pour créer une série d'œufs de Pâques métalliques à sa façon toute personnelle et surréaliste. Le résultat est un «œuf patchwork» bourré de petits œufs en chocolat. Voilà une bonne excuse pour Metro pour rencontrer le génie de la mode liégeois.

Comment avez-vous été embarqué dans cette aventure des œufs de Pâques?

"C'est Jean Galler qui a souhaité me rencontrer et j'étais très curieux d'entendre sa proposition. Non seulement parce que nous sommes tous les deux originaires de Liège, mais aussi parce que son nom me fait penser à ma jeunesse. Dès que j'avais un peu d'argent de poche, j'achetais ses chocolats."

Cela a donc tout de suite collé avec Jean Galler?

"Absolument. Quand il m'a montré sa chocolaterie, j'ai vu qu'il était parvenu à combiner l'artisanal et l'industriel. Cela m'a convaincu. Faire quelque chose de haute qualité et diffuser quand même à grande échelle, je trouve ça sublime. Savez-vous que Galler, après Milka, est le deuxième plus grand distributeur d'œufs de Pâques?"

Qu'avez-vous créé?

"J'ai fait des recherches sur les traditions pascales. Le résultat est un emballage métallique inspiré des œufs de Pâques roumains traditionnels. L'«œuf patchwork», doté de trois parties amovibles au décor géométrique, permet 27 modèles différents. Le but est d'en faire un objet de collection que l'on peut garder en souvenir."

Vous avez aimé créer dans le secteur alimentaire?

"J'adore être inspiré par la nourriture. Je suis créateur de mode, mais je ne pars pas d'une mode vestimentaire, je pars d'un mode de vie."

Votre toute dernière collection «Cheese on fleek» s'inspire de la nourriture. D'où provient son intitulé?

"Cheese on fleek veut dire en langage branché «fromage à point». Lors d'un voyage d'étude au Mexique j'ai fait la connaissance d'une communauté religieuse qui produit le meilleur fromage du pays. Je me suis aussi inspiré des Cholombianos, un groupe de jeunes qui fait de la musique électro. Ce sont deux extrêmes qui ne se parlent jamais, pas plus qu'ils ne se rencontrent, mais je les rassemble. J'ai en d'autres mots inventé une histoire sur une rencontre entre des fromagères mexicaines et un streetband."

Vous aimez les sous-cultures?

"Oui, c'est exact. C'est une forme d'exotisme. On part toujours à l'étranger pour découvrir quelque chose de nouveau, mais il ne faut en fait pas aller aussi loin. Les gens de votre propre ville ont souvent des choses à offrir que vous ne connaissez pas encore. Quand j'ai présenté à Paris ma collection inspirée des Gilles de Binche, le public français a trouvé ça incroyablement exotique. Et pourtant ça vient tout simplement du Nord! (en riant)"

Et dans votre atelier bruxellois vous êtes aussi en contact avec d'autres cultures?

"Des personnes ayant des backgrounds différents travaillent dans notre studio. Mon graphiste vient du monde du Street art. Ma patronnière crée des costumes pour le chorégraphe Wim Vandekeybus, des vêtements en mouvement donc. Et quand je me promène en rue, j'observe les personnes âgées. Ce n'est peut-être pas vraiment une sous-culture mais, en tant que créateur de mode, c'est quand même intéressant de les observer."

Vous avez aussi été approché par la marque automobile Jaguar, comment considérez-vous le luxe?

"Je n'aime pas le luxe pour le luxe. Jaguar m'a approché pour son tout nouveau modèle XE, une voiture de luxe plus accessible. C'est même amusant que Jaguar m'ait contacté au moment où je me représentais mes vendeuses de fromages mexicaines en train de se déplacer en Jaguar! Le timing parfait donc."

C'est le destin?

"Je crois dans le destin."

La Jaguar était-elle aussi verte comme une grande partie de la collection?

"Je voulais un vert acide, une couleur sportive, explosive. Tout le monde connaît le vert foncé de Jaguar, mais comme ils veulent maintenant s'adresser à un public plus jeune j'ai proposé cette nouvelle couleur."

Lespagnard est donc aussi un peu Jaguar?

"Oui, je roule en Jaguar. Et votre question est amusante car je porte justement aujourd'hui un pull avec une Jaguar. (en riant)"

Vous avez travaillé avec Eastpak, Jaguar, et maintenant aussi Galler. Y a-t-il encore de grandes maisons sur votre wishlist?

"Oui, mais je ne peux pas en parler pour l'instant. De nouvelles choses se préparent. La collaboration avec Galler dure depuis une année déjà. Il y aura aussi une édition de Noël."

Ambitionnez-vous de remplacer Raf Simons chez Dior?

"Non, cette maison est trop grande. Il y a tellement de marques qui me contactent. Mais je peux me permettre le luxe de refuser. Si le projet m'intéresse et me motive, je suis très désireux de collaborer. Mais s'ils veulent seulement mon nom sur une boîte sans création, alors je ne le fais pas. Mon core business, c'est la mode, s'ils demandent ma collaboration, cela doit m'inspirer et m'exciter au niveau créatif."

Mais l'étranger vous fait de l'œil?

"Nous travaillons à une expansion internationale. Ce n'est encore que le début."

Et votre nom se vend facilement?

"Je pense que Ann Demeulemeester est plus difficile à prononcer que Lespagnard. (en riant)"

Qui est Jean-Paul Lespagnard?

Le créateur belge Jean-Paul Lespagnard (1979) est un ex-gogo-danseur, amateur de tatouages et de culture de masse. Quand il a présenté sa première collection en 2011, la journaliste de mode Suzy Menkes l'a encensé dans le NY Times pour ses «coupes exceptionnellement intelligentes, ses vêtements transformables et ses imprimés intrigants». Depuis, il a raflé plusieurs prix dans le secteur de la mode et de grands labels lui ont demandé de collaborer.