Dan Gagnon n'en fait qu'à sa tête

par
Jerome
Temps de lecture 5 min.

Québécois avant de devenir officiellement Belgo-québécois, Dan Gagnon n'a pas eu peur d'ouvrir lui-même les portes. C'est ce qui lui a permis de s'offrir un Cirque Royal complet en 2012 en étant un quasi-inconnu, avant de proposer à la RTBF un concept qui lui tenait à cœur, un Late Show. Deux ans plus tard, l'émission tourne toujours aussi bien, mais l'humoriste n'oublie pas les planches.

Cela fait exactement deux ans que tu as lancé le Dan Late Show. Quel bilan en tires-tu ?

« Mon père me disait : ‘Les journées sont longues mais les années passent vite'. Je crois que je me souviens de la préparation de chaque émission. Et au final, on a quand même reçu près de 250 invités dont près de 200 Belges. Tout le monde a quelque chose à raconter et, même si l'émission durait 50 ans, on ne pourrait pas tous les avoir. Je me sens d'ailleurs plus privilégié aujourd'hui qu'au début. Là, je reviens d'une réunion et je me dis : ‘Ah c'est quand même cool de recevoir celui-ci et celui-là'. Je dois juste m'asseoir et causer avec des gens qui m'intéressent. »

Des moments plus marquants que d'autres ?

« Par exemple, Bouli Lanners est l'une des personnes que j'aime le plus au monde. Dans les coulisses ou devant les caméras, c'est toujours la même personne. Je me souviens aussi de Frédérique Bel. On parlait d'une cause qui lui tenait à cœur. Et je lui dis : ‘C'est quand même cool de recevoir quelqu'un qui ne se sente pas obligé de faire une vanne ou un cumulet'. Elle me répond : ‘De toute façon, je ne pourrais pas, je n'ai pas de culotte. Vous voulez voir ?' Et là, elle se lève, elle tourne et se rassoit. Ca a duré une demi-seconde et tous les sites people français l'ont repris. Je trouvais bizarre qu'ils fassent du buzz avec ce court instant. Durant l'interview, elle me disait qu'elle utilisait son corps comme cheval de Troie en me disant ‘Les gens sont cons, ils vont buzzer sur n'importe quoi'. Je me souviens très bien d'Eddie Izzard qui était sans doute, en Belgique, le moins connu des invités, mais qui remplit le Hollywood Bowl à Los Angeles. Un humoriste fascinant et de loin la plus grosse star de l'émission. »

Et des invités qui vous stressaient un peu plus ?

« Oui mais ça n'avait rien à voir avec le niveau de starification. C'est toujours en fonction de la connexion avec la personne. Parfois l'interview ne marche pas bien. Comme par exemple Dick Rivers. En général, tu veux atteindre un certain niveau d'intimité avec l'invité. Mais dès le début de l'interview, je le sentais un peu inquiet pour son image, pas trop à l'aise, alors qu'il a une carrière de 200.000 ans. Et pour casser cela, c'est toujours à quitte ou double, un peu comme quand tu dragues. Et là, Dick Rivers avait les cheveux d'un noir profond. Je n'arrêtais pas de loucher dessus, et à un moment on se dit: ‘Vos cheveux…' – ‘Quoi mes cheveux ?' – ‘Ils sont… euh… noirs. C'est quoi votre truc ?'. Et c'était la question la plus naze du monde. Il y a eu comme un malaise. Mais bon, j'ai déjà eu pas mal de bides en faisant du stand-up et je sais qu'on peut toujours se rattraper, surtout en télé. »

Cette idée de Late Night et de stand-up, c'est votre culture américaine que vous avez importé en Belgique.

« Ce n'est pas conscient, mais oui clairement. Je suis un grand fan de Woody Allen qui disait qu'il a passé sa vie à faire des films qu'il aimait regarder étant petit. Et moi, j'adore le stand-up. Par ailleurs, je ne suis pas un super fan de télé mais j'ai toujours adoré les Late Show. Quant à ma web-série ‘Presque Normal', j'y fais de l'humour très comédie à l'américaine. En fait, ici, les gens ne vont pas te prendre pas la main, mais si tu veux faire un truc, tu peux. J'ai toujours fait ce que je voulais. J'avais voulu faire le Cirque Royal alors que j'étais encore un total inconnu. On m'a dit : ‘Oh ! C'est bizarre mais ok, on va aller voir ce que ça donne'. C'est ça que je trouve fabuleux dans ce pays. Beaucoup de gens se plaignent d'un manque de dynamisme, et pourtant tu peux faire ce que tu as envie. Mais on m'a peut-être laissé faire beaucoup de choses parce que j'étais un nord-américain. »

C'est quoi tes références ?

« Mon humoriste préféré est Louis C.K. Quand il était jeune il finançait ses court-métrages avec son stand-up. Il a été le premier à faire un spectacle en mettant en vente les places à 5$ sur son site, et il a reçu un million en une semaine. J'aime aussi beaucoup Mitch Hedberg qui faisait que de la ‘One-Line', c'est-à-dire ‘prémice-chute'. Pour le rythme et l'énergie, Chris Rock, et pour l'écriture, évidemment Seinfeld. »

Tu as d'abord écrit sur le clash des cultures entre Québec et Belgique. Qu'est-ce qui t'inspire aujourd'hui ?

« Le plus difficile a été d'écrire le deuxième spectacle en évitant un ‘Vous les Belges 2'. Et donc, je me suis mis à parler de moi, des sujets de base : l'amour, la mort, les enfants. Je raconte, par exemple, comment ma grand-mère a été choisir son cercueil. En fait, ce qui est intéressant, ce sont les failles et les faiblesses, le reste est du vernis et de l'image. Quand j'arrive à trouver un point sensible et de le rendre marrant, j'ai l'impression d'être utile. En fait, j'ai fait une dépression cette année. Et j'avais vu que Selah Sue avait écrit un long truc sur ce sujet. Ca me semble un super sujet pour un prochain spectacle. Un vrai beau truc utile et qui a du sens. Raconter l'histoire d'un gars pour qui la vie est belle et qui malgré tout fait une dépression, voilà qui est un bon sujet. »