Charlize Theron: "J'ai toujours été fascinée par les tueurs en série"

par
Laura
Temps de lecture 6 min.

Il faudrait plus d'actrices comme Charlize Theron. Egérie de Dior, elle n'a pourtant pas peur de se montrer sous son jour le moins flatteur au cinéma: du point de vue physique –à commencer par son interprétation dans ‘Monster'-, mais aussi du point de vue du caractère, comme dans ‘Le Chasseur et la Reine des Glaces' (‘The Huntsman - Winter's War'). Elle y joue pour la deuxième fois déjà la cruelle reine Ravenna, une femme à l'âme très noire. Dans la vraie vie, Theron ne se laisse pas faire non plus. Pour cette suite de ‘Blanche-Neige et le Chasseur' elle a exigé –et obtenu– le même salaire que son collègue masculin Chris Hemsworth.

Jouer un personnage aussi profondément mauvais, cela vous procure-t-il du plaisir?

Charlize Theron: «Absolument! C'est un régal de pouvoir sortir des sentiers battus. C'est un peu plus facile dans le cadre d'un film fantastique, dans un monde augmenté où la magie existe, que dans un film réaliste qui se passe ‘ici et maintenant'. C'est donc une opportunité qui ne se présente pas si souvent

La méchante reine est, bien sûr, un personnage de conte de fées iconique, mais comment lui avez-vous donné sa personnalité ici?

«Cette image iconique de la Méchante Reine du dessin animé ‘Blanche-Neige' était un peu limitative au début. J'ai voulu chercher un point d'ancrage dans la réalité, une référence pour sa personnalité. Et c'est comme ça que j'ai pensé aux tueurs en série. (rires) J'ai toujours été très fascinée par les tueurs en série. Les sciences comportementales me passionnent énormément: la façon dont fonctionne notre cerveau, pourquoi nous faisons certaines choses. Au restaurant, je peux parfois passer des heures à regarder des gens, je ne m'en lasse pas. Oui, je suis ce terrifiant voyeur tapi dans un coin. (rires)»

Mais quel rapport exactement entre les tueurs en série et votre personnage?

«Dans le premier film, on voit Ravenna qui tue une série de jeunes filles pour absorber leur beauté. Cela m'a tout de suite fait penser aux tueurs en série: ceux-ci pensent aussi pouvoir se prendre pour Dieu. C'est horrible, mais tout de même fascinant d'une certaine façon

Recherchez-vous aussi ce que vous avez en commun avec votre personnage?

«Je dois dire: je n'ai encore jamais joué un personnage auquel je ne pouvais m'identifier d'une manière ou d'une autre. Je ne sais pas comment on peut jouer un rôle autrement. Il y a, bien sûr, des moments où je méprise totalement Ravenna, mais j'essaie aussi de m'imaginer en même temps quelles étaient les circonstances qui ont fait d'elle ce qu'elle est. Pas pour justifier ce qu'elle fait, mais pour quand même parvenir au moins à une sorte de compréhension. Une fillette qui est enlevée à sa famille à l'âge de 8 ans et mariée à un roi, pour être ensuite écartée à 13 ans parce qu'elle est trop vieille... Cela doit laisser des traces. Je trouvais important de comprendre cela. En outre, j'apprécie tout de même le sens de l'humour de Ravenna. (rires) Un humour très noir. J'aime bien ça.»

Etes-vous aussi empathique dans la vraie vie?

«Vous savez, dans le confort de cette belle chambre d'hôtel, je ne peux pas dire tout simplement: ‘Je ne ferais jamais ce que cette personne a fait.' C'est trop facile. Ce n'est que lorsque vous êtes vraiment à la place de quelqu'un -dans les mêmes circonstances et avec les mêmes problèmes-, que vous pouvez savoir avec certitude ce dont vous seriez capable. Cette leçon je l'ai apprise en faisant ‘Monster' (le film de 2003 où Theron incarnait la tueuse en série Aileen Wuornos, rôle pour lequel elle reçut un Oscar, ndlr.). Tout le monde qualifiait cette femme de monstre, mais plus j'apprenais à la connaître, plus je me rendais compte que la plupart d'entre nous avons tout simplement énormément de chance de ne pas devoir vivre les mêmes malheurs qu'elle.»

Fin 2014, des hackers nord-coréens ont volé des secrets d'entreprise des studios Sony. On a ainsi appris que, pour ‘Blanche-Neige et le Chasseur', vous étiez payée beaucoup moins que Chris Hemsworth. Pour cette suite, vous avez exigé -et obtenu- le même cachet. Pourquoi avez-vous décidé de taper sur la table?

«Je ne trouve pas facile de parler de ça, car je me trouve dans une position très privilégiée évidemment. Mais si je me sens traitée de manière injuste, je ne peux pas laisser passer ça sans rien faire -car c'est ça l'objectif du féminisme en fin de compte: la justice. Jennifer Lawrence le décrit parfaitement dans sa lettre ouverte sur l'égalité de salaire. Lorsqu'on sait que les talents féminins ne sont parfois payés que la moitié de leurs collègues masculins, il y a de quoi se mettre en colère, non? Maintenant, je réalise parfaitement que 90% des actrices n'ont pas le luxe de vraiment se rebeller dans ces cas-là. Car, si elles ne veulent pas travailler pour ce salaire, le studio donne tout simplement le rôle à quelqu'un d'autre. Cela arrive constamment. Et c'est là le problème. Je dois dire honnêtement que je n'ai pas ce souci: je gagne très bien ma vie, je ne dois jamais craindre que mes enfants aillent se coucher en ayant faim. Mais pour beaucoup d'actrices, cela intervient en revanche: elles doivent payer les factures, elles doivent donc travailler. Elles ne peuvent pas refuser comme ça un rôle parce qu'elles sont moins payées que les hommes sur le plateau. Et c'est ainsi que l'inégalité perdure tout simplement. C'est terrible.»

Votre combat est-il perdu d'avance, alors?

«J'ose espérer que non. Je crois du plus profond de mon cœur que nous pouvons changer les choses en les nommant. Regardez, nous sommes tout de même en train d'aborder le sujet maintenant. Si c'est la conséquence de ce foutu Sony hack, then God bless the North-Koreans! (elle éclate de rire) Mon Dieu, je ne peux pas croire que je viens de dire ça!»

Miroir, miroir, dis-moi: qui est l'actrice la plus forte du paysage cinématographique? Charlize Theron, Emily Blunt et Jessica Chastain, toutes les trois entrent en ligne de compte pour le titre. Mais leurs talents réunis ne sont pas une garantie de réussite, comme le prouve ‘Le Chasseur et la Reine des Glaces' (‘The Huntsman: Winter's War', à la fois préquelle et séquelle de ‘Blanche-Neige et le Chasseur'. Ce film avait rapporté beaucoup d'argent, et les personnages -sauf, singulièrement, Blanche-Neige elle-même- sont donc recyclés dans un deuxième film. Ce besoin irrépressible d'exploiter davantage un produit à succès est la pomme empoisonnée d'Hollywood. Dès le départ, il est clair que les scénaristes ne savent pas très bien comment ils vont remplir à nouveau tout un film. Au lieu de raconter une seule histoire, ils en racontent deux. D'une part, celle du Chasseur (Chris Hemsworth) et de sa petite amie Sara (Chastain), qui sont formés par une Reine des Glaces au cœur brisé (Blunt), pour devenir des machines de guerre -les analogies avec des recruteurs extrémistes sont évidentes, mais ne sont pas approfondies. D'autre part, celle de la Reine des Glaces et de sa sœur manipulatrice, la maléfique Ravenna (Theron). Aucune des lignes narratrices ne quitte les sentiers battus -nous avons vu de pâles copies de ‘Frozen', ‘Game of Thrones' et ‘The Lord of the Rings'-, et le film dans son ensemble manque de rythme et d'intérêt.2/5