Bernard Minier nous plonge dans son nouveau thriller «Une putain d'histoire»

par
ThomasW
Temps de lecture 4 min.

Comment se sent un adolescent en quête de son identité? Un adolescent qui déménage très souvent et qui ne connaît pas sa famille biologique? C'est dans un univers intriguant que nous plonge Bernard Minier avec son nouveau thriller «Une putain d'histoire».

Votre personnage principal est un adolescent pas comme les autres. Pourquoi ce choix?

«Moi aussi quand j'étais enfant, je notais chaque mot nouveau. Je connais aussi beaucoup d'adolescents qui ont un vocabulaire assez étendu, qui ont une curiosité. En même temps, Henry a une grande liberté de langage. Il a une histoire qui se traduit par le titre du livre lui-même. Par ailleurs, je voulais que mon adolescent soit très contemporain mais qu'il ait aussi cette ossature-là pour réagir aux situations auxquelles je le confronte.»

Il est également fan de Nirvana.

«Bon, ce n'est peut-être plus le cas des jeunes de Seattle. Mais dans cette région, il y a le musée de la musique et du rock and roll. Je pense que les adolescents de Seattle s'imprègnent toujours de cette culture. Puis, Nirvana, c'est ‘Smells like teen spirit', c'est la révolte, la rébellion. Cela donne une coloration particulière au récit.»

Est-ce difficile d'imaginer le portrait d'un adolescent?

«Oui bien sûr, surtout quand on a, comme moi, 54 ans… Néanmoins, j'ai puisé dans mes souvenirs d'adolescence. Toutes les adolescences ont un trait commun, quelle que soit l'époque: cette rébellion, ce besoin de liberté et d'émancipation. Ce qui est nouveau par rapport à mon époque, ce sont les nouvelles technologies. Les enfants sont connectés en permanence. Nous, quand nous rentrions chez nous, le foyer était un refuge, une espèce de coupure par rapport à la vie sociale que l'on avait avec les autres. Aujourd'hui, l'adolescent, même chez lui, a encore la pression du groupe sur ses épaules.»

Henry est quand même le seul ado qui n'a pas de photo de lui sur Facebook.

«Il a un profil anonyme. Mais en réalité, cela arrive sous la pression de ses deux mamans. On comprend bien qu'il y a un secret derrière tout ça. Lui-même ignore pourquoi il n'a pas le droit de communiquer et d'apparaître sur Facebook. Le lecteur comprend au fur et à mesure ce qu'en sont les raisons. Au début du roman, il y a cette image des orques, qui montre d'un côté les orques sédentaires et de l'autre les nomades qui vivent seules. Henry, qui a beaucoup déménagé, est une orque nomade. Il a ce côté solitaire qui est, en plus, entretenu par le fait qu'il ne peut pas se montrer sur les réseaux sociaux.»

Votre intrigue est située à Seattle. Pourquoi?

«Pour plusieurs raisons. Je voulais tout d'abord rendre hommage à mes lectures de jeunesse, à ces auteurs d'Amérique du Nord pour qui la jeunesse est un mythe. Je pense notamment à Stephen King et Salinger. Ensuite, en dehors de la Californie, Seattle est la ville la plus avant-gardiste en matière d'internet et de nouvelles technologies. C'est la ville d'une partie de Google, d'Amazon, de Microsoft, d'Adobe. Et comme l'informatique est l'un des sujets du livre… Par ailleurs, quand on sort de Seattle, il y a cette nature sauvage aux alentours de la ville, avec ces centaines d'îles. Je voulais situer mon intrigue sur une île. Physiquement, l'île est le symbole opposé à cette surveillance globale qui est exercée aujourd'hui sur l'ensemble de l'humanité par la NSA et ces systèmes de surveillance très intrusifs et inquiétants. L'île, c'est l'inverse: c'est l'endroit où physiquement nous sommes coupés du reste du monde. Mais aujourd'hui, cette coupure physique n'existe plus car même eux sont sous les objectifs de tous ces systèmes.»

Pourquoi avoir voulu parler de ce sujet de protection de la vie privée et d'internet?

«L'idée m'est venue en 2013 quand l'affaire Snowden a éclaté. D'ailleurs, l'intrigue du livre se passe en 2013. Cette affaire m'a profondément marqué. Aujourd'hui, les États-Unis et d'autres ont les moyens technologiques pour espionner quasiment la totalité de l'humanité. Je me suis dit que c'était un sujet qu'il fallait absolument aborder.»

Vous allez repérer à chaque fois les lieux?

«Un peu comme un cinéaste, je fais des repérages. J'imagine à peu près l'endroit où je veux aller. Et puis, je découvre. À chaque fois, je réinvente les lieux, me les recrée. L'île fictive de ce roman, je l'ai construite à partir de plusieurs îles réelles de cette région.»

Maïté Hamouchi

En quelques lignes

Nous sommes bien d'accord avec le titre du nouveau roman de Bernard Minier. Le récit qu'il nous livre est une put*** d'histoire ! Ce thriller raconte l'histoire d'Henry. En réalité, c'est cet adolescent lui-même qui conte en grande partie son histoire. Henry n'est pas tout à fait comme les autres. Il note chaque mot qu'il apprend, il ne peut pas figurer sur les photos de classe, il n'y a d'ailleurs pas de photo de lui sur son profil Facebook, il déménage souvent… Tout porte à croire que ses mamans et lui gardent un grand secret. Le lendemain d'une dispute entre Henry et sa petite amie sur le ferry, cette dernière est retrouvée morte. La police n'a qu'un seul suspect en tête: cet adolescent adopté. Qui est en réalité Henry ? D'où vient-il? Pourquoi sa petite amie lui a-t-elle dit, sur le ferry, qu'elle savait qui il était ? Bernard Minier nous emmène au nord de Seattle. Un endroit boisé et sombre. Un climat et une atmosphère qui convient parfaitement à ce genre de thriller qui vous prend aux tripes du début jusqu'à la fin! « Une putain d'histoire », de Bernard Minier, éditions XO, 520pages, 21,90€

Cote: 5/5