Agnès Martin-Lugand: «On peut avoir de multiples vies»

par
Laura
Temps de lecture 4 min.

Après trois premiers livres, dont le succès inattendu de son ouvrage «Les gens heureux lisent et boivent du café», Agnès Martin Lugand publie «Désolée je suis attendue». À travers l'histoire de Yaël, jeune interprète qui délaisse sa vie privée au profit de son patron, l'écrivaine s'interroge sur la place accordée au travail.

Yaël a tout pour être heureuse et pourtant elle semble bien loin de la jeune fille que vous décrivez au début de votre ouvrage.

Agnès Martin-Lugand: "Oui, ce qui m'intéresse c'est justement de jouer au yoyo avec elle. De partir de cette étudiante, fêtarde, ‘je m'en foutiste' à cette addict au travail. Et du coup, à travers elle, s'interroger sur la place du travail. Est-ce que l'on peut trouver un juste milieu? Comment le faire?"

Son style de vie correspond au quotidien de nombreux jeunes actifs.

"Je pense que c'est très facile de se laisser happer par son travail. Yaël est consentante mais elle ne s'en rend pas compte. Il lui faut très longtemps pour comprendre que c'était un exutoire."

D'ouvrage en ouvrage, on retrouve une certaine quête d'identité chez vos héroïnes. C'est un sujet qui vous interpelle en tant qu'ancienne psychologue?

"Ce n'est pas forcément mon ancien métier qui me fait réfléchir à cela mais je pense qu'on n'a jamais fini de se construire ni de construire son bonheur. C'est un chantier permanent tout ça. Yaël peut changer, elle a le droit de prendre une autre voie à un moment. On peut avoir de multiples vies finalement."

Tout comme dans vos précédents romans, un événement va faire basculer le quotidien de votre héroïne.

"C'est moins dans des événements traumatiques que pour mes trois précédents romans. Diane, la perte de son mari et de sa fille, c'était plombant dès le début. Iris c'est la trahison de ses parents qui arrive dès le premier chapitre. Yaël est peut-être la plus normale des trois."

Vous faites justement intervenir Iris, l'héroïne d'«Entre mes mains le bonheur se faufile». C'est un clin d'œil à vos lecteurs?

"Oui, c'était l'occasion de donner des nouvelles aux lecteurs qui sont attachés à elle et à Gabriel. Cela me faisait excessivement plaisir de les retrouver l'espacede quelques scènes et ça se justifiait dans l'histoirede Yaël."

Vous êtes au rythme d'un livre par an, vous avez donc déjà une idée pour le prochain?

"Oui, les deux nouveaux personnages ont fini par toquer à la porte et me dire qu'ils allaient prendre la place de Yaël et de toute la bande."

Quelle est la recette de votre succès selon vous?

«Jene l'explique pas. Ce que je sais, c'est que je reste honnête avec moi-même. Je suis vraiment animée par le plaisir d'écrire et d'essayer de transmettre des émotions.»

Avez-vous une pression supplémentaire désormais lorsque vous écrivez un roman?

"Je ne la ressens pas d'une façon plus forte aujourd'hui. En fait, je me suis rendu compte que chaque roman pour moi représente un nouveau défi. J'ai l'impression à chaque fois de repartir à zéro. J'essaie de monter mon niveau d'exigence d'un cran sur chaque roman."

Les droits cinématographiquesde votre premier roman ont été achetés par le producteur américain Harvey Weinstein à l'origine de ‘The Artist'. Qu'en est-il de ce projet de film?

"Il travaille dessus. On sait qu'ils avancent sur le projet. Je discute énormément avec les producteurs français qui sont dans la boucle et je continue à prendre les nouvelles comme elles arrivent."

En quelques lignes

Téléphone greffé à l'oreille, Yaël ne vit que pour son boulot. La jeune, et ambitieuse, interprète n'a plus grand-chose à voir avec l'adolescente souriante et pleine de joie de vivre qu'elle était avant que Marc ne disparaisse. Malgré le lien qui les unissait autrefois, elle consacre son temps à son patron plutôt qu'à sa bande d'amis et sa famille. Mais ce quotidien basculera du jour au lendemain lorsqu'elle poussera la porte d'une brocante. Un roman attachant qui nous entraîne dans le quotidien à 200 à l'heure de son héroïne. Agnès Martin-Lugand s'interroge, et nous fait réfléchir, sur les priorités de la vie et l'impact des choix que nous faisons sur notre bonheur.

«Désolée, je suis attendue», Agnès Martin-Lugand, Michel Lafon, 256 pages, 18,95€ 4/5