Un Picasso exposé au beau milieu d’un supermarché: «Amener l’art où il n’est pas»

Un tableau de Picasso «au milieu des citrouilles, des pastèques et des bières» dans un supermarché au Sud de Paris: l’Essonne accueille des œuvres du musée national d’Art moderne avant l’ouverture en 2025 d’un «Centre Pompidou francilien».

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ETX Daily Up
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Sorti des collections d’un des plus importants musées d’art moderne et contemporain au monde, «L’Atelier» de Pablo Picasso intrigue mercredi les clients de ce supermarché de l’Essonne venus faire leurs courses, qui se demandent tous «si c’est un vrai». Assez discrets, des pompiers, policiers et agents de sécurité de l’hypermarché veillent au grain.

Ibrib Joanne n’en revient pas. «Ça me fait quelque chose», affirme cette secrétaire-comptable d’une voix douce, sans que son regard ne parvienne à se détacher de ce tableau aux dominantes marron, qui dépeint l’intérieur de l’atelier de Pablo Picasso dans une villa de Cannes, et qu’il a exécuté en 1955 à la mémoire de son ami Henri Matisse.

Une modeste cimaise a été érigée devant les rayonnages, avec un espace de circulation dégagé pour que les clients de ce supermarché situé entre Vigneux-sur-Seine et Montgeron, villes de moins de 60.000 habitants à elles deux, puissent contempler l’œuvre du peintre cubiste venue jusqu’à eux.

«On peut emmener les enfants facilement ici alors que c’est souvent difficile d’aller à Paris», témoigne Aline Vidal, retraitée de 66 ans accompagnée de ses deux petites-filles de 5 et 6 ans.

Les activités culturelles dans l’Essonne sont «répétitives» et, là, «les enfants accrochent», se réjouit Laetitia Leleu, animatrice en centre de loisirs, accompagnant une quinzaine d’enfants qui ont posé moult questions aux médiateurs.

«Je suis ravi que cette œuvre soit présentée au milieu des citrouilles, des pastèques et des bières», s’enthousiasme Serge Lasvignes, le président du Centre Pompidou, «là où est la réalité, là où est la vie des gens».

«Ce n’est pas la collection du Centre Pompidou mais celle de la France, car elle est nationale, et nous la partageons avec tous les Français, où qu’ils soient», argumente-t-il.

«Jouer la carte Massy»

Cette exposition éphémère et insolite s’inscrit dans le cadre de l’implantation à Massy (Essonne) d’un «Centre Pompidou francilien» prévue pour décembre 2025.

Ce pôle de 25.000 m² accueillera notamment la totalité des collections du Centre Pompidou dans ses réserves, soit environ 120.000 œuvres. Elles sont aujourd’hui jalousement gardées dans le nord de Paris, dans un lieu qui n’est «plus adapté», explique à l’AFP Julie Narbey, directrice générale du Centre Pompidou.

Un appel à projet a été lancé pour choisir un nouveau lieu pour ces réserves. En Ile-de-France, car les œuvres ont vocation à être prêtées, à voyager, et doivent donc rester à proximité de la capitale.

L’Essonne a été choisie, pour le plus grand bonheur du président du département, François Durovray, pour qui «l’un des objectifs du territoire est d’ouvrir la culture à des personnes qui en sont éloignées».

Outre les réserves, un lieu d’exposition de 1.000 m² est prévu, et 1.500 m² seront consacrés aux activités (auditorium, salles de médiation, espaces modulables, lieu de vie convivial, etc.). Budget de l’opération: 64 millions d’euros, «largement financé par les collectivités», reconnaît Julie Nabey – dont la Région, le département, la communauté d’agglomération Paris-Saclay et la Ville de Massy.

Depuis 2019, des actions de préfiguration sont menées en amont de l’ouverture de ce pôle, parmi lesquelles l’exposition d’œuvres des collections du musée national d’Art moderne en Ile-de-France, dans des écoles, des hôpitaux, des centres sportifs, pour «amener l’art là où il n’est pas», selon la directrice générale du Centre Pompidou.

Fin 2023, le Centre Pompidou, situé au centre de Paris, fermera temporairement ses portes pour faire peau neuve, avec une réouverture prévue au début de l’année 2027, l’occasion pour son président Serge Lasvignes «de jouer à fond la carte Massy».