Le prix du gaz passé… en négatif: voici pourquoi cela ne se verra pas sur la facture

Ce lundi, le prix du gaz a drastiquement chuté, passant même brièvement… dans le négatif. Comment cela a-t-il pu se produire en pleine crise énergétique? Qui en profite? Et avec quels impacts pour les consommateurs?

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(or)
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Le cours du gaz était en baisse lundi matin, tombant à son plus bas depuis juin. Le prix du TTF néerlandais, qui donne le la sur le marché européen, a baissé de 10%, pour atteindre le prix symbolique de 100 € le mégawattheure. Plus surprenant encore: en début d’après-midi, il est passé brièvement en négatif! Durant une heure, il se vendait à -15,78 € / mégawattheure sur le marché spot. Autrement dit, les clients étaient payés pour acheter du gaz.

Comment est-ce possible?

Comme tout produit, le gaz répond à la loi de l’offre et la demande. Or, en ce moment, la demande s’effondre alors que l’offre est excédentaire: cela entraîne de facto une baisse des prix. Le professeur de l’ULiège Damien Ernst, spécialisé en énergie et production d’électricité, identifie trois facteurs expliquant la situation actuelle:

1.La météo : non seulement les consommateurs veillent à limiter leur consommation énergétique, mais ils sont en plus encouragés par une météo anormalement chaude pour la saison. Conséquence: les chauffages sont encore éteints – ou peu utilisés. De plus, soleil et vent augmentent la production du renouvelable.

2.Des réserves pleines : en pleine crise énergétique, l’UE avait décidé de remplir ses stocks de gaz en vue de l’hiver. Un remplissage intensif qui a d’ailleurs contribué à l’envolée des prix. Mais aujourd’hui, l’objectif est atteint et les réserves de gaz européennes sont remplies à plus de 90%.

3.Des volumes déjà achetés : le gaz acheté par les pays européens ne peut pas être envoyé ailleurs.

Malgré la demande en baisse, le flux de gaz se poursuit: il transite toujours via les pipelines et les méthaniers. Car même si les prix chutent, les producteurs ne peuvent pas interrompre la logistique: cela coûterait beaucoup trop cher. Ils se retrouvent donc forcés d’écouler leur production excédentaire… même à prix négatif. Cela n’était plus arrivé depuis octobre 2019, relève l’Echo.

Quel impact pour les consommateurs?

Malheureusement pour les consommateurs, cela ne changera rien à leur facture d’énergie.

Ce (très bref) passage en négatif s’est déroulé sur le marché spot : le marché immédiat sur lequel les fournisseurs s’approvisionnent pour le jour même. En fonction de la consommation réelle de leurs clients, ils achètent de l’énergie (s’il en manque) ou en revendent pour un jour J. Sur ce marché spot, les prix sont donc extrêmement variables.

Ils le sont nettement moins pour les contrats «à terme», dont dépend la majorité de l’approvisionnement énergétique, puisqu’ils prévoient des livraisons pour les mois ou années à venir.

Qui en profite?

L’impact direct du passage en négatif du prix du gaz est donc minime. Et il ne profite réellement à personne. Ni aux ménages et entreprises, ni aux producteurs et ni même aux fournisseurs vu l’instabilité du marché.

Cela va-t-il durer?

Outre ce micro-événement, on note tout de même une tendance à la baisse du prix du gaz ces dernières semaines. Tendance qui a de quoi réjouir les clients qui ont des contrats de gaz variables.

Au plus fort de la crise, au mois d’août dernier, le prix du gaz avait atteint 350€/MWh. Ces derniers jours, sur le principal marché à terme néerlandais, il se situe aux alentours de 100€/MWh : c’est deux fois plus élevé qu’il y a un an, et près de cinq fois plus qu’avant la crise!

Faut-il s’attendre à ce que cette diminution se poursuive? À l’heure actuelle, rien n’est moins sûr. Car si l’on pourrait encore observer des chutes de prix ces prochains jours au vu des températures clémentes, le marché du gaz anticipe les prochains mois. Un hiver froid en Europe ou en Asie menace d’intensifier la concurrence sur le marché déjà tendu du GNL (gaz naturel liquéfié).