Le changement d’heure permet-il vraiment des économies d’énergie?

Le mois d’octobre rime avec changement d’heure. Cette année, le passage à l’heure d’hiver aura lieu dans la nuit du samedi 29 au dimanche 30. Ce système, jugé archaïque par certains, permet-il encore d’économiser de l’énergie?

par
Oriane Renette
Temps de lecture 4 min.

Chaque année, le changement d’heure revient avec la sempiternelle question: est-ce que l’on dort plus ou l’on dort moins? Avec l’heure d’hiver, les aiguilles reculent d’une heure. Autrement dit, nous «gagnons» une heure de sommeil: à trois heures du matin dimanche, il sera en réalité deux heures.

Ce drôle de phénomène, nous sommes nombreux aujourd’hui à y être habitués. Beaucoup même à l’avoir toujours connu. Pourtant, ce décalage horaire est un concept relativement récent.

Un peu d’histoire

C’est en 1977, à la suite du choc pétrolier, que la Belgique instaure le changement d’heure saisonnier. À l’origine, il avait été mis sur pied avec un objectif clair: permettre des économies d’énergie.

L’idée était la suivante: en instaurant l’heure d’été, on limite la consommation de l’énergie nécessaire à l’éclairage artificiel. En décalant les aiguilles d’une heure, on profite plus longtemps de la luminosité naturelle. Certes, cela implique que le Soleil se lève une heure plus tard mais les conséquences sur l’éclairage sont infimes à ce moment-là puisque les journées sont plus longues en été. En repassant ensuite à l’heure d’hiver, on limite alors l’utilisation de l’éclairage dans la matinée.

Dès le départ, l’efficacité de cette mesure sur la consommation d’énergie a été contestée. Qu’en est-il vraiment?

Des économies réelles mais…

Dans un rapport consacré à la question du changement d’heure, l’EPRS (le service de recherches du Parlement Européen) confirme que cette mesure a un effet positif sur la consommation d’énergie… mais que celui-ci est minime. En effet, après analyse d’une quarantaine d’études menée ces dernières décennies dans les pays européens, il apparaît que les économies moyennes réalisées grâce à l’heure d’été s’élèvent à… 0,34% de la consommation totale d’énergie. Avec une variation selon les pays qui s’explique par leur latitude: l’heure d’été étant plus au sud qu’au nord, avec des gains énergétiques allant jusqu’à 2,5% de la consommation totale.

Si à l’époque les économies d’énergie étaient plus intéressantes (jusqu’à 10%, en raison des ampoules incandescentes extrêmement énergivores), la généralisation des ampoules LED a changé la donne. Que soit pour l’éclairage public ou la consommation des ménages, le système de changement d’heure a donc désormais perdu de sa pertinence en matière d’efficacité énergétique. Heure d’été ou heure d’hiver, la différence de consommation ne se fait (quasi) plus ressentir.

Faut-il pour autant l’abolir?

Si le changement d’heure a trop peu d’impact sur les consommations pour être efficace, faudrait-il, à l’inverse, l’abolir pour diminuer la facture énergétique?

«L’abolition du changement d’heure saisonnier pourrait aider les Belges, mais pas tout au long de l’année», estime Pascale Defraigne, chercheuse à l’Observatoire royal de Belgique interrogée à ce sujet par nos confrères de la RTBF. «On gagnerait plutôt à décaler les changements d’octobre à septembre et d’avril à mars», ajoute-t-elle.

D’après elle, les effets se feraient ressentir en automne: le Soleil se lèverait une heure plus tôt et les ménages pourraient économiser en chauffage dans la matinée. Le soir également, les familles profiteraient «plus tard» de la chaleur accumulée dans la journée.

Le dernier changement d’heure en Belgique?

Avec le temps, le changement d’heure a de moins en moins d’adeptes. Au vu des maigres économies d’énergie qu’il permet, il n’a plus vraiment de raison d’être. Par ailleurs, les opposants à ce système mettent en avant la perturbation de notre rythme biologique. Pour ces raisons, la Commission européenne avait décidé, en 2018, d’y mettre un terme. Heure d’été, heure d’hiver: ce devait être un temps révolu.

Faute d’accord au niveau européen sur le fuseau horaire à abandonner, il a finalement été décidé que chaque État membre pourrait choisir l’horaire à abolir. Initialement, le changement d’heure devait avoir définitivement disparu en 2019. Mais à ce jour, aucune décision à ce sujet n’est à l’ordre du jour.

Qu’en pensent les Belges?

La majorité de la population belge (83%) se dit pourtant favorable à l’arrêt du changement d’heure saisonnier. Mais quel régime horaire conserver? La population apparaît mitigée: 50% des Belges sondés ont marqué leur préférence pour l’heure d’hiver tandis que 45% se sont exprimés en faveur de l’heure d’été.

Ce qui semble en revanche faire consensus, c’est la nécessité d’une approche pragmatique puisque 79% des répondants estiment qu’il est important d’être dans la même zone horaire que nos pays voisins. Les Français, eux, préféreraient rester à l’heure d’été. Il faut donc aboutir à une position commune. Ainsi, la balle est renvoyée au Conseil européen.

Tic tac. Les années passent et le sujet reste en suspens. Il faut dire que le Brexit, la crise sanitaire et puis la guerre en Ukraine ont quelque peu perturbé les priorités à l’agenda politique européen. Et dans l’attente d’un compromis entre pays voisins, il faudra donc continuer à régler nos montres deux fois par an.