«On est souvent confrontés à la mort»: à quoi ressemble la vie d’un policier d’élite?

Il a survécu à deux tirs de Mohamed Merah. Il a traqué les frères Kouachi. Il a fait sauter la porte de l’Hyper Cacher pour sauver 26otages. Quelques mois plus tard, il intervenait sur les attentats qui ont frappé le cœur de Paris. Policier d’élite français, Marc Verillotte raconte 20années passées dans la colonne d’assaut du RAID, dévoilant les coulisses et secrets de son métier hors-norme.

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Le RAID, c’est le dernier rempart face à ce que l’humanité compte de plus noir. En France, c’est l’unité d’élite qui répond présente dès que la police a un problème. «On intervient sur des situations particulières, avec des individus particulièrement dangereux. On est souvent confrontés à la mort, à la détresse humaine, à l’injustice, à la violence, à la folie… Et si on n’est pas là, c’est la population qui trinque», nous résume Marc Verillotte, ex-agent du RAID.

«Après nous, il n’y a plus personne à qui passer la balle: cela nous oblige à être hétérogènes et surtout à être préparés à tout», poursuit celui qui est aussi ancien champion de judo. Attentats, forcenés, go fast, prises d’otage, arrestations judiciaires, missions de sécurité… «Aucune intervention ne se ressemble. Même si l’on essaie de parer à l’imprévisible, on sait qu’on aura à chaque fois des surprises.» Les agents du RAID sont appelés à être opérationnels en continu, sur tout terrain et dans tous pays. Autant de missions que Marc Verillotte raconte dans son livre «Au cœur du RAID». Pendant 20ans, le policier d’élite a multiplié les opérations sous haute tension, dont la réussite se joue souvent sur le détail, avec des décisions dans l’urgence.

Le Roi de l’effrac’

Trois ans après avoir intégré la section du RAID (Recherche, assistance, intervention, dissuasion) de la police française, les agents choisissent entre deux options de spécialités additionnelles: l’effraction ou le tir fusil. «Moi j’ai choisi l’effrac’, pour être au plus près de la colonne d’assaut. Tu casses la porte et ensuite tu rentres quand même pour renforcer la colonne d’assaut». Et pour briser tout autre obstacle que les agents pourraient rencontrer en chemin. Fenêtres, portes, grilles, vitrines, murs, sols, plafonds… La cellule effrac’, que «Marco» a dirigée de 2012 à 2018, se doit de maîtriser toutes les techniques possibles d’ouverture, à l’aide de montages explosifs ou non. Ce qui requiert un état d’esprit qui qualifie bien notre interlocuteur: innovation perpétuelle et adaptation constante.

«Au RAID, on ne peut pas faire notre travail à 70%. Parce qu’en face, on a des voyous qui sont à 100%: motivés, parfois mêmes drogués, et qui n’ont pas peur de la mort.» Si le cerveau est focalisé à 100% durant la mission, il faut aussi apprendre à cloisonner. «Pas facile, mais ça s’apprend.» Essentiel, surtout lorsque l’on rentre chez soi, retrouver sa femme et ses deux enfants, devant un dessin animé.

Frères d’armes

Quand on lit et que l’on rencontre Marc Verillotte, une chose transcende son récit: le sens des valeurs. En particulier, celle du collectif. «Au cœur de l’action, si quelqu’un te presse l’épaule, c’est pour dire ‘je suis là, avec toi. Je suis prêt’. C’est un frère d’armes, on le sait, et ça suffit pour nous rassurer et nous élancer vers le danger», nous raconte l’ancien flic, médaille de la Légion d’honneur accrochée à son blouson noir. «Mais cet esprit collectif, il ne va pas de soi. Il faut le travailler. Si notre société se dégrade aujourd’hui, c’est parce que l’esprit collectif se dégrade. Quand arrive une crise, là où on aurait justement besoin de coopérer, aujourd’hui c’est du chacun pour soi. Dans le RAID, il n’y a pas de réussite autre que collective. Comme dans une société: elle ne pourra pas fonctionner s’il n’y a pas d’esprit collectif. Elle finira par s’effondrer.»

Dans son ouvrage, qu’il a voulu «vrai» avant tout, Marc Verillotte n’élude rien. Ni les joies et les réussites, ni les colères et les déceptions.

Aujourd’hui, Marco a raccroché son équipement (40kg en intervention, 30 de plus avec son matériel d’effraction d’urgence!). Il a quitté le métier «en paix» et s’attèle à une mission essentielle: la transmission.

Ce livre témoignage, le policier l’a construit grâce à son carnet de bord: pas moins de 7.000pages rédigées en 20ans de service! «Je voulais raconter la vérité de la colonne d’assaut, les coulisses du métier, et puis les ressorts qui poussent un opérateur à agir. Je ne l’ai pas fait par intérêt politique et pour l’ego. Je l’ai écrit pour mes enfants, et pour mes camarades. Je voulais rétablir la vérité sur mon métier, vérité souvent salie par ceux qui rêvent de carrières politiques.»

Au cœur du RAID, de Marc Verillotte et Karim Ben Ismaïl, éditions les Arènes, 340 pages, 22€.